«Le gouvernement doit lancer immédiatement un dialogue en coordination avec le Parlement et la participation des partis politiques, syndicats et organisations de la société civile pour finaliser le projet de loi sur l’impôt sur le revenu», a écrit le roi dans une lettre désignant le ministre de l’Education Omar al-Razzaz en remplacement du chef de gouvernement démissionnaire, Hani Mulqi.
Cet appel intervient quelques heures après une mise en garde du souverain contre un saut «dans l’inconnu» si la Jordanie -lourdement affectée par l’accueil de centaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre en Syrie- échouait à résoudre la crise sociale qui a conduit à des manifestations inédites depuis le Printemps arabe en 2011.
Dans la nuit de lundi à mardi, et malgré la démission du Premier ministre, environ 2.000 personnes se sont de nouveau rassemblées à Amman pour réclamer le retrait d’un projet de loi élargissant l’impôt aux salaires modestes et augmentant son taux pour certains particuliers et entreprises.
Ils ont scandé des slogans contre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI), qui pousse la Jordanie à des réformes structurelles en échange d’une bouée de sauvetage de 723 millions de dollars accordée en 2016 pour soutenir l’économie atone de ce pays de 10 millions d’habitants.
Certains manifestants étaient venus avec leurs enfants et d’autres avaient apporté des pâtisseries pour les offrir aux forces de sécurité, ont constaté des journalistes de l’AFP.
«La Jordanie est aujourd’hui à la croisée des chemins: soit elle parvient à sortir de la crise et à offrir une vie digne à ses citoyens, soit, Dieu nous en préserve, elle va vers l’inconnu», a déclaré lundi soir le roi Abdallah II, selon des propos relayés par l’agence de presse officielle Petra.
Alliée des Etats-Unis, rare pays arabe à avoir signé un accord de paix avec son voisin israélien, la Jordanie avait largement été épargnée par les mouvements de protestation lors du Printemps arabe en 2011. Mais l’économie est à la peine – la Banque mondiale évoque une «faible perspective de croissance en 2018» -, 18,5% de la population est au chômage et 20% vit à la limite du seuil de pauvreté.
Depuis janvier, le royaume a vécu plusieurs hausses de prix sur des produits de base comme le pain. Le coût des carburants a augmenté à cinq reprises et les factures d’électricité ont enflé de 55%. Certaines de ces hausses sont dues à la fin des subventions publiques dans le cadre des réformes demandées par le FMI. Mais c’est un projet de réforme fiscale qui a mis le feu aux poudres. Il prévoit une augmentation d’au moins 5% des impôts pour les particuliers et impose désormais les personnes ayant un salaire annuel de 8.000 dinars (environ 9.700 euros). Les impôts des entreprises doivent augmenter de 20 à 40%.
Malgré la démission du chef du gouvernement, ce projet n’avait pas été retiré et devait être examiné par le Parlement. Mais, relève l’analyste politique Samih al-Maitah, la démission du Premier ministre «est un signe positif montrant que les demandes des protestataires ont été prises au sérieux». «Le projet de réforme fiscale sera sûrement abandonné» en l’état, poursuit-il.
S’exprimant tard lundi, le roi Abdallah a assuré que les problèmes économiques de son pays, frontalier notamment de la Syrie, de l’Irak, d’Israël et de la Cisjordanie occupée, étaient imputables à l’instabilité régionale, à l’accueil de centaines de milliers de réfugiés syriens et au manque de soutien international.
L’accueil des Syriens ayant fui la guerre pèse lourdement sur les finances publiques et Amman appelle régulièrement la communauté internationale à une aide plus substantielle sur ce dossier.
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