TelQuel Arabi: Lors de la formation du gouvernement El Othmani, plusieurs militants de votre parti ont soulevé la question de la liberté de décision pour le PJD. L’USFP vous a-t-elle vraiment été imposée?
Mustapha Ramid: Tout ce qui se dit à ce sujet est dénué de tout fondement. J’ai à maintes reprises dit que l’USFP devait faire partie du gouvernement depuis que Abdelilah Benkirane menait les premières tractations. D’ailleurs, il avait rencontré Driss Lachgar plusieurs fois et les choses ont été tranchées.
Des problèmes sont survenus lorsque Driss Lachgar et d’autres secrétaires généraux de partis ont constitué une sorte de bloc pour parler d’une seule voix. Au secrétariat général du PJD, nous avons refusé cette solution.
La suite, vous la connaissez: le roi qui charge El Othmani de former un gouvernement le 15 mars 2017, la réunion de notre secrétariat général le lendemain, et enfin la convocation du Conseil national de notre parti où il a été décidé que nous allions soutenir Saâd Eddine El Othmani dans ses démarches.
Une réunion qui n’avait pas été programmée a eu lieu entre El Othmani, Benkirane et d’autres dirigeants et il a été convenu que les quatre partis (RNI, MP, UC et USFP) devaient traiter individuellement avec le chef de gouvernement désigné.
Dans le cas contraire, on aurait tout annulé. J’ai été chargé de les contacter et ils ont accepté de négocier de manière individuelle. Peut-être qu’une certaine partie a suggéré à El Othmani d’inclure l’USFP. Abdelilah Benkirane, en sa qualité de secrétaire général à l’époque, était le premier informé et avait choisi de ne pas en toucher un mot au Conseil national.
L’USFP a été exclue de nos calculs pour avoir rejoint le « groupe des 4 ». Par contre, nous n’étions pas contre le fait de négocier individuellement avec les socialistes.
Le Conseil national, mis au parfum, aurait-il pris la même décision?
Cette instance aurait pu barrer la route à l’USFP, comme elle aurait pu lui ouvrir les portes. Mais c’est une question à poser à deux hommes: Abdelilah Benkirane et Saad Eddine El Othmani, qui étaient respectivement secrétaire général du parti et chef de gouvernement désigné à l’époque.
Pourquoi vous êtes-vous opposés à un troisième mandat de Benkirane à la tête du PJD?
Un troisième mandat, au vu des statuts du parti, était interdit. Je n’ai fait qu’appeler au respect des statuts. Les partis démocratiques ont cela de particulier qu’ils interdisent la multiplication des mandats et nous avons été parmi les premières formations politiques à suivre cette voie.
Il n’y avait aucune raison de revenir sur ce choix, sinon on aurait pu déboucher sur un quatrième, voire un cinquième mandat pour la même personne, et là, on n’aurait plus parlé d’un parti démocratique.
J’ai passé en revue plusieurs expériences à l’international et j’ai découvert qu’à chaque fois qu’il y avait une évolution démocratique, on limitait le nombre des mandats des dirigeants. Et, à chaque régression, c’était le contraire comme en témoigne ce qui s’est passé en Égypte, en Algérie et en Tunisie.
J’avais dit que s’il fallait maintenir quelqu’un pour toujours, on l’aurait fait pour Nelson Mandela qui avait refusé. N’oubliez pas non plus que Barack Obama avait quitté la Maison-Blanche au summum de sa carrière politique.
Avez-vous essayé de déconseiller à Abdelilah Benkirane de briguer un troisième mandat?
Oui, j’ai essayé de l’en convaincre, mais il me disait qu’il n’était pas concerné par ce sujet. Pour lui, comme il y avait des militants pour et d’autres contre, il fallait laisser la décision aux bases du parti.
Nous avons discuté de ce sujet maintes fois et il me répétait qu’il allait respecter la décision finale du congrès, ce qu’il a fait de manière très classe, sans opposer le moindre refus. Je l’en remercie et je le respecte davantage pour cette position.
Quelle est la nature de votre relation?
Normale.
Vous maintenez le contact?
De manière très limitée. Je ne vais pas vous mentir en vous répondant que notre relation n’a pas été impactée par ma position que j’ai ardemment défendue. Cela dit, nous nous connaissons très bien et Abdelilah Benkirane est un homme de grand calibre. Il n’est pas dans son intérêt de s’arrêter sur des petitesses.
Vous avez joué un grand rôle lors de la formation du gouvernement et vous avez même été convoqué au Palais avec Benkirane. Pourrait-on dire que vous êtes devenu le représentant des islamistes auprès de la monarchie?
Le Palais n’a pas besoin de moi. Il traite avec les responsables partisans et gouvernementaux et j’ai cette double casquette. Il est donc normal que je traite avec l’État sinon je dois me départir et de ma responsabilité partisane et de ma responsabilité gouvernementale. Pour moi, c’est un honneur d’être en contact avec le Palais. C’est à la fois naturel et beau.
Pour vous, était-il normal que le remplacement de quatre ministres ait pris trois mois?
L’essentiel est que ceux qui lisent dans les boules de cristal aient eu tort! Ils disaient qu’Akhannouch allait glaner d’autres départements et que le PPS allait être puni et exclu. Quand je rencontrais le chef du gouvernement, on riait de ce qui s’écrivait et nous nous demandions s’il se passait des choses à notre insu.
Ce que je peux vous assurer par contre c’est que le chef de gouvernement avait limité ses tractations au PPS et au MP. Ni l’Istiqlal ni aucun parti de la coalition gouvernementale n’étaient concernés.
Il est normal que cette phase (le remplacement des ministres limogés, NDLR) ait pris du temps. Cependant, je ne suis pas habilité à en dévoiler les dessous. C’est du ressort du cabinet royal, du chef de gouvernement et des partis concernés qui pourront s’exprimer quand ils le voudront.
Vos propos au sujet de El Houcine Louardi étaient-ils véridiques?
Je l’ai et je le répète: ceux qui disent qu’il a été le meilleur ministre de la Santé du Maroc, ou le pire, ont tort. L’homme a beaucoup donné au Maroc. Il a fourni les efforts qui étaient en sa capacité, mais cela ne peut pas nous empêcher de constater que le secteur de la Santé souffre de plusieurs dysfonctionnements à l’image d’autres secteurs. Il ne fallait pas charcuter mes déclarations pour les présenter comme étant une charge contre l’homme.
(Propos recueillis par Cherki Lahrech pour TelQuel Arabi. Traduction par Mohammed Boudarham)
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