Interrogé sur la date de son départ en France après une rencontre avec le ministre français Jean-Yves Le Drian dans sa résidence à Riyad, Saad Hariri, qui est apparu souriant, n’a donné aucune date, se contentant de dire « très bientôt ».
Le voyage attendu de Saad Hariri en France est une porte de sortie pour lui, mais il pourrait sonner le glas de sa carrière politique, selon des experts.
Le 4 novembre et à la surprise générale, il a annoncé depuis la capitale saoudienne sa démission en accusant l’Iran et son allié libanais, le Hezbollah, de « mainmise » sur le Liban, et en disant craindre pour sa vie.
Libre de partir « quand il veut »
Depuis, informations et rumeurs ont circulé sur une interdiction de Saad Hariri de quitter le royaume saoudien après avoir été « contraint » à la démission. Et, mercredi, le président libanais Michel Aoun n’a pas hésité à affirmer qu’il le considérait « en captivité » à Riyad.
Réfutant ces accusations, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel Al Jubeir a affirmé que Hariri était libre de quitter l’Arabie saoudite « quand il veut« .
« Hariri est un citoyen saoudien et un citoyen libanais et en tant que tel, on ne peut pas le retenir, ce sont des allégations mensongères« , a affirmé le chef de la diplomatie saoudienne, premier responsable saoudien de ce rang à clarifier publiquement le statut du responsable libanais.
Le Hezbollah encore pointé du doigt
Agé de 47 ans et détenteur également d’un passeport saoudien, Saad Hariri, un « protégé » de l’Arabie saoudite, a démissionné un an après être parvenu à former un gouvernement avec le Hezbollah chiite proiranien.
Son annonce a pris de court la classe politique libanaise et fait craindre une escalade des tensions entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, les deux puissances régionales rivales.
Adel Al Jubeir a en outre renouvelé les accusations contre le Hezbollah, rival de Hariri.
« Le Hezbollah est une organisation terroriste de première catégorie« , a-t-il soutenu, accusant ce mouvement d’avoir « pris en otage l’Etat au Liban, d’y avoir bloqué le processus politique et d’être devenu un instrument aux mains des Gardiens de la révolution » iraniens.
MBS également attendu en France début 2018
La France, qui s’est démenée pour trouver une issue à la crise, a créé la surprise mercredi avec l’annonce par l’Elysée que Saad Hariri « devrait arriver en France dans les prochains jours« , à l’invitation d’Emmanuel Macron.
« M. Hariri a accepté l’invitation du président de la République à se rendre en France« , a confirmé jeudi M. Le Drian à des journalistes. « Il va venir en France » et le prince héritier Mohammed Ben Salmane, l’homme fort d’Arabie saoudite qui doit se rendre à Paris début 2018, « en a été informé« .
Interrogé sur la date exacte de la venue du responsable libanais, le ministre français a dit: « l’agenda de M. Hariri appartient à M. Hariri« . Lors de la conférence de presse, Jean-Yves Le Drian qui a rencontré les dirigeants saoudiens lors d’une visite de 24 heures, a souligné que le Liban devrait rester « à l’abri des ingérences » étrangères.
Il a abondé dans le sens de l’Arabie saoudite, dénonçant la « tentation hégémonique » de l’Iran et s’inquiétant de son programme de missiles balistiques.
Le Liban, zone d’influence
D’ailleurs, la démission de M. Hariri a été perçue comme un nouveau bras de fer entre l’Arabie saoudite et l’Iran qui s’affrontent déjà sur plusieurs dossiers régionaux, notamment les guerres au Yémen et en Syrie.
Mais elle a aussi coïncidé avec une purge inédite contre la « corruption » en Arabie saoudite, qui a visé des princes, des ministres et des hommes d’affaires.
Au Liban, M. Aoun a affirmé qu’il attendrait le retour de M. Hariri de Paris pour discuter de sa démission. Il a estimé que « l’acceptation par M. Hariri de l’invitation à se rendre en France est le début d’une solution« .
Sur la date de son départ en France, la présidence libanaise a indiqué s’attendre « à ce que cela se fasse aujourd’hui ou demain. Nous attendrons jusqu’à samedi« . Après la France, il doit rentrer au Liban pour présenter sa démission, a-t-elle ajouté.
Pour Amal Saad, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise, le voyage de M. Hariri signifie soit l’exil et la fin de sa carrière politique, soit un retour au Liban et des négociations avec le Hezbollah. « Soit il devra démissionner de toute la vie politique (…) », soit « Paris est juste une escale, et il reviendra à Beyrouth négocier un deal avec le Hezbollah« .
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