Dans son rapport sur la gestion du projet de développement « Al Hoceima Manarat Al Moutawassit », la Cour des comptes remet en question la gestion du programme. La préparation de ce projet ainsi que sa gouvernance sont pointées du doigt par l’institution présidée par Driss Jettou qui a également relevé les défaillances des départements de l’Éducation, de l’Urbanisme, de la Santé tout comme celles de l’OFPPT et l’ONEE. Voici in extenso la synthèse du rapport de la Cour des comptes.
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Majesté,
Sur Hautes Instructions de Votre Majesté Que Dieu l’Assiste, la Cour des comptes a procédé à l’examen de l’exécution du programme de développement de la province d’Al Hoceima « Manarat Al Moutaouassit », et ce en vertu de ses prérogatives et compétences en matière d’évaluation des projets publics. Pour accomplir cette mission, la Cour des comptes a procédé à l’examen du rapport d’enquête sur le programme précité, élaboré conjointement par l’Inspection Générale de l’Administration Territoriale (IGAT) et l’Inspection Générale des Finances (IGF). Lequel rapport a été communiqué à la Cour des comptes par le Gouvernement, le 3 octobre 2017, conformément aux dispositions de l’article 109 de la loi n°62-99 formant code des juridictions financières. La Cour a également demandé aux principales parties-prenantes des compléments d’information relatifs à la préparation du programme, et à l’état d’avancement des projets lancés à fin septembre 2017. Elle a aussi auditionné certains responsables des organismes concernés. Si l’examen des documents et des informations disponibles à ce jour n’a pas révélé de malversations ou de détournements, il a néanmoins permis de constater des dysfonctionnements, à la fois dans la phase préparatoire de ce programme, dans l’élaboration de la Convention-cadre qui le régit et dans sa mise en œuvre.
En effet, l’analyse de la phase préparatoire, qui a eu lieu entre 2014 et 2015,a permis de constater que le processus de choix des projets à réaliser dans le cadre de ce programme ne répondait pas à une vision stratégique intégrée et partagée par tous les partenaires. La consistance du programme telle qu’elle figure dans la Convention-cadre a été arrêtée de manière approximative, et l’échéancier y figurant retrace uniquement la répartition annuelle des contributions financières des 20 parties-prenantes. Or, en l’absence d’une ventilation par projet, ces contributions ne pouvaient avoir qu’un caractère estimatif. La Convention-cadre a été signée devant Sa Majesté le Roi, le 17 octobre 2015 à Tétouan. Le ministère de l’Intérieur comme la Wilaya de la Région auraient dû s’assurer au préalable que la Convention, en tant que cadre contractuel, ne se limite pas à des clauses générales, mais soit appuyée par des documents essentiels tels que la liste exhaustive des projets à réaliser, leur consistance, les estimations actualisées des coûts et les supports budgétaires.
Au niveau de la gouvernance du programme, la Convention a prévu un comité local de supervision et de suivi présidé par le gouverneur de la province d’Al-Hoceima, et une Commission centrale de suivi sans toutefois en désigner de président. Le comité local de supervision et de suivi n’a pas été en mesure de mobiliser les autres partenaires en termes de contribution effective et de réactivité. Il n’a pas, non plus, insufflé la dynamique nécessaire pour le lancement du programme sur des bases solides. Le planning prévisionnel des projets programmés et leurs budgets n’ont été évoqués pour la première fois que lors de la réunion de la Commission centrale de suivi tenue en février 2017, soit 16 mois après la signature de la Convention. Or, au regard de l’importance de ce programme, du budget alloué, du nombre important de signataires et des délais de réalisation relativement courts, le pilotage devait se faire au niveau du Gouvernement et de la Commission ministérielle de suivi à l’initiative du Ministre de l’Intérieur, et non au niveau du gouverneur, surtout durant la phase de démarrage, pour traiter en particulier les contraintes se rapportant à la consistance des projets, à la mobilisation du foncier, au financement, et procéder aux arbitrages nécessaires en cas de difficultés.
La mise en œuvre du programme a connu un démarrage timide. En effet, depuis la signature de la Convention-cadre en octobre 2015 jusqu’à février 2017, la Cour des comptes a constaté une insuffisance, voire une absence d’initiatives pour démarrer l’exécution effective des projets par la plupart des intervenants aussi bien au niveau central que local. Ainsi, sur les 644 projets prévus dans le programme, les réalisations à fin 2016 se limitent à 5 projets achevés (146,8 MDH) et 45 projets en cours (565 MDH). Les raisons avancées par plusieurs parties prenantes pour expliquer ce retard se rapportent à la réception tardive de la Convention-cadre, à la non programmation des crédits budgétaires et aux difficultés de mobiliser le foncier. La Cour des comptes estime que ces arguments ne peuvent justifier le manque d’initiatives pour entamer le démarrage du programme. Le retard dans la notification de la Convention aurait pu être évité par la remise aux différentes parties-prenantes, de copies certifiées conformes à l’original, dès le lendemain de la signature de la Convention. De même, le Gouvernement aurait pu répondre favorablement aux demandes de crédits formulées par certains départements pour leur permettre d’honorer leurs engagements. En outre, une attention particulière aurait dû être accordée à la mobilisation du foncier eu égard aux contraintes spécifiques de la région, liées à sa rareté, à son coût élevé et à la diversité de ses statuts (particuliers, Habous, domaine, eaux et forêts…).
Cependant, il y a lieu de signaler qu’avec l’installation du nouveau Gouvernement, et surtout après le Conseil des ministres du 25 juin 2017, une nouvelle dynamique a été enregistrée et comme conséquence de cette mobilisation, l’état d’avancement du programme s’est amélioré de manière significative. Ainsi, selon les informations et documents produits à la Cour à fin septembre 2017, 512 projets étaient en cours de réalisation ou en phase de démarrage, pour un montant global de 3,9 MMDH.
Entre janvier et juillet 2017, 12 conventions spécifiques ont été signées par différents partenaires avec l’Agence pour la promotion et le développement du Nord en vertu desquelles celle-ci se trouve désormais chargée de la maîtrise d’ouvrage d’un nombre important de projets dont la réalisation incombait initialement aux départements signataires. La Cour des comptes estime que la décision de confier à l’Agence du Nord la réalisation d’un nombre important de projets, pour un montant total de près de 3 MMDH représentant plus de 46% du budget global du programme, comporte des risques en termes de suivi, de coûts et de délais. Elle s’interroge sur la capacité de cette Agence à réaliser, en plus de ses projets propres engagés dans d’autres provinces du nord, un programme de cette envergure, malgré ses moyens humains limités. De même, la Cour des comptes estime que l’empressement observé chez plusieurs départements ministériels tels que l’éducation nationale, la santé, la jeunesse et sports, la culture et l’environnement, de recourir à l’Agence n’est pas justifié. Pour de nombreux projets, les études n’étaient pas encore disponibles et le foncier non assaini. Cet empressement traduit chez ces départements une certaine volonté de se défaire de leurs engagements aux dépens de l’Agence, alors qu’ils ont les capacités et l’expertise requises pour réaliser par eux-mêmes des projets similaires, comme ils le font habituellement sur l’ensemble du territoire national. La Cour des comptes recommande à ces départements d’accélérer l’élaboration des études préalables nécessaires, de procéder à l’acquisition et à l’assainissement du foncier, de veiller au déblocage régulier de leurs contributions financières à l’Agence et de renforcer leurs équipes au niveau local pour suivre de près l’exécution de leurs projets.
Concernant le ministère de l’habitat et de la politique de la ville, la Cour des comptes constate que la convention spécifique, qu’il a signée avec
l’Agence du Nord, n’a été visée qu’en août 2016 et seuls 50 MDH ont été débloqués sur un montant de 220 MDH prévus pour la période 20162017. La Cour recommande au ministère notamment d’accélérer les études pour démarrer les travaux relatifs au projet de confortement et de stabilisation des terrains au quartier Boujibar. Le ministère devrait aussi se mobiliser aux côtés de l’Agence du Nord pour assurer un suivi rapproché des projets relevant de ses prérogatives.
Pour le ministère du tourisme, au vu du retard constaté dans le lancement du programme touristique, la Cour des comptes recommande de renforcer et diversifier les actions de promotion engagées cet été en raison de l’importance du tourisme pour l’économie de la région.
Pour l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, la Cour recommande de sécuriser l’approvisionnement de la région en eau potable qui constitue une source de préoccupation des autorités locales, et de rattraper le retard accusé par l’office dans la réalisation de la station de dessalement ainsi que du projet d’adduction d’eau depuis le barrage de Bouhouda.
Pour l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail, la Cour recommande de veiller à la réalisation des deux centres de formation professionnelle à Bni Bouayach et Issaguen pour assurer leur ouverture dès la rentrée prochaine, surtout que les appels d’offres les concernant ont été lancés avec retard et n’ont été adjugés qu’en octobre 2017.
D’autres départements comme l’équipement, l’eau, l’agriculture et les eaux et forêts, bien que leurs projets aient connu un démarrage timide, ont pu accélérer la cadence de leur réalisation, et pour certains, renforcer leurs programmes, ce qui les met dans une position favorable pour réaliser leurs projets dans les délais.
Pour le ministère chargé de l’équipement, la Cour des comptes recommande d’accélérer les projets de désenclavement de la province d’une manière générale, notamment les tronçons routiers relevant du programme « Manarat Al Moutaouassit » dont le budget a été porté de 464 MDH à 714 MDH, et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour l’achèvement des travaux de la voie expresse Taza-Al-Hoceima dans les meilleurs délais, au regard de son importance pour l’ensemble de la région. Au vu de la sensibilité de la problématique de l’eau dans la région, le ministère doit également accorder une attention particulière aux différents programmes relatifs à l’approvisionnement en eau, portés par le Secrétariat d’Etat, l’Agence du bassin hydraulique et l’Office National de l’électricité et de l’eau potable.
Concernant le ministère de l’agriculture, à fin septembre 2017, un engagement financier de 233 MDH a été déployé couvrant ainsi 182% du programme initial des pistes et 102% de celui de l’arboriculture. Ce dernier axe a connu une accélération après un démarrage difficile dû à la saisonnalité de la plantation des arbres fruitiers et à la nécessité de procéder au groupement des agriculteurs en organisations professionnelles. Concernant le musée océanographique, le foncier étant aujourd’hui identifié, la Cour recommande d’accélérer l’élaboration des études pour assurer le démarrage de ce chantier dans les meilleurs délais. Pour le Haut-commissariat aux eaux et forêts, impliqué dans la réalisation d’un Ecomusée à Al Hoceima et d’un observatoire scientifique marin à Izemmouren, en partenariat avec l’Institut national de recherches halieutiques, la Cour des comptes recommande d’accélérer la réalisation des études spécifiques relatives à ces deux projets qui nécessitent une expertise particulière.
Par ailleurs, il importe de rappeler que des contributions importantes prévues par la Convention au profit du conseil provincial par le ministère de l’Intérieur (1,2 MMDH) et du conseil de la Région par le ministère des Finances (600 MDH) n’ont pas été assorties de projets précis. Et même après la signature de la Convention-cadre, les ministères de l’Intérieur et des Finances n’ont pas procédé, en concertation avec les deux conseils bénéficiaires, à l’établissement de programmes d’emploi pour ces fonds. De ce fait, le ministère de l’Intérieur a dû redéployer sa contribution vers l’Agence du Nord au lieu du Conseil provincial. Quant à la Région, elle a transféré à l’Agence du Nord 250MDH pour financer un programme additionnel routier du ministère de l’équipement. Ces fonds, reçus un an plus tôt du ministère des Finances, sont restés gelés en raison de l’absence d’un programme d’emploi.
« Concernant le ministère de l’habitat et de la politique de la ville, la Cour des comptes constate que la convention spécifique, qu’il a signée avec l’Agence du Nord, n’a été visée qu’en août 2016 et seuls 50 MDH ont été débloqués sur un montant de 220 MDH prévus pour la période 20162017. La Cour recommande au ministère notamment d’accélérer les études pour démarrer les travaux relatifs au projet de confortement et de stabilisation des terrains au quartier Boujibar. Le ministère devrait aussi se mobiliser aux côtés de l’Agence du Nord pour assurer un suivi rapproché des projets relevant de ses prérogatives. »
« Pour le ministère du tourisme, au vu du retard constaté dans le lancement du programme touristique, la Cour des comptes recommande de renforcer et diversifier les actions de promotion engagées cet été en raison de l’importance du tourisme pour l’économie de la région. Pour l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, la Cour recommande de sécuriser l’approvisionnement de la région en eau potable qui constitue une source de préoccupation des autorités locales, et de rattraper le retard accusé par l’office dans la réalisation de la station de dessalement ainsi que du projet d’adduction d’eau depuis le barrage de Bouhouda.
Pour l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail, la Cour recommande de veiller à la réalisation des deux centres de formation professionnelle à Bni Bouayach et Issaguen pour assurer leur ouverture dès la rentrée prochaine, surtout que les appels d’offres les concernant ont été lancés avec retard et n’ont été adjugés qu’en octobre 2017.
D’autres départements comme l’équipement, l’eau, l’agriculture et les eaux et forêts, bien que leurs projets aient connu un démarrage timide, ont pu accélérer la cadence de leur réalisation, et pour certains, renforcer leurs programmes, ce qui les met dans une position favorable pour réaliser leurs projets dans les délais.
Pour le ministère chargé de l’équipement, la Cour des comptes recommande d’accélérer les projets de désenclavement de la province d’une manière générale, notamment les tronçons routiers relevant du programme « Manarat Al Moutaouassit » dont le budget a été porté de 464 MDH à 714 MDH, et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour l’achèvement des travaux de la voie expresse Taza-Al-Hoceima dans les meilleurs délais, au regard de son importance pour l’ensemble de la région. Au vu de la sensibilité de la problématique de l’eau dans la région, le ministère doit également accorder une attention particulière aux différents programmes relatifs à l’approvisionnement en eau, portés par le Secrétariat d’Etat, l’Agence du bassin hydraulique et l’Office National de l’électricité et de l’eau potable.
Concernant le ministère de l’agriculture, à fin septembre 2017, un engagement financier de 233 MDH a été déployé couvrant ainsi 182% du programme initial des pistes et 102% de celui de l’arboriculture. Ce dernier axe a connu une accélération après un démarrage difficile dû à la saisonnalité de la plantation des arbres fruitiers et à la nécessité de procéder au groupement des agriculteurs en organisations professionnelles. Concernant le musée océanographique, le foncier étant aujourd’hui identifié, la Cour recommande d’accélérer l’élaboration des études pour assurer le démarrage de ce chantier dans les meilleurs délais. Pour le Haut-commissariat aux eaux et forêts, impliqué dans la réalisation d’un Ecomusée à Al Hoceima et d’un observatoire scientifique marin à Izemmouren, en partenariat avec l’Institut national de recherches halieutiques, la Cour des comptes recommande d’accélérer la réalisation des études spécifiques relatives à ces deux projets qui nécessitent une expertise particulière.
Par ailleurs, il importe de rappeler que des contributions importantes prévues par la Convention au profit du conseil provincial par le ministère de l’Intérieur (1,2 MMDH) et du conseil de la Région par le ministère des Finances (600 MDH) n’ont pas été assorties de projets précis. Et même après la signature de la Convention-cadre, les ministères de l’Intérieur et des Finances n’ont pas procédé, en concertation avec les deux conseils bénéficiaires, à l’établissement de programmes d’emploi pour ces fonds. De ce fait, le ministère de l’Intérieur a dû redéployer sa contribution vers l’Agence du Nord au lieu du Conseil provincial. Quant à la Région, elle a transféré à l’Agence du Nord 250MDH pour financer un programme additionnel routier du ministère de l’équipement. Ces fonds, reçus un an plus tôt du ministère des Finances, sont restés gelés en raison de l’absence d’un programme d’emploi.
A l’issue de l’évaluation de ce programme, et afin de dépasser les dysfonctionnements précités dus essentiellement aux limites du mode de gouvernance, la Cour des comptes recommande ce qui suit : – La Commission centrale de suivi doit être présidée par le ministre de l’Intérieur. Elle doit se réunir sans délai afin de statuer sur tous les problèmes qui entravent le bon déroulement du programme, notamment en termes de mobilisation du financement, d’apurement du foncier et de finalisation des études. – Elle doit aussi veiller à la cohérence d’ensemble du programme aussi bien entre ses propres composantes qu’avec les autres programmes socioéconomiques initiés dans la région (INDH, Fonds de développement rural et des zones montagneuses, Fonds de développement agricole…). – La Commission centrale devrait se réunir selon une fréquence trimestrielle et chaque fois que c’est nécessaire. Elle doit exiger de chaque partie-prenante de désigner un haut responsable comme interlocuteur unique chargé du suivi des projets de son département (rang de Secrétaire général ou de Directeur). – Le comité local devrait se réunir selon une fréquence mensuelle pour suivre de près la mise en œuvre des projets sur le terrain, et instaurer des mécanismes de coordination et de reporting avec des indicateurs appropriés (par projet, sous-programme et programme).
– Une vigilance particulière devrait être accordée aux risques encourus par l’Agence du Nord eu égard au volume important des projets dont elle a désormais la charge et veiller à ce que chaque partie-prenante assume sa part de responsabilité dans l’exécution et le suivi des projets confiés à l’Agence.
Enfin, la Cour des comptes suggère de s’appuyer sur les réalisations du programme « Manarat Al Moutaouassit » pour engager un plan intégré inclusif pour le développement socio-économique de la région.
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