Dans le sud de l'Espagne, inquiétude et dérision face au référendum catalan

José Jiménez en est convaincu : le référendum sécessionniste catalan "n'aboutira pas". Comme ce retraité de Cordoue, dans le sud de l'Espagne, beaucoup d'Andalous rejettent l'idée que la Catalogne prenne son indépendance.

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Les Catalans défient Madrid lors du référendum d'indépendance prévu le 1er octobre.

La Catalogne a beau être éloignée de l’Andalousie, des liens étroits les unissent. Nombreux sont ceux à y avoir émigré dans les années 1950 à 1970. On y recense aujourd’hui près de 600.000 Andalous.

La crise ouverte par ses dirigeants séparatistes, décidés à convoquer un référendum d’autodétermination interdit par la justice le 1er octobre, « est le sujet de discussion quotidien, au café, au travail », dit Juan Antonio Palmero, directeur d’une agence bancaire à Archidona, un village andalou aux maisons blanchies à la chaux.

Sur cette terre d’oliviers, la préoccupation numéro un est la sécheresse. Mais les conséquences d’une éventuelle sécesssion inquiètent aussi.

« Ce ne serait pas bon du tout, ni pour le commerce en général, ni pour le reste », explique Leocadio Corbacho, un entrepreneur de 71 ans qui travaille depuis ses 14 ans, et vend en Catalogne 25% de son précieux produit : du jambon coupé au couteau.

« Ici le sentiment de rejet est très présent » envers le projet souverainiste catalan, abonde Jesús Catena, un fabricant de meubles de la commune de Lucena.

L’Andalousie est la région la plus peuplée d’Espagne, avec 8,3 millions d’habitants en 2016, environ 800.000 de plus que la Catalogne.

Le tourisme et l’agriculture y sont florissants, mais c’est l’avant-dernière des 17 régions espagnoles en terme de revenu par habitant, loin de la Catalogne qui figure en quatrième position.

C’est pourquoi les Andalous entendent avec amertume les « l’Espagne nous vole » des nationalistes catalans, qui se plaignent de donner plus à l’Etat espagnol que ce qu’ils reçoivent en retour.

« Si tu pousses cette logique jusqu’au bout, l’Allemagne te dira qu’elle doit sortir de l’Union européenne, et en Catalogne, Barcelone pourrait dire qu’elle contribue davantage. C’est une discussion qui ne mène à rien », argumente José Miguel Trujillo, directeur d’un magasin d’articles de chasse à Archidona.

« Depuis l’Andalousie, on observe cette fuite en avant avec beaucoup de frustration » explique Jean-Baptiste Harguindéguy, docteur en sciences politiques et sociales à l’université Pablo de Olavide de Séville. « C’est la région qui a le plus besoin de l’argent Catalan ».

Dans la rue, quand on pousse à réagir sur le référendum, les sentiments varient : indifférence, dédain, méfiance… et sarcasme.

« Qu’ils votent ce qu’ils veulent. Et quand ils se retrouveront au chômage, qu’ils se débrouillent. Ces gamins ne savent pas ce qu’ils veulent ! » s’exclame Diego Ortiz, un retraité d’Iznájar, petit village blanc perché sur un rocher et entouré par un lac.

« C’est une affaire de politicards qui veulent être les maîtres » de la Catalogne, et au final, « tout ça n’aboutit à rien », estime a ses côtés José Jiménez, un retraité aux yeux vifs, canne à la main, assis sur un banc à la porte d’un centre médical.

Lope Ruiz, maire d’Iznájar, et Mercedes Montero, son homologue à Archidona, connaissent bien la Catalogne et affirment avoir de bonnes relations avec les maires auxquels ils ont rendu visite et qu’ils ont rencontré.

« Les relations sont très bonnes, tant au niveau institutionnel que personnel », assure le premier.

Mercedes Montero sera en Catalogne le 1er octobre, célébrant la journée d’Archidona dans la ville industrielle de Sabadell. Elle reconnaît être « déconcertée » par les tensions apparues après l’arrestation mercredi de 14 personnes impliquées dans l’organisation du référendum.

« Je ne pensais pas que ça provoquerait une situation aussi compliquée que celle qu’on est en train de vivre », explique la maire, qui espère pourtant que le président catalan, Carles Puigdemont, « revienne sur l’idée de tenir le référendum ».

Lope Ruiz indique qu’il n’a « rien a objecter à des mesures (de police) qui ont été ordonnées par un tribunal de la Catalogne elle-même ». Il insiste sur le fait que c’est le pouvoir nationaliste catalan « qui a rompu le consensus », en promouvant le 6 septembre dernier la loi qui permet de convoquer le référendum. « Si on enfreint la loi, il faut en assumer les conséquences », ajoute l’élu d’Iznájar.

Justement, c’est près de ce village qu’est né en 1955 celui qui fut président régional de Catalogne de 2006 à 2010, le socialiste José Montilla. Tout un symbole, selon son maire.

« Si quelqu’un qui est né dans une des bourgades les plus reculées de cette commune est devenu président de Catalogne, c’est que nous ne devons pas être si différents, à mon avis ».

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