Le retour du Maroc à l’UA à la faveur de la politique africaine de Mohammed VI, le rapport pragmatique du Maroc avec des pays traditionnellement hostiles à son intégrité territoriale pour « corriger les contre vérités », les relations avec le voisinage, notamment l’Algérie, la Mauritanie et l’UE… Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita, a accordé une longue interview où il revient sur tous ces points à Jeune Afrique, à paraître lundi 28 août. L’agence MAP en publie de larges extraits en avant première.
Le double objectif du retour du Maroc à l’UA
Nasser Bourita explique que le retour du Maroc à l’UA, dans le cadre de la politique africaine du souverain, a pour objectif de «faire entendre la voix du royaume au sein de l’UA, notamment sur le Sahara marocain». Les discours royaux de Kigali (juillet 2016), de Dakar (novembre 2016) et d’Addis-Abeba (janvier 2017), ont «fixé deux objectifs». Il s’agit d’une part de «contribuer à l’action collective pour l’Afrique. C’est ce que nous faisons : le Maroc est actif dans toutes les réunions de l’UA», a-t-il affirmé, citant l’exemple de la désignation du roi Mohammed VI leader sur la thématique de la «migration». Aussi, «le Maroc a transmis au président Paul Kagame une contribution écrite sur la réforme de l’UA», a-t-il ajouté. Le deuxième objectif est de «faire entendre la voix du royaume au sein de l’UA, notamment sur le Sahara marocain».
Selon le ministre, le Maroc a «dès sa première participation à un Sommet de l’Union, (…) dû corriger les contre-vérités distillées allègrement des années durant par certains». Quid de la terminologie défavorable au royaume de certains rapports ? «Il ne s’agit pas simplement d’une question de terminologie, mais d’une démarche visant à adapter le langage de l’UA au droit international», a-t-il expliqué. En guise d’exemples, les termes « territoires occupés », « décolonisation » et « annexion » sont «en porte-à-faux avec les fondamentaux de l’ONU », a-t-il déclaré.
Le ministre a aussi souligné qu’ «en l’absence du Maroc, l’UA était prise en otage par certains qui l’ont déconnectée de la réalité et de l’examen du dossier au sein de l’ONU». «Nous avons pu corriger ces perceptions fallacieuses grâce à la compréhension de nombreux Etats membres et de la présidence de la commission de l’UA», a-t-il assuré.
Les relations avec l’Algérie sont « au point mort »
Les relations entre Rabat et Alger sont «au point mort à tous les niveaux » et « ne connaissent aucune évolution», a indiqué Nasser Bourita. «Aucune visite bilatérale au Maroc depuis plus de sept ans. La coordination est au point mort à tous les niveaux. Les réunions de l’Union du Maghreb arabe ne se tiennent plus et le Maghreb demeure la région la moins intégrée du continent (…) Même lorsque le Maroc a annoncé, en juillet 2016, son intention de regagner sa place au sein de sa famille panafricaine, l’Algérie a mené les campagnes diplomatiques et médiatiques acharnées », a-t-il déploré.
Adhésion à la Cedeao : « Nous en sommes à la phase juridique »
Nasser Bourita a affirmé que la réponse positive des chefs d’Etat de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), le 4 juin, à la lettre royale du 23 février «traduit une conviction partagée par le Maroc et les quinze membres de la communauté, que l’adhésion du Royaume sera bénéfique pour tous». « Après l’accord politique, nous en sommes à la phase juridique. Une étape de négociations techniques suivra. Nous sommes en contact avec la commission de la Cedeao dans la perspective du sommet de Lomé (prévu en décembre) », a-t-il détaillé en observant que la polémique «géographique» n’a jamais vraiment tenu. «Le nom même du Maroc, Al-Maghrib al-Aqsa, le positionne dans l’ouest de l’Afrique. En outre, la Cedeao est une CER, c’est-à-dire une communauté économique – et non pas géographique – régionale», a fait remarquer le ministre, rappelant que la Mauritanie était membre de la Cedeao avant d’en sortir en 2000, comme la Tunisie est candidate à l’entrée dans le Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe).
«Le Maroc est disposé à travailler avec tous les pays qui ne font pas montre d’hostilité »
Nasser Bourita a qualifié le déplacement en juin au Maroc de Georges Chikoti, ministre des Affaires étrangères de l’Angola de «développement positif». Il s’agissait d’une première depuis un quart de siècle. Plus globalement, «le dialogue avec l’Angola est une déclinaison de la démarche royale », a-t-il dit relevant que « le ton a été donné » par des visites royales dans des pays qui reconnaissent encore la Rasd comme le Rwanda, l’Ethiopie, la Tanzanie, le Ghana, le Nigeria et le Soudan du Sud.
«Le Maroc est disposé à travailler avec tous les pays qui ne font pas montre d’hostilité, même s’ils ont hérité de positions d’une époque révolue sur le Sahara marocain », a insisté le ministre. «Ce n’est pas en tournant le dos à un pays qu’on peut lui expliquer notre cause. Sérénité et pragmatisme sont les maitres mots de la politique africaine de SM le Roi», a-t-il encore affirmé. «Lors de certaines visites royales, la question du Sahara n’a même pas été posée comme un préalable. Les discussions portaient sur le partenariat et la coopération. Tous ces pays n’en ont pas moins soutenu le retour du Maroc au sein de l’UA et adoptent aujourd’hui des positions constructives sur la question du Sahara marocain», a-t-il expliqué.
Interrogé sur les perspectives d’un rapprochement avec Prétoria, le ministre a souligné que le Maroc travaille «dans le cadre d’une vision royale limpide: le Maroc dialogue avec tous les pays qui ne sont pas hostiles». «Il est ouvert, mais jamais au prix de ses intérêts supérieurs», a-t-il insisté.
Les relations avec la Mauritanie sont « importantes »
Les relations avec la Mauritanie sont « importantes au regard de nos liens historiques, économiques, sociaux et culturels», a estimé le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale. «Le bon voisinage et la coopération sont au cœur des relations avec notre voisin du sud», a-t-il dit soulignant que le souverain « a réitéré son attachement à ces relations lors de ses derniers contacts avec le président Mohammed Ould Abdelaziz».
Union Européenne: « Nous avons parfois des divergences, mais nous dialoguons sans exclusive et, sur tout, nous trouvons des solutions toujours »
Nasser Bourita a expliqué que « le partenariat avec l’UE est un axe traditionnel de nos relations extérieures». «C’est une construction de près d’un demi-siècle, voulue autant par le Maroc que par L’UE », a-t-il indiqué observant qu’«en raison des réalisations importantes qu’elle a pu consolider, elle fait l’objet ces derniers temps d’attaques extérieures qui nécessitent une gestion vigilante dans un esprit de partenariat». « Avec l’UE, a-t-il dit, nous avons parfois des divergences, mais nous dialoguons sans exclusive et, sur tout, nous trouvons des solutions toujours. Nous sommes confiants dans le fait que, face à toute éventuelle difficulté, nous trouverons les moyens et les ressources d’une sortie par le haut qui renforcera notre partenariat et démontrera à tous sa solidité et sa résilience».
Délimitation maritime avec les Îles Canaries : « C’est désormais corrigé »
Interrogé enfin sur la délimitation maritime avec les îles Canaries, le ministre a souligné qu‘ »il ne s’agit pas de délimitation maritime ». « C’est beaucoup plus simple que cela« , a-t-il fait remarquer expliquant que « le Maroc a procédé à une mise à jour élémentaire des textes concernant ses espaces maritimes sur l’ensemble de ses côtes. Ces textes, qui remontent à 1973, 1975 et 1981, étaient en décalage avec les réalités du terrain, en déphasage avec les dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et en retrait par rapport aux données scientifiques disponibles aujourd’hui ». « C’est désormais corrigé », a-t-il conclu.
(Avec MAP)
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