C’est une échec personnel pour Theresa May, qui avait convoqué ces élections législatives anticipées en comptant en obtenir une majorité renforcée pour négocier la sortie de l’Union européenne. Les Tories décrochent 314 sièges, contre 330 dans l’assemblée sortante, tandis que les travaillistes de Jeremy Corbyn gagnent 37 sièges, à 266 mandats, selon une estimation Ipsos/MORI à la fermeture des bureaux de vote à 21H00 GMT. Mme May disposait d’une majorité de 17 sièges dans le Parlement sortant.
Moins d’un an après le référendum pour la sortie de l’Union européenne, cette tenante d’un Brexit « dur » avait convoqué ces élections anticipées afin d’avoir les coudées franches pour négocier avec les 27 à partir du 19 juin. Mais les travaillistes de M. Corbyn, tenant de l’aile gauche et qui a mené une campagne jugée réussie, ont contrarié ces plans.
Cette projection a aussitôt provoqué une chute de la livre sterling à New York. Elle baissait face à la monnaie européenne, à 87,94 pence pour un euro, contre 86,90 la veille. Elle reculait également face au dollar, à 1,2745 dollar pour une livre contre 1,2962 la veille. « Il semble qu’il va y avoir de l’instabilité et qu’il sera plus difficile pour le gouvernement britannique de négocier le Brexit avec une position ferme », relève Tony Travers, de la London School of Economics (LSE).
‘Désastre pour May’
Si ces projections se confirment, les conservateurs auront le choix de composer un gouvernement minoritaire ou d’essayer de former une coalition avec un ou plusieurs autres partis. Dans les deux cas, les négociations pourraient durer jusqu’à plusieurs semaines, ce qui porterait un coup dur au calendrier du Brexit.
Pour Mike Finn, de l’université de Warwick, le Royaume-Uni s’expose « à une période de coalition ou à de nouvelles élections ». Résultat: « toute l’approche du Brexit est remise en question. » A gauche, les indépendantistes écossais du SNP essuieraient de lourdes pertes, à 34 sièges contre 54 précédemment, selon les projections. Les Libéraux-Démocrates, seul parti résolument et ouvertement europhile, gagneraient six sièges à 14 mandats. Les Lib-Dem ont prévenu jeudi soir qu’il n’y aurait « pas de coalition. Pas d’accord » avec les autres partis.
« C’est un désastre pour Theresa May. Son leadership est remis en question et elle sera sous pression pour démissionner si les résultats se confirment », a souligné Iain Begg, professeur à la LSE, à l’AFP. Quant au SNP, « c’est assez catastrophique, c’est une très mauvaise nouvelle pour Nicola Sturgeon (la Première ministre écossaise, ndlr) et sa revendication d’un deuxième référendum » sur l’indépendance de l’Ecosse, selon l’expert.
Le résultat a pris de court analystes et partisans des Tories, alors que la plupart des sondages leur prédisaient une victoire assez nette. « Le grand pari de May échoue », résume le très conservateur Times dans un titre barrant sa une. « C’est mon pire cauchemar qui devient réalité », affirme pour sa part Hélène Thomas, 36 ans, qui a suivi la soirée électorale dans un bar de Londres, où elle espérait célébrer la victoire de Mme May.
Après les surprises du Brexit et de l’élection de Donald Trump, « c’est la leçon des deux dernières années », estime Brian Klaas, de la London School of Economics. « Les électeurs n’aiment pas qu’on prenne leur vote pour acquis ». Theresa May avait convoqué le scrutin en avril, contrairement à ses engagements de ne pas écourter la législature, en espérant surfer sur des sondages créditant son parti d’une avance de 20 points sur le Labour.
Campagne réussie de Corbyn
Mais M. Corbyn a mené une campagne plus réussie qu’attendue par les politologues, multipliant les meetings au contact des électeurs et exploitant plusieurs faux-pas de Mme May, notamment sur la protection sociale. Le Brexit a été paradoxalement éclipsé durant la campagne par les questions de la protection sociale et de la sécurité dans ce pays frappé par trois attentats en moins de trois mois. La question de la sortie de l’UE a cependant été à l’esprit de nombreux électeurs au moment de glisser le bulletin dans l’urne.
« J’ai fait mon choix sur ces deux questions: avoir un bon accord sur le Brexit, et la sécurité », soulignait à l’AFP Angus Ditmas, 25 ans, à Londres. Beaucoup d’électeurs ont en revanche indiqué refuser que les attentats revendiqués par le groupe État islamique, qui ont fait huit morts à Londres samedi et 22 morts à Manchester le 22 mai, aient un impact sur leur vote. « On ne veut pas que ces attaques influencent ce qu’on pense », a assuré Javed, 23 ans, dans un bureau de vote de Barking (est de Londres), d’où provenaient des auteurs de l’attentat de samedi. « De toute manière, il y aura des menaces quel que soit (le vainqueur) », a-t-il ajouté. Les conservateurs ont fait l’objet de critiques pour avoir supprimé 20.000 postes de policiers depuis 2010.
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