Le Hamas islamiste palestinien a annoncé lundi soir, pour la première fois de son histoire, avoir modifié son programme politique, disant accepter un Etat palestinien limité aux frontières de 1967 et insistant sur le caractère politique et non religieux du conflit avec Israël.
Le Hamas est considéré comme « terroriste » par les Etats-unis, l’Union européenne et Israël et nombre de ses dirigeants sont visés par des sanctions. En amendant pour la première fois en près de 30 ans ses textes fondateurs, dénoncés par beaucoup –Israël en tête– comme « antisémites », il tente de revenir dans le jeu des négociations internationales, estiment les experts.
Cette annonce, notent-ils encore, intervient à 48 heures de la première rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue palestinien Mahmoud Abbas, à couteaux tirés avec le Hamas. « Le Hamas est un mouvement vivant qui se renouvelle », a plaidé son chef Khaled Mechaal lors d’une conférence de presse à Doha. Mais, a-t-il dit, les principes demeurent.
Le Hamas insiste sur le fait qu’il ne reconnaît pas l’Etat hébreu et un document rendu public évoque « la Palestine, du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée ». Mais dans le document, le Hamas estime qu' »un Etat palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, (…) est une formule de consensus national ».
En inscrivant clairement qu’il accepte un Etat limité à la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, le Hamas endosse les frontières déjà reconnues par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Lui et le Jihad islamique sont les seules forces politiques palestinienne à ne pas appartenir à cette entité reconnue par la communauté internationale comme représentant l’ensemble des Palestiniens à l’intérieur des Territoires occupés.
En outre, le document qui s’ajoute à la charte originelle de 1988, affirme que le Hamas est « en conflit avec le projet sioniste et non avec les juifs en raison de leur religion ». Il prend par ailleurs ses distances avec les Frères musulmans égyptiens. Avec l’annonce de ces changements, le mouvement entend s’ouvrir au dialogue avec les autres forces palestiniennes mais surtout avec les capitales étrangères qui, jusqu’ici, refusent tout dialogue officiel avec le Hamas, qui contrôle depuis 10 ans la bande de Gaza.
Israël a toutefois déjà répliqué qu’il n’était pas convaincu. Le Cogat, l’organe du ministère israélien de la Défense en charge des Territoires occupés, a estimé que le Hamas « se moque du monde en essayant de se présenter avec ce soi-disant document comme une organisation éclairée ».
« Ils creusent des tunnels pour mener des actes terroristes et tirent des milliers et des milliers de missiles sur des civils israéliens », a accusé David Keyes, un porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dans un communiqué. Le Hamas a combattu, aux côtés d’autres mouvements armés, à trois reprises l’armée israélienne à Gaza depuis 2008.
« La question de considérer la charte de 1988 comme caduque fait débat depuis des années au Hamas. Pour ne pas l’abroger, un nouveau document a été rédigé pour établir les positions politiques du Hamas », explique à l’AFP Leïla Seurat, chercheur associée au Centre de recherches internationales (CERI). Pour cette spécialiste du Hamas, la reconnaissance des frontières de 1967 n’implique « pas une reconnaissance d’Israël ». « La seule nouveauté, c’est qu’il l’inscrit pour la première fois dans un document propre au mouvement » qui vaut également pour sa branche armée, souligne-t-elle.
Militaires et politiques sont régulièrement présentés comme concurrents au sein du Hamas. La récente élection à la tête du mouvement dans la bande de Gaza de Yahya Sinouar, un commandant militaire tenant de la ligne dure, a d’ailleurs fait redouter une escalade avec l’Etat hébreu.
Le Hamas doit annoncer sous deux semaines le nom du successeur de Khaled Mechaal, qui incarne l’aile pragmatique et conciliante du Hamas et qui a joué, selon Mme Seurat, « un rôle fondamental » dans la rédaction du document présenté lundi. Le vainqueur pressenti est Ismaïl Haniyeh, sur la même ligne.
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