Zakaria Boualem et l'incohérence

Par Réda Allali

Vous trouverez ci-après un petit tour d’horizon de l’actualité mondiale vue par Zakaria Boualem, c’est parti.

Apprenez pour commencer qu’il existe quelque part une étudiante qui travaille d’arrache-pied sur une thèse universitaire visant à prouver que la terre est plate. Soupir de lassitude. Il n’est pas ici question d’un brave illuminé œuvrant sur YouTube à temps plein, et pêchant du clic au mépris de sa propre dignité, pas du tout. Nous parlons ici d’une thèse universitaire, qui propose “une nouvelle vision de la cinématique des objets conforme aux versets du Coran”, où les étoiles ont pour rôle de “lapider les diables”. La bonne nouvelle, c’est que ça se passe en Tunisie. Il est toujours heureux d’échapper à une dose de ridicule surtout quand elle s’abat sur les Tunisiens. La mauvaise, c’est que nous autres musulmans, sombrons. Oui, nous sombrons, engoncés dans nos contradictions et incapables de regarder les choses telles qu’elles sont.

Pendant ce temps, les Français ont voté pour élire leur nouveau président, que Dieu l’assiste. Ils ont souhaité en finir avec “le système” de la grande finance mondiale, c’est sans doute la raison pour laquelle ils ont porté au deuxième tour un banquier d’affaires et une héritière un peu raciste. Il faut rendre un hommage particulier aux 560 Français du Maroc qui ont voté pour l’héritière un peu raciste, en se félicitant de constater que nous n’avons pas le monopole de l’incohérence. Nous parlons ici de gens qui, installés à Agadir par exemple, estiment qu’il y a trop d’Arabes en France. Peut-être sont-ils même un peu nostalgiques de l’empire colonial, sans réaliser qu’à l’époque, ces musulmans étaient encore plus nombreux en France. Passons, car l’heure est grave, il y a bien plus important. Un article au ton angoissé a plongé Zakaria Boualem dans la perplexité. Il paraît, tenez-vous bien, que notre économie ne va pas très bien, c’est ce que dit un rapport de la Banque Mondiale repris par nos héros de la presse économique. Le Guercifi est bien incapable de vous donner les détails du malaise, mais il a retenu quelques phrases très effrayantes : “Nous avons besoin d’un nouveau modèle de développement”… “Il nous faut un miracle éducatif”… “Une thérapie de choc”… “Placer le citoyen-usager au cœur du système comme bénéficiaire”… “Assurer une meilleure protection des personnes, des biens et des contrats”…

Il y a donc deux options possibles. La première, c’est que la Banque Mondiale ment (ce ne serait pas la première fois), ou du moins qu’elle se trompe. Ils pourraient bien ne pas avoir compris la puissance de notre modèle, qui nous assure la stabilité depuis au moins Moulay Ismaïl, ce qui n’est pas rien. Ils viennent nous donner des leçons avec leurs histoires de rente, par exemple, qu’ils voient comme un frein au développement, une pratique d’un autre âge. En résumé : une abomination. Mais ils ne savent pas que chez nous, l’écrasante majorité adore ce concept, au point de consacrer une bonne partie de son énergie à chercher un moyen d’en profiter. Comptez autour de vous les gens qui souhaitent voir disparaître les grimate, par exemple, et comparez-les à ceux qui aimeraient en avoir une, et vous aurez compris notre attachement indéfectible à ce modèle économique. La seconde option — nous sommes obligés de l’évoquer même si elle semble hautement improbable —, c’est que la Banque Mondiale a raison, et là nous avons un sérieux problème, les amis. Voilà, c’est tout. Ah si, pardon : pendant ce temps, le ministère des Affaires étrangères a produit un magnifique communiqué qu’il faut citer sans plus attendre : “Le Maroc suit avec grande préoccupation la situation interne en République bolivarienne du Venezuela”. Rien à ajouter, vous pouvez disposer.