La rencontre entre les employés des mines de Balima et Jerrada avec le photographe Mehdy Mariouch est un hasard. Lorsqu’il se rend dans ce qui est aujourd’hui le plus ancien site industriel minier d’Afrique du Nord, pour la première fois en 2014, c’est pour photographier les réseaux de prostitution qui se sont développés suite à la fermeture des mines en 2008. « Finalement quand je suis arrivé sur place, il n’y avait plus aucune maison close. Tout avait été nettoyé« , se souvient le jeune photographe. Il se renseigne alors sur les mineurs. Un ami l’accompagne aux anciennes mines où des hommes creusent artisanalement des puits pour trouver du plomb.
« J’ai eu un coup de foudre pour ces gens qui travaillent des heures dans des conditions très difficiles« , raconte Mehdy Mariouch. Rien qu’en 2014, il y retourne trois fois pour des séjours de trois à quatre jours, histoire de se « familiariser avec les gens, souligne-t-il. Ce sont des gens qui ne savent pas ce qu’est un boitier, je devais donc les habituer à être pris en photo« . Après une année chargée professionnellement en 2015, Mehdy Mariouch retourne aux mines en 2016, dans le cadre de sa bourse avec le Fond arabe pour les arts et la culture de Beyrouth. « Du coup, depuis septembre j’y suis retourné six fois. Ce sont des potes maintenant« , s’amuse-t-il.
Un regard admiratif
Ce travail au long cours a donné naissance à une série qui sera exposée du 18 février au 20 mars à la galerie de l’Uzine située dans le quartier d’Aïn Sebaâ à Casablanca. De Balima, la cité ouvrière des mines d’Ahouli-Mibladen, l’un des plus importants gisements de plomb du Maroc (à l’abandon depuis une quarantaine d’années), à Jerrada, fief des mines de charbon désertées depuis une quinzaine d’années, le photographe raconte l’histoire de ces mineurs oubliés de l’Oriental .
Un travail qui « propose une vision en immersion dans une existence fragile et abrupte sans jamais sombrer dans le misérabilisme et la mise en scène suggestive« , comme l’affirme la commissaire de l’exposition Florence Renault-Darsi. Une humilité qui se retrouve chez ses sujets : « Ici la majorité des gens sont très dignes et fiers. J’ai croisé un mineur handicapé depuis l’âge de trois ans. Il me disait qu’il n’avait jamais profité de son handicap, il préférait travailler dans les mines pour nourrir ses six enfants. C’est une fierté « , raconte le photographe. Pourtant, le jeune homme affirme aussi que la majorité des gens sur place sont atteints de silicose, une maladie pulmonaire due à l’inhalation de poussières de silicone dans les mines. « Mais ils tiennent trop à leur terre pour en partir« , affirme Mehdy.
La plupart du temps, en dehors de quelques rares exceptions, les gens qui travaillent dans les mines arrivent à vivre du fruit de ce labeur. « Ils croient au principe du poker. Ils misent et parfois il y a une récolte. À certains moments, ils peuvent passer deux mois sans rien trouver, mais ils sont satisfaits« , commente-t-il. Ces mineurs espèrent désormais ouvrir la région au tourisme. « Ahouli est magnifique. Il y a un patrimoine colonial très riche, mais il n’y a pas d’infrastructure, pas d’électricité, ni de réseau« . D’ailleurs, les habitants de la ville parlent de l’époque où il y avait des bars et des piscines avec émotion. « Je pouvais lire le regret dans leurs yeux, ce sentiment d’avoir été abandonné par l’État« , poursuit l’artiste.
Un travail de mémoire
À travers cette série de photographies, Mehdy Mariouch raconte l’histoire des mineurs, mais aussi celle de leur région. « Le rôle principal d’un photographe documentaire, c’est de documenter une époque, une région et ses émotions. Ce travail c’était aussi le moyen de documenter des gens et un patrimoine complètement oubliés« , explique-t-il.
« Cette série est le début d’un grand projet. Je veux continuer à couvrir ce qui se passe dans l’Oriental, car il y a beaucoup de puits et de conditions humaines à décrire. C’est un projet de vie« , affirme-t-il. Pour son prochain voyage, Mehdy Mariouch aimerait se concentrer sur le travail des femmes dans les mines. « Je n’en ai vu qu’une seule, mais les mineurs m’ont dit que ce phénomène existait dans d’autres régions« , confie-t-il.
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