Le marché fantôme des voitures électriques au Maroc

Sur la dizaine de modèles de véhicules électriques commercialisés, les concessionnaires marocains enregistrent des ventes encore très faibles.

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Pick-up vert, voiture 100% électrique… Lors de la COP22, le Maroc a montré au monde son avancée en termes de transition écologique. Mais si le royaume se proclame leader africain dans le domaine, son marché de l’automobile électrique est quant à lui quasi inexistant, contrairement à ce qui est observé en Europe et dans certains pays du monde arabe.

Si certaines mesures incitatives ont été engagées ces dernières années, tout reste encore à faire. C’est le cas des baisses successives de droits de douane depuis sept ans. Un moyen d’inciter les concessionnaires à importer des véhicules verts, puisqu’ils ne sont pas produits sur le sol marocain.

En 2010 déjà, avec la loi de finances, les droits de douane pour les importations internationales avaient été réduits de 17,5% à 2,5%. Une dispense à laquelle s’est ajoutée celle actée par les accords de libre-échange en 2012 pour les véhicules importés d’Europe. Le projet de loi de finances 2017 prévoit cette fois-ci, la suppression de la taxe spéciale annuelle sur les automobiles (vignette) pour les véhicules hybrides.

Volonté de créer un écosystème

Lors de la COP22, le gouvernement a également réuni Renault-Nissan, Schneider Electric et le groupe M2M dans le but de créer un écosystème pour la facilitation de la transformation énergétique et la réduction de l’impact environnemental du secteur du transport. Le consortium s’est également fixé de faire en sorte que 10% du parc automobile soit constitué de véhicules électriques à l’horizon 2030. « Beaucoup de choses sont encore en négociations, il n’y a encore rien de vraiment concret à ce jour », affirme Imane Bejja, responsable de la communication Maghreb à Schneider Electric qui fait partie du consortium.

Pour elle, les villes du Maroc sont encore loin de devenir des Smart City. Si l’idée est née et que le partenariat est bien là, beaucoup de points concernant notamment l’installation des bornes électriques restent encore à éclaircir, tout comme la question du paiement. « C’est l’un des points qui fait débat. Le consortium avait parlé d’un paiement par carte électronique. Mais cela nécessiterait l’intégration d’un vaste réseau impliquant les opérateurs et des développeurs pour conceptualiser l’application de géolocalisation des bornes« , explique notre interlocutrice. « Installer des bornes c’est facile. Le plus dur c’est de créer le réseau global et interconnecté qui va avec. Pour ça, il nous faut un cadre légal qui incite le consommateur à acheter des véhicules électriques« , précise-t-elle.

Des ventes encore très faibles

Il se trouve en effet que les concessionnaires affichent des ventes encore très faibles. « Nos ventes sont encore modestes, même s’il y a un certain intérêt depuis la COP22« , concède Eric Basset, le directeur général de Renault Commerce Maroc, qui propose depuis 2013 une gamme 100% électrique (Zoe, Kangoo, Z.E. et Twizy).

Même constat pour Adil Bennani, directeur général de Toyota Maroc, qui ne croit pas au « tout électrique » et qui commercialise donc uniquement de l’hybride (Yaris, Loris, Rav4, Prius). « Depuis le lancement en 2014, seulement 500 véhicules ont été vendus, dont la moitié en 2016. On prépare le lancement de la CHR, qui est sortie en Europe il y a un mois, pour avril prochain« , affirme-t-il.

Un nombre de ventes qu’il juge insuffisant et qu’il explique par les raisons suivantes: « Les Marocains ont peur de la technologie. Quand tu dis essence, les gens paniquent. Alors, quand tu leur parles d’hybride, qui coûte encore plus cher, c’est encore pire. Il faut qu’on arrive à leur prouver que c’est un achat rentable sur le long terme« .

Un avis que partage Nihad Karim, responsable des ventes chez Ford Maroc, qui ne commercialise aucun véhicule de ce type. « Pour le moment, les clients qui se rendent dans nos showrooms ne réclament pas du tout ce type de motorisation. Ils ne demandent même pas d’information à ce sujet« . Sur les 16 500 ventes qu’a réalisées l’entreprise sur l’année, à peine une dizaine de clients ont demandé des informations sur les véhicules verts.

C’est en grande partie pour cette raison qu’Audi Maroc ne commercialise pas, elle non plus, de véhicule électrique. « Et on n’est pas près de s’y mettre. On s’intéresse à la rentabilité à court terme donc on ne va pas faire du lobbying pour des produits qui ne se vendent pas« , explique Mehdi Laghzaoui, le directeur général.

Pour Adil Bennani, c’est au gouvernement de mettre en place des mesures incitatives pour pousser les consommateurs à acheter vert. « Ce n’est pas avec une exonération de vignette à 700 dirhams qu’on va le faire changer d’avis, affirme-t-il.  Il faut une fiscalité plus incitative comme TVA verte à 5% ou un bonus écologique« .

La question serait alors de savoir avec quel argent. Pour l’expert, il s’agit d’un faux problème. « Il y a 3 millions de véhicules qui circulent par an, la moitié ne sont pas en conformité écologique. Il suffit d’imposer un timbre à l’environnement de 50 Ddirhams par exemple au moment du contrôle technique. Cela pourra être utilisé pour subventionner le bonus« , explique-t-il.

L’exemple jordanien

Pourtant, dans certains pays arabes, le marché des voitures électriques progresse. C’est le cas de la Jordanie qui, malgré ses importantes réserves de pétrole, a décidé de développer les énergies renouvelables notamment dans le marché de l’automobile. Le pays est passé à l’étape au-dessus. En février 2016, l’État a donné pour mission à un consortium d’experts locaux, les sociétés françaises Matra et DBT et l’américain Allcell Technologies, de déployer 3 000 stations de recharge solaires à travers le pays. Une avancée dans laquelle la Jordanie a investi 91 millions d’euros. Les experts locaux de ce même consortium tablaient sur la vente de 10 000 voitures vertes pour l’année 2016.

Des avancées qui s’inscrivent dans une dynamique nationale plus importante. En 2008, le pays avait annoncé la mise en œuvre d’un plan ambitieux en matière d’énergie d’ici à 2020. Cette stratégie nationale vise à faire évoluer le mix énergétique actuel, fortement dépendant du pétrole et du gaz naturel. L’idée est de diversifier les sources d’énergie y compris les énergies renouvelables. Cette stratégie de diversification 2008-2020 vise aussi à augmenter la contribution des ressources locales à 39% et réduire la part des produits pétroliers à 40% et du gaz naturel à 29%, à l’horizon 2020.

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