Les dessous de la démission de Salaheddine Mezouar

Salaheddine Mezouar persiste et signe : il compte bien démissionner. Son départ est le résultat de dissonances internes et pose le problème des négociations post-législatives 2016.

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Salaheddine Mezouar. Crédit : Tniouni

En démissionnant de la présidence du Rassemblement national des indépendants (RNI), Salaheddine Mezouar mettrait-il fin à sa carrière politique ? Ce n’est pas certain. Ce qui l’est en revanche, c’est que sa décision, qu’il maintient malgré le refus du bureau politique, met son parti dans une posture délicate.

Tout le monde cherche à comprendre les raisons qui ont poussé le ministre sortant des Affaires étrangères à prendre une décision aussi importante lors de ce timing précis, c’est-à-dire au lendemain de législatives très disputées entre le PJD et le PAM. Contacté par Telquel.ma, Mezouar est resté injoignable. Il a pourtant déclaré à nos confrères de Médias24 qu’il faut commencer « à instaurer une morale et une déontologie en politique. Le RNI n’a pas eu le résultat qu’il méritait, le vote ne reflète pas l’apport à l’action gouvernementale. J’assume donc cet échec ».

Une démission-surprise

Selon ses propres termes, Mezouar démissionne car il faut désigner « un responsable » pour les « mauvais résultats ». Il faut dire que le malaise au sein du parti était palpable lors de la veillée électorale à laquelle a assisté Telquel.ma. La crainte d’un mauvais score se lisait sur les visages des Rnistes, réunis le soir du 7 octobre au siège du parti à Rabat. Salaheddine Mezouar est resté reclus dans son bureau. Ses déclarations à la presse ont été concises lors de l’annonce des premières estimations. Attendu par les journalistes pour commenter les résultats définitifs, Mezouar a choisi de ne pas s’exprimer. C’est finalement un Anis Birou, porte-parole du parti, le visage ferme un brin mal à l’aise, qui a annoncé les 37 sièges remportés par la formation de la colombe.

De sources internes, il a été reproché à Mezouar ses absences répétées durant la campagne. Mezouar, de par ses responsabilités de ministre des Affaires étrangères et président de la COP22,  était souvent loin de son parti, « ce qui a laissé le champ libre aux dinosaures du parti », commente un cadre du RNI , en ajoutant que pendant la campagne électorale, « il est parti à New York pendant dix jours ».

Malgré cela, la démission de Mezouar fut une véritable surprise pour le bureau politique du RNI qui s’est réuni le 9 octobre pour discuter de la position que prendra le parti lors des négociations pour la constitution de la majorité. « Quand il l’a annoncé, ça a mis un coup de froid à la réunion. Tout le monde était choqué », nous rapporte un membre du bureau politique. Du coup, le débat qui devait se solder par une décision de rejoindre ou non la majorité, a tourné autour de Mezouar et de sa décision. Selon nos informations, la majorité des membres du bureau politique s’est prononcée contre la démission de Mezouar.

L’autre raison de la démission

« La démission à cause des résultats est une fausse excuse », affirme sans détour mais en off un responsable Rniste à Telquel.ma. Pour lui, la vraie raison de cette démission est que Mezouar « n’est pas capable de convaincre ses lieutenants d’aller à l’opposition ». La même source nous affirme que Salaheddine Mezouar est « fondamentalement convaincu qu’il ne faut pas s’allier avec le PJD ». Il aurait partagé cette conviction avec Rachid Talbi Alami, Anis Birou, Mohammed Abbou et Mohamed Bouhdoud qui auraient tous « refusé sa position ». Les quatre hauts cadres du parti et membres du bureau politique se seraient « réunis secrètement pour décider comment proposer au PJD leurs services et Mezouar l’aurait mal pris », affirme notre source. Le clan « anti-opposition », pour sa part, ne veut pas pratiquer la politique de la chaise vide, car il considère « que le RNI est un parti de pouvoir et non pas d’opposition », ajoute ce membre du bureau politique.

Et maintenant ?

En plus des mauvais résultats, les divergences de vues auraient donc eu raison de la détermination de Mezouar. Devant l’impasse, les cadres du RNI ont décidé de lever la séance du 9 octobre tout en gardant « la séance du bureau politique ouverte ». « Il y a plein de petites réunions officieuses qui se déroulent, tout le monde se réunit avec tout le monde pour essayer de sauver la situation », confie notre source qui affirme que les cadors du parti préfèrent laisser du temps aux militants pour digérer cette information. Et la réunion officielle aura lieu, selon nos informations, d’ici samedi au maximum, sauf désignation du chef du gouvernement par le souverain d’ici là. Qui négociera au nom du RNI ? « La désignation d’une commission de négociation semble être la meilleure solution, car la réalité des choses, c’est que personne ne fait confiance à personne au sein du parti », conclut une source interne.

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