Bayer met la main au prix fort sur l'américain Monsanto

Bayer a réussi mercredi à acheter le fabricant américain controversé de pesticides et semences OGM Monsanto, un mariage fustigé à la fois par les défenseurs de l'environnement et les agriculteurs.

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Crédit : AFP

«Bayer et Monsanto ont signé mercredi un accord de fusion ferme, au prix de 128 dollars par action (114 euros) en numéraire», a annoncé Bayer dans un communiqué. Cela donne une valeur de 66 milliards de dollars (presque 59 milliards d’euros) au fabricant américain de l’herbicide Roundup (glyphosate), dont les effets sur la santé humaine sont controversés.

Bayer remporte de loin la médaille de la plus grosse acquisition par une entreprise allemande, jusque-là détenue par Daimler, qui avait payé 36 milliards de dollars en 1998 pour Chrysler. L’inventeur de l’aspirine est aussi parvenu à éviter que les choses ne deviennent hostiles entre lui et l’objet de sa convoitise.

Roi des semences OGM de maïs, blé et autre soja, Monsanto avait décliné les différents relèvements de prix proposés depuis la première offre à 122 dollars par action en mai, faisant savoir qu’un autre chimiste pourrait se mettre sur les rangs pour l’acquérir. L’autre grand nom de la chimie allemande, BASF, souvent cité comme possible acheteur, a refusé d’entrer dans l’arène.

«Bayer paie vraiment trop cher (…) Il va vraiment falloir qu’il en tire le meilleur», prévient Peter Spengler, analyste chez DZ Bank.

Le groupe de Leverkusen (ouest) défend, lui, sa décision en insistant sur les défis de nourrir une population mondiale toujours plus importante et la forte complémentarité des deux groupes. «Nous allons accélérer l’innovation en agriculture avec une R&D renforcée», a promis, lors d’une conférence téléphonique, Hugh Grant, patron de Monsanto.

A eux deux, Bayer, également groupe de pharmacie, et Monsanto pèseront 23 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, avec pas loin de 140 000 employés.

En Bourse, les investisseurs étaient moins enthousiastes: Bayer n’a gagné que 0,27% à 93,55 euros à Francfort, tandis que Monsanto n’a pris que 0,62% à 106,76 dollars à Wall Street, loin du prix offert par Bayer.

Un scepticisme des investisseurs « principalement lié aux craintes » que les autorités de la concurrence soient réticentes à approuver le rapprochement, avancent les analystes de Morningstar. Si elles refusent, Bayer s’est engagé à payer 2 milliards de dollars de dédommagement à Monsanto.

En Allemagne, où l’opposition aux OGM est farouche, la reprise de Monsanto par l’un des noms historiques de l’industrie nationale, dont les pesticides dits « tueurs d’abeilles » sont aussi décriés, est vue avec effroi par les ONG et nombre de politiques.

«L’acquisition de Monsanto signifie davantage d’OGM et de glyphosate dans les campagnes», tout ce que refusent les consommateurs, a encore averti mercredi l’ONG Campact.

Pour Friends of the Earth, il s’agit d’un « mariage noué en enfer », tandis que le parti allemand des Verts met en garde contre l’émergence « d’une entreprise toute puissante, qui ne va pas lutter contre la faim dans le monde, mais l’aggraver ». Mais dès le départ, le tout nouveau patron de Bayer, Werner Baumann, avait assuré «pouvoir gérer la réputation de Monsanto», espérant la contrebalancer par l’image de son propre groupe.

Certains agriculteurs aussi craignent, pour leur approvisionnement en semences, engrais et pesticides, de se retrouver pieds et poings liés à un seul fournisseur. Car cette fusion n’est que le dernier épisode d’un monde de la chimie en pleine concentration. «Nous ne pouvons laisser cette fusion redessiner le paysage de notre avenir», a fustigé dans un communiqué Roger Johnson, président de l’association de fermiers américains National Farmers Union, estimant que ce mariage se ferait aux dépens des agriculteurs et des consommateurs.

La baisse des prix des matières premières et le recul des revenus des agriculteurs ont entraîné une consolidation dans le secteur avec au moins cinq grandes fusions annoncées dont les américains Dow Chemical et DuPont, le chinois ChemChina avec le suisse Syngenta et les canadiens Potash-Agrium.

Censé générer 1,5 milliard de dollars d’économies au bout de trois ans, le rapprochement de Bayer-Monsanto devrait se boucler d’ici fin 2017 après un vote des actionnaires et surtout le feu vert loin d’être gagné des autorités de la concurrence.

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