La politique migratoire du Maroc influence t-elle son retour dans l'UA ?

Mehdi Alioua est sociologue, spécialiste de la question migratoire et président du groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers et migrants (GADEM). Il explique pourquoi, à ses yeux, la question de l'accueil n'est pas étrangère aux réactions positives de plusieurs pays africains à sa volonté de réintégrer l'Union africaine.

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Selon vous, la possibilité pour le Maroc de réintégrer l’Union Africaine (UA) est aussi liée aux changements en matière de politique migratoire. En quoi ?

La possibilité pour le Maroc de réintégrer l’UA est en partie liée à la nouvelle politique migratoire, car les migrations sont devenues un enjeu au niveau des relations internationales. Le Maroc a une « diplomatie migratoire » dynamique, notamment en direction des pays africains. De la même manière qu’il a une diplomatie religieuse qui pèse elle aussi dans cette potentielle réintégration. La migration, comme la religion, fait partie d’un « soft power » marocain et la nouvelle politique migratoire a bien été vendue en Afrique où elle a trouvé un écho très favorable. Le Maroc a été félicité par plusieurs pays africains pour la régularisation des sans-papiers (majoritairement issu de pays africains) et pour son nouveau modèle plus humaniste de gestion des frontières face à l’Union européenne. Se montrer plus indépendant de l’UE en matière migratoire, c’est se montrer plus proche de l’UA, du moins dans l’esprit. Et puis, pour le dire de manière un peu caricaturale, si le Maroc veut être en Afrique, il faut que l’Afrique puisse être au Maroc ! Le résultat est là : les pays qui soutiennent aujourd’hui largement le Maroc dans sa volonté de retour dans l’UA sont ceux qui sont bien au courant des changements en matière de politique migratoire : le Mali, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, etc.

Y a-t-il une quelconque relation entre la question du Sahara et la question migratoire ?

Il y a des ponts entre ces questions, au-delà du fait que la question migratoire est forcément liée à la question des frontières. La fin des jugements de civils devant des tribunaux militaires, par exemple, est un problème de droits humains qui se posait notamment dans les provinces du Sud, avec l’affaire d’un migrant malien accusé d’avoir tué un militaire marocain. À ce chapitre, le renforcement de l’État de droit a donc eu lieu avec l’histoire de ce migrant malien. Et cette évolution, vue comme un gage de bonne volonté touchant à plusieurs domaines et questions, a bien sûr eu un effet positif sur nos relations internationales, notamment en Afrique.

Mettons que le Maroc va réintégrer l’UA. Peut-on avoir une idée les retentissements que cela aurait sur la politique migratoire ?

Pas sur les flux et les volumes, mais sur le fait que le développement des relations va automatiquement faciliter la gestion intégrée des échanges. Déjà, avec des pays très proches comme le Sénégal, le Maroc est devenu un modèle au niveau de la gouvernance migratoire. On peut aisément imaginer des collaborations avec d’autres pays, comme des formations communes des futurs cadres de cette gouvernance. Puis il y a le projet d’un passeport africain : si le Maroc réintègre l’UA, nous pourrions avoir un passeport africain. Le Maroc est coincé entre un monde arabe en pleine recomposition et une Europe qui limite la circulation. Dans ce contexte, l’Afrique peut-être un bol d’air pour le Maroc, en espérant que cette réintégration fonctionnera.

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