Selon les résultats officiels publiés vendredi 24 juin en début de matinée, 51,9% des électeurs avaient voté pour quitter l’UE, seul un nombre marginal de bulletins restant à dépouiller. Le référendum a été marqué par une participation importante (72,2%).
Les résultats montrent un pays divisé, avec Londres, l’Ecosse et l’Irlande du Nord qui ont voté pour rester, tandis que le nord de l’Angleterre ou le Pays de Galles ont voté contre.
Ce résultat, largement pressenti pendant la nuit, a envoyé la livre par le fond: la monnaie britannique a touché un plus bas depuis 1985.
La Bourse de Tokyo a chuté de 8% et les principales Bourses européennes devraient plonger à l’ouverture, laissant présager un « vendredi noir » sur les marchés mondiaux, face à la décision de la cinquième puissance économique mondiale de quitter l’UE, un acte sans précédent en soixante ans de construction européenne.
Faisant fi des menaces de désastre économique en cas de sortie agitées par le camp du maintien et les institutions internationales, les Britanniques ont préféré croire aux promesses de reconquête de leur indépendance vis-à-vis de Bruxelles, et d’arrêter l’immigration en provenance des pays de l’UE, l’un des thèmes majeurs de la campagne.
Ils ont ainsi rompu avec un projet dans lequel ils étaient entrés en 1973, à reculons déjà, voyant dans l’UE avant tout un grand marché unique, sans s’engager dans le projet politique.
Le leader du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, a dit commencer « à rêver d’un Royaume-Uni indépendant », affirmant que si les prévisions se vérifient, ce sera « la victoire des vrais gens, des gens ordinaires ».
« C’est le côté émotionnel qui l’a emporté » sur le pragmatisme économique, a constaté pour l’AFP Iain Begg, professeur à la London School of Economics (LSE).
La première victime de ce choix devrait être David Cameron, qui est à l’origine du référendum. En l’organisant, il espérait mettre fin aux disputes sur l’UE qui empoisonnent le Parti conservateur depuis les années 1980 et stopper l’ascension du parti europhobe UKip, vainqueur des élections européennes en 2014.
Mais il n’a désormais d’autre choix que de démissionner de la tête des Tories, selon Tim Oliver, de la LSE. Il devrait ensuite assurer l’intérim jusqu’à la nomination de son successeur, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.
Le chef de file conservateur de la campagne pro-Brexit Boris Johnson est pressenti pour lui succéder. A moins que les cadres du parti ne préfèrent une figure plus consensuelle à l’ex-maire de Londres, accusé d’opportunisme.
Le Brexit risque en outre de mettre en péril l’intégrité du Royaume-Uni. La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a déclaré vendredi que sa région « voit son avenir au sein de l’UE », entr’ouvrant ainsi la porte à un nouveau référendum sur l’indépendance.
En Irlande du Nord, le Sinn Fein, favorable au maintien dans l’UE, a lui appelé à un référendum sur une Irlande unifiée.
La décision constitue aussi un terrible désaveu d’une Union déjà affaiblie par la crise des réfugiés et la persistance de la crise économique.
Alors que les mouvements populistes prospèrent à travers l’Europe, avec un dénominateur commun, la critique de Bruxelles, elle pourrait entraîner une réaction en chaîne.
Au vu des résultats britanniques, la chef de l’extrême droite française Marine Le Pen a immédiatement appelé à un référendum en France. Et le député d’extrême droite néerlandais Geert Wilders a réclamé la même chose pour les Pays-Bas.
« C’est un jour triste pour l’Europe et la Grande-Bretagne », a réagi le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier.
Les dirigeants européens ont prévu de se réunir dans la matinée vendredi à Bruxelles pour tirer les leçons de ce vote. Le président français François Hollande avait promis que des initiatives seraient prises « quoi qu’il se passe » pour faire « évoluer la construction européenne ».
Londres va à présent entrer dans un long tunnel de négociations avec l’UE sur les conditions de sortie, un processus qui pourrait durer jusqu’à deux ans et dont l’issue n’est pas écrite. En attendant la conclusion, le Royaume-uni restera lié par les accords existants.
Selon David Cameron, négocier ces nouveaux accords et des traités commerciaux avec l’UE et les pays hors UE pourrait prendre une décennie, pendant laquelle la croissance va souffrir et la City de Londres, coeur financier du pays, perdre des milliers d’emplois. Selon le Fonds monétaire international, le pays pourrait même connaître une période de récession.
Les partisans du Brexit ont eux naturellement un scénario beaucoup moins noir en tête, comptant sur le fait qu’ils garderont un accès au marché unique européen et qu’ils noueront de nouveaux partenariats qui renforceront à terme la prospérité du pays.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a toutefois prévenu qu’il ne leur rendrait pas la chose facile, au risque sinon de tenter d’autres pays de suivre l’exemple britannique. « Le Royaume-Uni devra accepter d’être considéré comme un Etat tiers, que l’on ne caressera pas dans le sens du poil », a-t-il mis en garde.
Le Royaume-Uni va aussi devoir s’atteler à panser les blessures occasionnées par une campagne référendaire au ton particulièrement violent, marquée par le meurtre d’une députée pro-UE, Jo Cox, et la désignation des immigrés comme boucs émissaires de nombre de problèmes.
Cameron démissionne
David Cameron a annoncé ce vendredi son intention de démissionner de ses fonctions de premier ministre pour laisser à un autre le soin d’engager les négociations de sortie de l’Union européenne, après le vote des Britanniques pour un Brexit.
« Les Britanniques ont pris une décision claire et je pense que le pays a besoin d’un nouveau leader pour prendre cette direction », a déclaré M. Cameron, qui avait milité pour le maintien dans l’UE.
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