Le chef des talibans afghans, le mollah Akhtar Mansour, a été tué dans un raid américain au Pakistan, ont indiqué ce 22 mai les services de renseignement afghans, au moment où les insurgés gardaient un silence total sur cette frappe. La mort annoncée du mollah Mansour porte un coup sévère au mouvement islamiste qui doit faire face à l’éparpillement de ses troupes, dont certaines ont fait défection et rejoint les rangs du groupe Etat islamique (EI).
A la tête des talibans depuis l’été dernier et l’annonce de la mort du mollah Omar, le fondateur des talibans afghans, le mollah Mansour «a été tué dans une frappe de drone hier (…) au Baloutchistan», une province du sud-ouest du Pakistan, indiquent les services de renseignement afghans. «Il était surveillé depuis un certain temps».
Mais dans l’après-midi de ce 22 mai, le site officiel des talibans ne faisait aucune mention d’une quelconque frappe contre leur leader. Zabiullah Moudjahid, leur porte-parole habituel, n’était pas joignable dans l’immédiat. Pour leur part, les autorités pakistanaises n’avaient pas réagi non plus dimanche.
Un membre de la «choura de Quetta», le Conseil de direction des talibans afghans, joint par l’AFP a indiqué qu’il n’arrivait plus à joindre le mollah Mansour depuis samedi soir: «On ignore si quelque chose de grave lui est arrivé ou s’il a éteint son portable par crainte d’une attaque».
Le bombardement a été mené à l’aide de plusieurs drones des forces spéciales américaines au Pakistan, dans une zone reculée, «au sud-ouest de la ville d’Ahmad Wal», selon un responsable américain. Selon cette source, le chef taliban a «probablement» péri dans cette frappe, autorisée par le président Barack Obama.
Washington n’a informé Islamabad et Kaboul du raid qu’une fois celui-ci terminé, d’après un haut responsable de la Maison Blanche. Le raid a «totalement détruit» la voiture dans laquelle circulaient deux individus dont les dépouilles sont «méconnaissables», a indiqué à l’AFP un responsable des services de sécurité pakistanais. Les deux cadavres ont été transférés vers un hôpital de Quetta, le chef-lieu de la province du Baloutchistan, a précisé un autre responsable.
En déplacement à Naypyidaw, la capitale birmane, le secrétaire d’Etat John Kerry a expliqué que le mollah Mansour avait été visé parce qu’il représentait «une menace imminente pour le personnel américain, les civils afghans et les forces de sécurité afghanes».
La désignation du mollah Mansour avait engendré de fortes dissensions en interne. Certains cadres ont fait sécession et s’opposent à sa faction les armes à la main. D’autres ont rejoint les rangs de l’EI. Son éventuelle succession donnera lieu à une «lutte de pouvoir et plusieurs candidats seraient en lice», fait valoir l’analyste et journaliste pakistanais Ahmed Rashid. Parmi eux figurent ses deux adjoints, Sirajuddin Haqqani et Haibatullah Akhundzada, ancien chef des tribunaux des talibans, ou encore le mollah Yacoub, fils du défunt mollah Omar.
Le raid est intervenu alors que le gouvernement afghan est mis à rude épreuve par les talibans qui ont multiplié les attentats ces derniers mois. Lors de la dernière attaque d’envergure, 64 personnes sont mortes dans un attentat-suicide perpétré contre un bâtiment des services de renseignement à Kaboul en avril. Sur le terrain militaire, ils sont parvenus à prendre brièvement la grande ville de Kunduz, au nord de l’Afghanistan, à l’automne.
Sous la houlette du mollah Mansour, les talibans afghans se sont aussi montrés rétifs à la reprise des pourparlers de paix avec Kaboul entamés l’été dernier puis suspendus à l’annonce de la mort du mollah Omar, le fondateur du mouvement.
«Le mollah Mansour était un obstacle à la paix et à la réconciliation entre le gouvernement d’Afghanistan et les talibans, interdisant aux chefs talibans de participer aux négociations de paix», a expliqué le porte-parole du Pentagone, Peter Cook. Depuis janvier, Afghans, Chinois, Américains et Pakistanais ont organisé plusieurs réunions destinées à inciter les talibans à s’asseoir à la table des négociations. En vain. Le Pakistan a accueilli mercredi dernier une nouvelle session de pourparlers internationaux, qui n’a débouché sur aucune avancée visible.
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