La marche verte, un film qui aurait pu être réussi

Dans la marche verte du réalisateur marocain Youssef Britel, quelques moments d'émotion qui sont effacés par des anachronismes et un jeu d'acteur en deçà des attentes.

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La Marche verte
Crédit: Mohamed Maradji

Afin d’éviter d’être taxés de « traitres à la nation » , nous tenons à préciser que nous ne sommes pas contre des films historiques ou d’époque qui reflètent des gloires d’une nation comme ce fut le cas de l’événement de la Marche verte où en 1975, 350 000 Marocains ont entamé une marche pacifique, munis de drapeaux nationaux et de corans, pour la reconquête du sahara marocain. Toutefois, la Marche verte du cinéaste marocain Youssef Britel, présenté en avant-première le 10 décembre au Festival international du film de Marrakech, reste un film. Et comme toute oeuvre artistique, il peut être soumis à la critique.

La marche verte est un film choral qui épate par sa qualité d’image et ses mouvements de caméra parfaitement maîtrisés qui montrent la grandeur d’un tel événement. Autant d’effort aurait aussi dû être déployé pour le scénario. Le film commence par la scène d’une femme trentenaire qui part à la rencontre de celui qui a déposé le drapeau marocain au Sahara devant les soldats espagnols. Sans introduction, ni éléments prétextes utilisés dans le développement d’une histoire, elle demande à ce vieil homme (campé par Jilali Ferhati) de parler de la marche verte. Ce même vieil homme était en 1975, un jeune roublard (Mourad Zaoui) vivant d’arnaques et qui est constamment poursuivi par un Driss Roukh peu convainquant par son interprétation où le naturel et la spontanéité sont aux abonnés absents.

Puis il y a l’histoire de Youssef (Mohamed Choubi ) et de Mohamed (Mohamed Khouyi), deux vendeurs de moutons dans une ville de Fès où l’on parle en dirhams dans le film. Si le cinéaste avait fait, un tant soit peu, un travail de recherche, il aurait su qu’à cette époque, les Marocains parlaient plus en francs et en rials même si le dirham était instauré depuis 1958. Un anachronisme qui ne peut passer inaperçu. Ces deux frères, par concours de circonstances, ont tout laissé tomber pour mener cette marche pacifique. Une histoire affective entre ces deux frères  qui méritait d’être encore plus développée jusqu’à ce qu’on atteigne le dénouement : la mort ( très prévisible) de Youssef en plein désert d’un cancer sous le regard triste de son frère.

Enfin, la femme enceinte qui veut à tout prix participer à la marche afin d’accoucher au Sahara. Un souhait qui fut exaucée mais dont le rythme a été précipité par le cinéaste : Alors que 350 000 Marocains allaient de l’avant, les secours en plein désert ont pu se faufiler à la vitesse de l’éclair entre une foule gigantesque de gens pour aider la jeune femme abandonnée.

Précipitation, manque d’anecdotes pouvant ajouter des détails originaux à l’histoire de cette marche que tout Marocain connait, des histoires personnelles qui auraient pu être plus complexifiés, un jeu d’acteur qui mérite d’être plus travaillé afin de donner plus de crédibilité aux personnages et des scènes mal installés. Voici les points faibles de ce film qui aurait pu être grandiose car il nous a ému par moments.

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