Reportage: Ces volontaires japonais curieux du Maroc

Ils sont professeurs, ingénieurs, spécialistes d'un domaine pointu... Une soixantaine de Japonais arrivés au Maroc cette année partagent leur savoir faire dans le cadre d’un programme de volontariat. Rencontre avec ces passionnés à Marrakech et à Tahanaout.

Par

Crédit: JICA

Il est 11 heures du matin quand nous arrivons dans la petite ville de Tahanaout, à une trentaine de minutes de route de Marrakech. Le bus nous laisse précisément devant le collège Al Majd. Dans cet établissement scolaire qui ressemble à n’importe quel collège du service public, une personne dénote dans le décor rouge ocre :  Nishikawa Midori, une volontaire japonaise, dirige des travaux pratiques de SVT (Sciences de la vie et de la terre).

Dans une salle de classe elle assiste, attentive, une professeure marocaine qui se charge de dispenser le cours théorique. C’est le moment du cours pratique, Nishikawa Midori entre en scène. Elle a commencé tout d’abord  par mimer des gestes que les élèves comprenaient aisément. Elle leur explique comment procéder pour obtenir une solution  jaunâtre à partir d’une feuille de plante et de l’eau de javel .

IMG_7643
Nishikawa Midori (à g.) mime les gestes que comprennent facilement ses collégiens marocains. Crédit: JICA

Ensuite, comme pour vérifier que les consignes ont été respectées par les élèves, elle sillonne la salle rangée par rangée. Elle applaudit énergiquement et avec un grand sourire ceux qui réussissent les tests . Pour ceux qui n’y arrivent pas, elle explique encore avec des gestes, prend le temps de les attendre jusqu’à ce qu’il y arrivent, et les applaudit à leur tour. A force de suivre cette scène, on pourrait croire qu’elle souffre de mutisme. C’est que Nishikawa Midori n’est arrivée du Japon qu’il y a quelques semaines . Ne maîtrisant encore ni le français ni la darija, elle n’a pour seuls atouts que sa motivation, son sourire et sa joie de communiquer son savoir.

« Choukrane », lance-t-elle pourtant à la fin de cette démonstration impressionnante, assortie d’une petite révérence rapide à un angle de 30 degrés comme il est de coutume au pays de Soleil levant pour saluer une assistance.

L’art plastique pour développer la créativité des enfants

Nishikawa Midori n’est pas la seule volontaire japonaise dans les écoles de Tahanaout. Ils sont sept Japonais à y officier. Parmi eux Kawai Masumi. Ce jeune japonnais intervient dans deux écoles primaires de la ville. Contrairement  à Nishikawa Midori, Kawai Masumi est présent au Maroc depuis un an et 4 mois et s’exprime mieux en darija qu’en français. « Je donne des cours d’art plastique et de sport avec les enseignants » nous explique-t-ill dans un darija au très fort accent japonais. « Ces disciplines permettent aux enfants de développer leur créativité et d‘avoir plus confiance en eux », ajoute-il.

Avec d’autres volontaires, il enseigne aux enfants à reproduire par exemple un volcan en miniature ou à créer des sismographes (instruments de mesure des ondes sismiques des tremblements de terre) à l’aide d’un stylo, d’une corde et de quelques morceaux de bois ! 

Kawai Masumi donne aussi des cours d’éducation sur l’environnement aux agriculteurs dans une campagne. Le manque de matériel et de connaissances techniques de son auditoire ne lui fait pas peur : il s’y est préparé. « On nous prépare à ce genre de situation au Japon avant de nous envoyer dans les pays. En cas de manque de matériels , c’est l ‘Agence japonaise de coopération internationale qui s’occupe de nous les fournir », nous confie Kawai Masumi.

Ce dernier, amoureux de la cuisine marocaine, appréhende déjà son retour au Japon dans huit mois. « J’aime la cuisine marocaine et surtout la harira et le tajine et je pourrai le refaire chez moi au Japon. Mais ce qui va me manquer c’est l’amitié et la sympathie des Marocains. Je vais laisser beaucoup d’amis ici », nous raconte-t-il, d’un air amusé.

Des ingénieurs au service des étudiants de Marrakech

Direction Marrakech, où d’autres volontaires sont installés. Nous sommes cette fois-ci à l’université Cadi Ayyad qui accueille également trois autres volontaires, des ingénieurs cette fois-ci. Le ton est un peu plus distant et se veut sérieux  « Je participe à la formation des élèves ingénieurs de la filière Génies Réseau sociaux et Télécom à l’ENSAM (école nationale des sciences appliqués). Je transfère mon savoir notamment  dans les cours et les formations sur les nouvelles technologies au profit des élèves de la 4e et 5e année » explique, Shiraishi Aleman Angel ingénieur en télécom.

Watanabe Minoru, lui, est ingénieur dans le traitement des eaux usées et leur utilisation dans l’agriculture. En assistant les professeurs et les étudiants au Centre national d’études et de recherche sur l’eau et l’énergie, il espère que son savoir faire « aidera à la vulgarisation du système d’assainissement dans les régions  rurales ».

Après avoir assuré des cours de langue à Rabat, Kobayashi Yumi a été affectée à Marrakech  pour y enseigner la langue japonaise. Dans la salle, une trentaine d’étudiants sont captivés par une présentation Powerpoint. Ils lisent en coeur les mots japonais qui y défilent, et comprennent grâce a la traduction anglaise.

12312564_10208593932028939_1932520834_n
« Watashi wa namaiwa… » (Je m’appelle). Silence religieux lors du cours de Kobayashi Yumi. Crédit: C.Sidiguitiebe

On sent l’enthousiasme et l’envie d’enseigner de Yumi Sensei (professeur, en japonais). Et les étudiants la lui rendent bien. Après la séance de lecture, deux étudiants s’essayent à des exposés en japonais où ils doivent présenter le Maroc et ses spécificités culinaires. Pour nous qui ne comprenons rien à la langue nippone, c’est bluffant.  Plus bluffant encore, quand, à la fin du cours auquel assistait également l’ambassadeur du japon au Maroc, les étudiants se lèvent, se tournent vers le diplomate et exécutent une chanson en japonnais qu’ils avaient imprimée sur des feuilles. Le diplomate abandonne alors sa stature officielle et enregistre la scène bon enfant avec son smartphone. « Arigato Yumi Sensei » (Merci professeur Yumi), où comment le Pays du soleil levant, et celui du Soleil couchant peuvent se rencontrer et mélanger leurs différentes influences et cultures.

Qui sont ces volontaires ?

Ces volontaires japonnais sont envoyés au Maroc par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), l’organe d’exécution des programmes de coopération du gouvernement japonais qui célèbre cette année ces 50 ans d’existence. La Jica a déjà envoyé plus de 800 volontaires au Maroc dont 58 cette année. Une moitié d’entre eux travaillent dans l’éducation.
A travers ce programme, la JICA affecte en tant que volontaires, des citoyens japonais disposant d’une connaissance, d’un savoir-faire et de l’expérience dans des domaines d’activité comme l’éducation, la santé, la technologie ou l’agriculture.
Ces volontaires généralement détachés pour deux années sont de jeunes japonais âgées de 20 à 39 ans mais aussi seniors âgés de 40 à 69 ans qui vivent et travaillent avec la communauté dans laquelle ils ont été affectés. Ils vont même jusqu’à apprendre la darija et souvent tout seul afin d’être plus proche de la communauté comme le veut leur slogan : « Ensemble avec la communauté locale ».[/encadre]

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer