Zakaria Boualem aurait pourtant bien aimé vous parler de ses vacances. Quelques semaines au bord de l’eau, à manger des poissons divers et à barboter comme un bienheureux. Il aurait aussi pu vous raconter ses moments de bonheur total, à bord d’un kayak de location qui, pour quelques dirhams, lui a offert la possibilité de s’éloigner un peu de ses concitoyens.
En même temps qu’il leur épargnait sa pénible présence ronchonne. Oui, les amis, il suffit de quelques mètres de distance pour que le Maroc prenne un autre visage. Malheureusement, ce bonheur a été de courte durée puisqu’un beau matin, le brave loueur de kayak lui a expliqué qu’il n’avait plus rien à louer, les autorités l’ayant soudain sommé de cesser son activité. Une question de sécurité? Un problème de gilet de sauvetage? Une inspection du matériel qui a mal tourné? Pas du tout. Juste un client qui a eu la brillante idée de se lancer à l’abordage du bateau royal pour y déposer une demande dont on ignore la teneur exacte.
Une tentative mal préparée, qui a vu se dresser devant elle la silhouette habituelle et terrifiante de l’échec. Dès le lendemain, il n’y avait plus de kayak, plus de pédalos, rien qui puisse flotter. Il paraît même qu’un brave homme au dos un peu large a été sommé de regagner le rivage.
Zakaria Boualem s’est demandé pourquoi il devait payer pour l’initiative de ce pirate de grimate, avec qui il partage très peu de choses, avant d’accepter la sanction collective, question d’habitude. Il aurait aussi pu vous parler de son ennemie personnelle, une créature rose sans muscles, sans cerveau, mais qui pique. Calmez-vous un peu, il parle de la méduse les amis.
Il aurait pu vous raconter en détail la plage marocaine, un lieu formidable, théâtre de l’expression débridée de la pleine puissance de notre civisme et de notre infini respect de l’autre. Entre ceux qui se croient au Camp Nou, les autres qui organisent des fritures et ceux qui plantent leur tente au bord de l’eau sans complexes, il est un peu difficile de trouver la force de se détendre.
Il faut y rajouter les infatigables dragueurs à la libido mal maîtrisée, qui arpentent le sable en multipliant les remarques salaces sur leurs concitoyennes. Il est à noter que la disparition quasi totale du maillot de bain féminin n’a pas freiné leurs ardeurs, ils sont très motivés. Autre remarque, la morale collective pointilleuse qui s’exprime aujourd’hui à l’air libre ne les concerne pas, ils sont même les premiers à la relayer malgré leur comportement. Allez comprendre quelque chose.
Malgré tous ces menus désagréments, le Boualem a passé des vacances magnifiques, principalement grâce au fait de s’être interdit tout type de connexion Internet pendant la totalité de son repos annuel. Vous comprendrez donc son choc aujourd’hui. Il découvre une extraordinaire affaire de journalistes corrompus, et français s’il vous plaît! Il pensait pourtant que nous en avions le monopole, c’est troublant. Un vrai film policier, avec des écoutes, des hôtels, des petites coupures, c’est fascinant.
Il découvre la campagne électorale, avec des responsables qui s’accusent de trafic de drogue, des candidats improbables et des groupes de gamins qui arpentent les rues en jetant des tracts par terre, où il est question de civisme. C’est pareil que tout à l’heure : quand vous comprendrez quelque chose, vous me l’expliquerez. Il a besoin d’un peu de temps pour encaisser tout cela. C’est reparti très fort, les amis, il va falloir être costaud. Zakaria Boualem est prêt.