Publiée le 9 février, l’enquête Swissleaks contient un grand nombre d’informations sur les finances de la famille royale marocaine. Mais que retenir de cette affaire à l’envergure nationale et internationale ?
Dans une enquête coordonnée par le Consortium du journalisme d’investigation (ICIJ) et menée par une centaine de journalistes, on apprend que le roi détenait, entre 2006 et 2007, la somme de 7.9 millions d’euros dans un compte de la HSBC Private Bank de Genève. L’investigation révèle également que ce compte est codétenu par le secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi.
Dans le même temps, le quotidien Le Monde, qui est également à l’initiative de l’enquête, a publié un article sur la fortune royale. Interrogés pour les besoins de cet article au sujet de la fortune du roi Mohammed VI, les avocats de Mounir Majidi, Me Hicham Naciri et Me Aurélien Hamelle, n’ont souhaité « ni confirmer ni infirmer [l’ensemble de ces informations, qui relèvent] du plus strict secret bancaire et de la vie privée de Sa Majesté le roi, dès lors qu’il s’agit d’éléments relevant de la sphère patrimoniale privée de ce dernier » tout en indiquant que l’ « ouverture de compte bancaire à l’étranger s’est faite dans le strict respect de la réglementation en vigueur au Maroc ».
Le Monde n’attaque pas la famille royale
La publication de cet article par Le Monde s’inscrit dans un contexte de réchauffement des relations entre la France et le Maroc. Les deux pays ont repris, le 31 janvier, leur coopération judiciaire ainsi que sécuritaire. Une détente marquée par la remise du Wissam Alaouite par la princesse Lalla Meryem à trois responsables religieux français. Surtout, l’actualité entre les deux pays est marquée par la rencontre entre Mohammed VI et François Hollande lundi 9 février alors que le souverain est actuellement en visite privée en France.
Dans un article publié avant la parution de l’article du Monde, le site d’information le360.ma considérait que l’enquête du quotidien français avait pour but « de générer une nouvelle tension entre Paris et Rabat ». Toutefois, la recherche des journalistes du Monde s’inscrit dans le cadre bien plus large des révélations de SwissLeaks auxquelles ont, pour rappel, participé une soixantaine de médias internationaux. La publication française a certes consacré un des articles de son dossier au roi et à la famille royale mais ses actifs ne représentent qu’une part infime des 1,6 milliards de dollars placés par des personnes liées au Maroc dans les comptes HSBC. Le compte -lié au Maroc- le plus garni comptait pas moins de 74 millions de dollars à l’époque.
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SwissLeaks démontre un « manque de transparence de l’information » au Maroc
L’article du Monde a encore une fois illustré l’importance du roi dans la sphère économique du royaume. Le souverain, via la SNI, possède un large contrôle sur la vie économique du royaume. La société, détenue à 60% par la famille royale selon Le Monde, représente 7% du PIB marocain, toujours selon le quotidien français. On notera que la SNI est impliquée dans des domaines aussi variés que les télécoms (Inwi), les banques (AttijariWafabank), l’énergie (Nareva) ou encore les mines (Managem).
Les révélations des SwissLeaks montrent également qu’il existe un « manque de transparence de l’information » au Maroc selon l’économiste Najib Akesbi. Pour le membre du PSU il est « difficile de faire la distinction entre le privé et ce qui nous concerne » car « nous sommes dans une monarchie ou le roi règne et gouverne ».
En effet, depuis la réforme constitutionnelle de 2011, le roi est chargé de nommer uniquement les hauts-fonctionnaires dirigeant les entreprises stratégiques. Mais avant 2011 Mohammed VI avait la possibilité de nommer le directeur de l’Office des changes sur suggestion du ministre de l’Economie et des finances, et il avait nommé l’actuel directeur, Jaouad Hamri.
Opacité au niveau de l’Office des changes
Justement, un doute émerge suite aux révélations de SwissLeaks quant au rôle de l’instance chargée de délivrer des autorisations de transferts financiers à l’étranger. L’Office des changes a, en 2014, lancé une vaste opération d’amnistie financière dans le but de permettre à une partie de la population marocaine de déclarer des avoirs illégaux à l’étranger. Une opération « patriotique » qui a permis la déclaration de 27,8 milliards de dirhams dont « 8,42 milliards de liquidités […] 9,65 milliards de biens immobiliers et 9,87 milliards d’actifs » alors que l’objectif initial était la déclaration de cinq milliards de dirhams.
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On note néanmoins que l’article publié le 4 février par le site d’information le360.ma citait un responsable anonyme de l’Office des changes qui affirmait que les comptes détenus par les trois membres de la famille royale étaient « parfaitement légaux, puisque autorisés par l’Office des changes ». Mais qu’en est-il de la réglementation de l’Office des Changes ? « Ce que révèle cette affaire ( Swissleaks), c’est la confusion qui règne au sujet de l’Office des changes » affirme Rachid Filali Meknassi, membre du directoire de Transparency Maroc.
Le juriste estime que cet établissement public dispose du pouvoir législatif de par sa capacité à « émettre des circulaires », du pouvoir policier grâce à sa faculté de poursuivre les fraudeurs, mais aussi du pouvoir de justice en décidant de la pénalité des fraudeurs. La détention de tous ces pouvoirs, signifie qu’ « il est impossible de déterminer » si l’Office des changes a autorisé des transferts de fonds royaux vers l’étranger ou encore s’il a autorisé le transfert de 74 millions de dollars vers le compte marocain le plus garni de la HSBC Private Bank.
Si on pousse bien les fouilles en descendant jusqu’aux bas des caves , on découvrira que tout ,sujets comme biens, appartient à sa majesté le Roi et sa fratrie.