Phénomène. Soirées de Loko

Depuis quelques années, les soirées du collectif Moroko Loko font fureur au Maroc. Le concept ? De la musique électro underground, une ambiance de folie et des fêtards totalement décomplexés.

“Nous nous considérons comme des agitateurs. Nous militons pour casser les codes de la scène musicale marocaine, mais également les codes de la fête. Notre objectif ? Changer les mentalités en appliquant des règles à l’opposé de celles que les Marocains suivent d’habitude”, affirme Amine Akesbi, plus connu sous le nom d’Amine K, à l’origine du collectif Moroko Loko. Il suffit d’aller faire un tour à l’une des fêtes Moroko Loko organisées plusieurs fois par an aux quatre coins du Maroc pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas de paroles en l’air. Ces soirées sont uniques en leur genre, et sont à mille lieues de l’ambiance qui règne habituellement dans les boîtes de nuit bling bling de la corniche casablancaise ou de la ville ocre.

 

Tenue incorrecte exigée

Le concept Moroko Loko a vu le jour en 2009. A l’époque, le DJ rbati Amine K réalise que le Maroc manque cruellement de soirées underground électroniques comme celles qui ont lieu régulièrement à Berlin, Londres ou Madrid. Il décide alors de s’associer à d’autres champions des platines, à savoir Unes et Mar1, pour essayer d’imaginer un concept inspiré des différents événements auxquels ils ont assisté à l’étranger, mais en y rajoutant une touche originale. La première soirée, véritable test, est organisée dans la fameuse boîte de nuit “La cinquième avenue” à Rabat, avec une programmation éclectique et dont l’ambiance est clairement expliquée à l’entrée : “Tenue incorrecte exigée. Cerveaux interdits”. Le collectif innove également en plaçant la cabine du DJ au niveau de la piste de danse, et non pas en hauteur, comme dans la plupart des boîtes. Le succès est au rendez-vous. La soirée crée un buzz énorme sur la Toile, qui pousse le collectif à renouveler l’expérience. “Nous n’avions aucune prétention au début, nous voulions juste nous amuser et donner un nouveau souffle à la musique électronique locale. Nous n’avions jamais pensé que ça pourrait aller aussi loin !”, affirme Amine K. Depuis, le collectif a plus d’une trentaine de soirées à son actif entre Rabat, Casablanca, Marrakech, dans des anciens cabarets, des boîtes de nuit has been, ou au bord d’une piscine. Les tickets pour ces soirées s’arrachent des semaines avant le jour J, et les fêtards sont toujours au rendez-vous, habillés de manière de plus en plus extravagante.

 

Parenthèse déjantée

Lamia, une jeune architecte de 26 ans, fait partie de cette communauté qui est née autour de ces soirées. Et si elle ne rate aucun rendez-vous Loko, c’est parce qu’elle “adore l’ambiance cool, les gens décomplexés, délirants et très souvent déguisés, qui se lâchent complètement, en totale opposition avec l’ambiance guindée des autres soirées”. Pour Yassine, infographiste de 23 ans, “Moroko Loko, c’est un peu l’Boulevard de la musique électronique, on y rencontre un peu tous les gens du milieu : DJs, fans de musique, promoteurs d’évènements”. Tout comme Lamia et Yassine, ils sont actuellement des centaines à ne rater aucune soirée, et n’hésitent pas à se déplacer de ville en ville pour suivre Amine K et ses joyeux lurons. “Il est évident que les habitués restent notre plus grand atout, vu qu’ils nous suivent là où nous allons. On peut dire qu’aujourd’hui la famille Loko est une vraie famille marocaine avec des cousins par centaines”, explique, en riant, le créateur du concept. Les raisons de l’engouement des jeunes Marocains pour la recette Moroko Loko ? Le fait que ses soirées ont comblé un véritable vide. “Il y avait une véritable demande. Il ne faut pas oublier que ces dernières années la moitié des clubs au Maroc ont fermé, et ceux qui restent ne passent que des hits samplés qu’on peut écouter chez soi à la radio. Une niche, composée à la fois de clubbeurs qui voulaient faire la fête dans une ambiance décontractée et délirante ainsi que de puristes de musique électro. Tous attendaient avec impatience un concept du genre”, analyse Mehdi Abouid, l’un des premiers promoteurs de soirées clubbing au Maroc.

 

Avant-garde électro

Et la musique dans tout ça ? Il est évident que l’une des forces de Moroko Loko, c’est la musique qui est jouée pendant les soirées. Pas de David Guetta, de Rihanna ou de Bob Sinclar, mais de la musique électronique underground, pointue et éclectique. A chaque soirée, Amine K, Unes, Mar1, Driss Skalli, Amnaye ou encore Daox se relaient sur scène pour des sets faisant le bonheur des puristes de sons électroniques. Et régulièrement des DJs internationaux sont invités, comme le Japonais Satoshi Tomile ou le Britannique Lee Buridge, véritables références dans le domaine. Le but ? Donner aux clubbeurs un aperçu de ce qui se passe à l’étranger et inspirer les jeunes DJs marocains. Un travail qui semble porter ses fruits, puisque depuis l’aventure Moroko Loko, une véritable bouffée d’air frais souffle indéniablement sur la scène électronique locale, et les soirées underground se multiplient un peu partout, encouragées par la réussite de Moroko Loko. “Nous assistons de plus en plus à l’émergence d’une nouvelle ère dans la scène électronique marocaine. De plus en plus de DJs se mettent à la musique underground, et nous essayons de les soutenir au maximum”, affirme Amine K. Le fait qu’en septembre dernier le collectif ait pris part à la prestigieuse Techno Parade de Paris en a sans aucun doute motivé plus d’un. Amine K et ses accolytes représentaient le Maroc, et étaient les invités d’honneur de l’évènement qui a rassemblé plus de 300 000 fans de musique électronique. “Notre participation a été semée d’embûches et c’était loin d’être facile, mais nous y sommes arrivés avec de la patience, de la persévérance et de la passion. J’espère sincèrement que notre aventure donnera envie aux DJs de se surpasser encore plus”, conclut Amine K.

 

Amine K. Un DJ de gauche

Le concept Moroko Loko et Amine Akesbi sont quasiment indissociables. Lorsqu’il lance le projet en 2009, beaucoup en entendent parler parce qu’il est porté par lui. Par ailleurs, sa réputation de grand fêtard et de connaisseur en musique électronique font que beaucoup croient dès le début en son projet. Ce jeune de 27 ans, qui a commencé à mixer dès son adolescence, est actuellement l’un des DJs marocains les plus connus. Les raisons ? Sa personnalité mais également son style musical particulier. “Un mélange de blues, de hip hop et de soul remixés à la sauce électronique, passant de la deep house à la techno ou la house et tout cela avec une touche tribale marocaine”, explique-t-il. Le fils du très réputé économiste de gauche, Najib Akesbi, a également un grand cœur. En 2007 et 2009, il organise l’évènement “State of mind” à Rabat, un festival électronique qui réunit 5000 personnes, et dont tous les bénéfices sont reversés à des associations aidant les enfants cancéreux ou atteints de cardiopathies congénitales. Aujourd’hui, Amine K, qui a fait des études de commerce, vit pleinement sa passion pour la musique. Il s’y consacre totalement, et vient de lancer “K Entertainment”, une société d’événementiel pour l’organisation de soirées électro. Good luck !

 

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