Les dossiers chauds qui attendent le prochain gouvernement

La composition du prochain Exécutif devrait bientôt être connue. La nouvelle équipe devra reprendre en main plusieurs dossiers gelés depuis plus de cinq mois.

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Crédit : Plashing Vole / Flickr

Saad Eddine El Othmani peaufine la composition de son gouvernement, après cinq mois de blocage politique qui a mis un frein au fonctionnement du royaume. Quelques soient les ministres nommés, tous vont devoir s’atteler aux principaux dossiers chauds : loi des finances, dialogue social, décompensation, réforme des retraites, flexibilité du régime de change… Voici les dossiers qui vont refaire surface.

1- La loi des finances 2017

« Le premier dossier qui sera sur la table lors de la reprise des travaux du parlement sera, comme en 2011, celui de la loi de finances« , nous explique Mehdi Mezouari, membre de l’USFP et ancien président de la Commission des Finances. Déposé le 20 octobre 2016 au parlement, le projet de loi des finances 2017 n’a pas pu être étudié par le parlement. Face à cette situation, le gouvernement assurant la gestion des affaires courantes a fait valoir l’article 50 de la loi organique des finances afin de débloquer par décret « les crédits nécessaires à la marche des services publics« . La promulgation de deux décrets temporaires le 15 décembre 2016 a permis d’adopter des mesures fiscales pour assurer la bonne marche du service public.

Selon Abdelkader Boukhriss, le président de la Commission fiscalité de la CGEM, le texte déposé par le gouvernement sortant devrait faire l’objet d’une refonte, car il a été élaboré selon des « indicateurs et paramètres dépassés aujourd’hui« . Le prochain gouvernement devra également se pencher « sur la question des salaires et de la pression fiscale sur les fonctionnaires« , estime pour sa part Mohamed El Wafy, secrétaire national du syndicat de l’Union marocaine des travailleurs (UMT).

Dès sa prise de fonctions, le prochain Exécutif devra décider s’il soumettra un nouveau projet de loi des finances pour 2017, ou s’il s’attellera à la conception de celui de 2018.

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2- La réforme des retraites

Entrée en vigueur début 2017 après avoir été adoptée en juillet 2016, la réforme des retraites continue d’être contestée. Le 13 mars 2017, une commission d’enquête de la chambre des conseillers qui a étudié cette réforme a appelé sans détour à geler sa mise en oeuvre, et à appliquer les recommandations de la commission nationale des retraites qui s’était exprimée en faveur d’une réforme systémique et non paramétrique. L’enquête pointe plusieurs dysfonctionnements, notamment la défaillance de gouvernance de la Caisse marocaine des retraites (CMR) et la responsabilité de l’État dans le déficit de ce régime.

La réforme appliquée par le gouvernement sortant a également été critiquée le 23 janvier par Driss Jettou, président de la Cour des comptes et ancien chef de gouvernement. Il avait émis, au parlement, des réserves sur cette réforme qui « ne résout pas le problème définitivement« . Il avait également affirmé que l’augmentation des salaires des fonctionnaires pesait significativement sur les ressources de l’État. À tel point que, selon les projections de son institution, le fonds du régime des retraites serait épuisé en 2028. « Ce que nous attendons de ce nouveau gouvernement, c’est l’écoute de la commission d’enquête et le gel de cette réforme« , tonne Mohamed El Wafy.

Le syndicaliste demande également le retrait de cette réforme « afin qu’elle soit rediscutée dans le cadre du dialogue social national« . On rappelle que lors des deux derniers rounds de discussion, les syndicats n’étaient pas parvenus à un accord concernant le texte. Le gouvernement à par la suite imposé sa réforme.

3- La caisse de compensation

Maintenant que le secteur des hydrocarbures a été libéralisé, la question est de savoir si le nouveau gouvernement poursuivra la réforme de la caisse de compensation en supprimant les subventions sur le sucre, la farine de blé, ou encore le gaz butane, qui plombent encore les caisses de l’État de plus d’une dizaine de milliards de dirhams. « La décompensation du gaz butane concerne une grande majorité des Marocains. Le prochain gouvernement aura-t-il le courage d’y toucher?« , se demande Mehdi Lahlou, économiste et membre du Parti socialiste unifié (PSU). Ce qui est certain, c’est que le prochain gouvernement devra une nouvelle fois faire face aux syndicats s’il décide de sauter le pas et de poursuivre le chantier de réforme tracé par le gouvernement Benkirane.

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4- Passage à un régime de change flexible

« Le passage par la flexibilité progressive du change est obligatoire », avait déclaré le ministre sortant de l’Économie et des Finances, Mohamed Boussaïd, le 30 janvier 2017. Une réforme actée et dont la mise en œuvre est opérée par Bank Al Maghrib. La poursuite de cette réforme évolue indépendamment du blocage gouvernemental, en attestent les différentes actions entreprises par la banque centrale alors que les tractations pour la formation de la majorité étaient en cours. Cela étant, « le gouvernement a seul le pouvoir de validation« , nous précise Mehdi Mezouari. C’est donc un chantier stratégique que le prochain Exécutif devra donc suivre de près, d’autant que les principaux prérequis pour la réussite de cette réforme sont les agrégats des finances publiques (déficit commercial, réserves de changes…).

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5- Le dialogue social

Ouvrir le dialogue avec les partenaires sociaux est l’une des priorités de tout gouvernement fraîchement installé. Le gouvernement El Othmani sera, à l’image de ses prédécesseurs, tenu de le faire lors des 100 premiers jours suivant sa nomination. El Othmani aura la tâche de renouer avec les forces syndicales qui entretenaient une relation tendue avec son prédécesseur. Le programme des discussions ne dérogera pas aux revendications syndicales classiques: réforme de la caisse des retraites, baisse de la TVA, augmentation des salaires, élargissement de la couverture médicale, hausse du revenu minimum ainsi que l’augmentation des aides familiales. « Le gouvernement tendra-t-il l’oreille à la rue et aux représentants de la classe ouvrière en entamant une politique courageuse pour les classes les plus défavorisées?« , s’interroge encore Mohamed El Wafy. Pour le secrétaire national du syndicat de l’UMT, le gouvernement dirigé par Benkirane « ne croyait pas au dialogue social« .

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