Ta vie en l'air. La fête est finie

Par Fatym Layachi

En ce moment, la saison des ouvertures de restos, de lancements de produits et de présentations de collections bat son plein. Tout semble être un prétexte pour festoyer et trop manger. Cet après-midi, tu as regardé des filles longilignes défiler en robes de soirée au milieu des petits fours. Tu as fait tout plein de compliments et mis de côté quelques tenues. Tu n’as pas spécifiquement besoin d’une robe longue, mais, à bien y réfléchir, on a toujours besoin d’une robe longue. Il y aura forcément des soirées et des mariages. Et ce soir, tu étais invitée pour le lancement d’une nouvelle boisson. Du beau monde et des cocktails, voilà pour la promesse. Tu as fait des sourires de circonstance et tu as tout fait pour faire tourner ta tête au plus vite. Ça ne fait pas exactement rêver. Tu ne t’es pas particulièrement amusée. Et alors ? Ce n’était sûrement pas le but de toute façon.

Tu as trop bu, trop mangé, trop fumé et trop parlé. Tu veux rentrer. Ce soir tu n’as pas l’ivresse joyeuse. D’habitude, tu espères prolonger la nuit. Tu tentes de t’offrir un léger supplément de rêve à défaut d’âme. Tu cherches à tout prix à rester le plus éloignée possible du retour à la réalité. Mais ce soir, tu ne veux pas. Il est l’heure pour toi de descendre du manège. Tes yeux brillent, tout te semble un peu flou. Tu n’attends pas qu’un garçon te raccompagne. Ce soir, tu sais que c’est une mauvaise idée. Le garçon a trop bu et il ne te plaît pas. Alors tu ne lui vends pas d’illusions de bas étage et tu ne t’en fais pas non plus. Tu n’es pas une princesse surannée. Il n’est pas le prince charmant. Tu es une fille qui a trop bu. Et lui, c’est un mec qui a beaucoup trop bu. Rien à gagner. Tout à perdre. Ce n’est pas vraiment le bad boy, ou le garçon infréquentable. C’est juste le garçon par dépit. Ce soir tu n’as pas envie de te prêter au jeu de l’amour sans hasard. Zee et les autres ont l’air de vouloir continuer à faire la fête. Tu fais un signe de la main et t’en vas toute seule. Sans illusions donc et sans espoir non plus. Et puis, de toute façon, tu auras mal à la tête demain, alors autant essayer d’éviter quelques regrets. Tu veux juste aller te coucher. Tu prends ton téléphone et achètes ton autonomie. Cette indépendance, tu la dois à Uber. Avant, tu ne prenais pas de taxi. Tu conduisais, souvent inconsciente et quelques fois un peu bourrée. Tu te trimbalais avec du cash sur toi, espérant acheter ton impunité. Tu mets ta veste sur les épaules, tu tentes de remettre de l’ordre dans tes cheveux qui sentent trop la cigarette, et tu prends ton ivresse en bandoulière. La voiture est là. Un monsieur t’ouvre la porte. Un peu honteuse, tu t’agrippes à la bouteille d’eau. Tu ne seras peut-être pas moins ivre, mais tu seras hydratée.
Le front contre la vitre, tu regardes les lumières défiler. Les phares des voitures, les ampoules des snacks, les néons des bars, le halo des mosquées… La voix d’Adele remixée en version lounge te fait oublier où tu es. Ta tête bascule en arrière. Tu es prête à vomir tes illusions et ton dîner. Ton téléphone sonne. Un déferlement de whatsapp. “Mais pourquoi tu es partie ?”. “Tu vas où ?”. “Rejoins-nous chez Tom pour un dernier verre”. Tout se ressemble, les fins de soirée et les textos. Après la fête et avant les regrets, tu aimerais simplement dormir. Pour toi, ce soir, la fête est finie. Tu arrives enfin. Tu balances tes fringues, te démaquilles à moitié et te jettes dans ton lit. Tes draps sentent le frais, eux. Tu as l’impression que tout tourne autour. Tu fermes les yeux et te laisses gentiment tomber dans les bras de Morphée. Tu cherches le sommeil. Tu espères trouver quelques rêves avant le mal de tête de demain.