En perte de vitesse, le tourisme cherche un remède

Les Assises du tourisme 2014, prévues le 29 septembre, doivent revitaliser un secteur en perte de vitesse. Alors que les visiteurs sont chaque année plus nombreux, les retombées économiques du secteur s'essoufflent.

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Les chiffres officiels depuis 2007 sont sans appel : depuis 2009, les recettes stagnent tandis que le nombre de visiteurs ne cesse de s’accroître d’année en année.

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L’offre hôtelière a pourtant su suivre la hausse de la fréquentation touristique. Depuis 2007, les capacités d’hébergement augmentent peu ou prou au même rythme que le nombre de visiteurs.

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Vers un tourisme low cost ?

Comment expliquer dès lors que les touristes dépensent moins ? La raison la plus fréquemment invoquée est celle de la conjoncture économique mondiale, qui frappe particulièrement l’Europe, et qui pousse les ménages à serrer leur budget vacances.

En 2008, un touriste français dépensait en moyenne près de 3 000 euros lors de ses vacances, contre 4 600 euros pour un Britannique ou encore 4 800 euros pour un Italien. En 2014, les données publiées par l’Observatoire du tourisme (entre temps devenues des moyennes journalières) indiquent qu’au premier trimestre de l’année, la dépense moyenne d’un touriste étranger est estimée à 1 010 dirhams par nuit. Les Britanniques et les Italiens viennent en tête, en dépensant respectivement 1 530 dirhams et 1 435 dirhams en moyenne par nuit. Les Français et les Espagnols sont les moins dépensiers, avec une moyenne de 860 dirhams et 707 dirhams par nuit respectivement.

De l’avis général, les opérateurs touristiques ont baissé leur prix au cours des dernières années, principalement du fait d’une concurrence renforcée, au point de voir jaillir l’expression de tourisme low cost.

Culture backpacker

Mais ce sont également les consommateurs qui changent leur manière de voyager, indépendamment des contraintes financières. Les années 2000 ont été celles de la démocratisation de l’aérien et du web. La conjonction des deux a modifié la structure de la consommation touristique : les touristes venant au Maroc viennent pour un séjour plus court qu’auparavant, prévu de plus en plus à la dernière minute, et se logent plus volontiers chez l’habitant, à l’aide du Net.

La durée du séjour au premier trimestre 2014 était de 1 à 7 nuits pour 58 % des visiteurs, contre 68 % au dernier trimestre 2013.

Dans le même temps, la décision du séjour au Maroc est prise de plus en plus à la dernière minute. Au premier trimestre 2014, 16 % des visiteurs s’étaient décidés à venir moins d’une semaine avant leur arrivée, contre 9 % au dernier trimestre 2013. 47 % s’étaient décidés d’une semaine à un mois avant leur départ, contre 35 % le trimestre précédent.

Le phénomène de l’hébergement de particulier à particulier a également fait irruption sur le marché touristique, que ce soit sur des formules payantes (Air BnB) ou gratuites (Couchsurfing). Une récente estimation du ministère du Tourisme évaluait à 20 000 le nombre de lits des établissements informels. Le site Couchsurfing dénombrait en octobre 2012 plus de 15 000 utilisateurs inscrits au Maroc, dont 3 411 à Casablanca (voir carte ci-dessous).

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Une nouvelle façon de voyager et de découvrir le pays au plus près de ses habitants qui connaît un franc succès à l’échelle mondiale, et qui touche également le Maroc. Une nouveauté qui n’est pas forcément comprise en haut lieu par les professionnels du secteur, à l’image d’Abdelaziz Samim, directeur de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière, qui confesse n’avoir jamais entendu parlé du site.

Un secteur en guerre à l’informel

C’est surtout le modèle payant d’AirBnB qui commence à inquiéter les autorités et les professionnels du secteur. Abdelaziz Samim y voit une « concurrence déloyale » vis-à-vis des établissements déclarés : « Il faut contrecarrer l’hébergement informel et le réintégrer dans le circuit des établissements agréés ».

Un projet de loi vise d’ailleurs à interdire le recours à ces formes de compléments de revenus non déclarés pour les particuliers, qui représente autant de recettes fiscales échappant à l’État.

Et de fait ces solutions alternatives restent discrètes à l’échelle du secteur. Les statistiques, du moins depuis 2010, ne font état d’aucun effondrement du taux d’occupation des hôtels. Tout au plus, une culture de la gratuité et de l’hébergement alternatif semble s’être invitée aux marges du secteur touristique, contribuant – modestement – à tirer vers le bas les prix de l’offre d’hébergement.

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L’érosion des recettes touristiques par visiteur tient donc largement aux dépenses durant le séjour, au-delà des seules modalités d’hébergement.

Un secteur tiraillé

Entre la mauvaise conjoncture économique dans les pays émetteurs et les nouvelles habitudes de consommation liées au Net, les autorités marocaines ont une marge de manœuvre resserrée.

Le 19 septembre, les conclusions de la réunion du Comité stratégique conjoint du tourisme (CST) ont donné la priorité à l’offre, les mesures les plus concrètes annoncées visant à renforcer l’investissement (prime à l’investissement, mesures fiscales, accélération du plan Azur, garanties bancaires à l’investissement, etc.).

Le patron des hôteliers Abdelaziz Samim attend également beaucoup du nouveau système de classement des établissements d’hébergement.

Mais pour attirer une clientèle plus dépensière, c’est surtout vers la demande, et l’action de promotion de l’Office nationale marocain du tourisme (ONMT), que les professionnels du secteur tournent leurs espoirs. Le budget de l’Office est d’ailleurs annoncé en hausse significative de 200 millions de dirhams, passant à 550 millions.

Controverse sur les moyens de la promotion touristique

Malgré cela, du côté de la CNT, Saïd Tahiri affiche sa frustration :

A ce stade ce n’est qu’une promesse de budget ; nous attendrons la loi de finances pour voir si ce montant est confirmé. Cela dit nous attendions un peu plus. C’est encore insuffisant pour les besoins de la destination Maroc. L’Organisation mondiale du tourisme préconise d’ailleurs un budget compris entre 1,5 % et 3 % du budget des recettes touristiques pour la promotion d’une destination, or là nous sommes à 0,5 %.

Contacté par Telquel.ma, l’ONMT n’a pas été en mesure de préciser sa stratégie de promotion.

Faut-il accueillir toujours plus de visiteurs, ou bien faut-il se repositionner sur des clientèles à plus fort pouvoir d’achat ? La vision 2020 fixe une feuille de route simplissime, qui vise notamment à multiplier par deux le nombre de visiteurs comme de places d’hébergement, d’une part, et d’autre part à multiplier par deux les recettes touristiques, en visant 140 milliards de dirhams en 2020, soit le double des recettes actuelles. Pour atteindre ces objectifs, il faudra rompre avec la stagnation des recettes touristiques sans pour autant réduire le rythme des entrées. Ce sera sans doute l’équation-clé qui présidera à ces nouvelles Assises du tourisme.

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  • C’est la faute au phénomène  » Hikikomori « … la nouvelle génération … voyage par internet … elle vit retrancher … chez-elle … et parmi elle il y a ceux qui ne quittent plus leurs chambres … faîtes une étude là dessus ….
    … je me demande si le foot était transmis gratuit au MAROC … nos rues sont désertés … et le deviendront encore plus …. le japon en a fait une étude …

          1. Quand on projette … on le fait sur des clients potentiels …. ce phénomène touche … même la France qui a fait des recherches … titre le monde … le 7 juin 2012 … et chaque pays a ses  » MOKTAIBINE  » … je connait pas mal de familles au Maroc qui se plaignent de voir leurs fils … cloîtrés … dans leurs chambres … d’où une perte pour le tourisme local …
            et comme par hasard 200 000 … est le nombre de lits des hôtels du Maroc …

          2. Vous savez Mer marwan ce qui fait chiffrer le tourisme … c’est le tourisme sélectif (السياحة الإنتقائية) … comme mawazine … le festival de rire … le festival sophiste … et encore … il y a un phénomène … des jeunes employés qui louent une voiture à 5 et se déplacent localement … pour 1à 3 jours … et encore les voyages que effectuent … des associations … sans oublier que le ministère du tourisme comptent aussi les habitants permanents des hôtels comme des clients ….
            … la question qui se pose est : quand est-ce que nos politicien démocratiserons le tourisme ……??????

          3. c est vrai ya bcp a faire ,,, mais on est pas trop mal loti en afrique ,,, on est le 2 eme pays touristique en afrique ,,, il faut le souligner,

          4. Bien sur … quand Le président russe Vladimir Poutine … vient marier sa fille à Marrakech … sans oublier … nos fréres … les émirs … et certains diplomates français … ou … dernièrement Tom Cruise …
            .

  • Encore une carte copier coller sans notre chère Sahara, arrêtons dé lors de faire des polémique une fois qu’un autre Pays nous coupe la moitié du notre 🙂

    Pour le tourisme, je n’ai qu’un truc à dire, avec tout le respect que j’ai pour mon cher pays, je dirai qu’on est loin, vraiment comme dans tous les secteurs, le Maroc est un beau pays (de ça nature) mais parlant vrai, l’infrastructure est nulle, les sites historiques sont délaissés et mal entretenus, les gens sont mal polis et la tricherie l’arnaque nous en sommes les maîtres,
    Comme toujours nous attendons des miracles espérant que ça change un jour, et on laisse pour l’instant la nature faire son devoir pour nous, pourvu que ça continue, car avec ce qu’on voit maintenant, même la nature on l’a pas laissé tranquille

    Salam

  • Quelle fut ma grande tristesse lors de mon dernier séjour en août 2014 à Saïdia. La  » perle bleue  » ? Quelle honte à tous les points de vue !!! Je vous invite à ouvrir les yeux sur l’urbanisation à outrance dans l’anarchie totale , la saleté à tout coin de rue , le  » rodéo  » de nos chers compatriotes de la banlieue parisienne , la confiscation des plages publiques au profit des quelques  » oligarques  » et j’en passe ….Il faudrait ( le conditionnel ) attaquer les problèmes en amont ( opérations mains propres et par la suite plages plus propres !!! ) . La tâche sera rude car c’est de toute une éducation dont il s’agit !!! A bon entendeur salut !!!