Editorial. Profession de foi

Par Abdellah Tourabi

C’était il y a 13 ans. Un petit groupe de jeunes journalistes, regroupés autour de Ahmed Reda Benchemsi, décide de créer un nouveau magazine, où l’on peut parler de politique, de société, de culture et d’économie, mais sur un ton critique et même insolent. TelQuel est né de cette volonté. Au fil du temps et des années, le magazine a changé et évolué. Il a été témoin et acteur, à sa manière, des mutations que le Maroc a connues. Dans ses locaux et sa salle de réunion, résonnent encore les débats qui animaient et divisaient parfois les membres de sa rédaction. À ses commandes se sont succédé de talentueux et grands journalistes, en l’occurrence Karim Boukhari et Fahd Iraqi. Mais malgré les changements, les mouvements des hommes et des femmes qui l’ont fait, TelQuel a su garder son âme et son ADN. Car au fondement de cet hebdomadaire, il y a une identité profonde qui fait sa particularité. Elle est encore là, intacte et invariable.

TelQuel aurait pu avoir comme slogan « Je hais les indifférents », titre du livre de l’intellectuel et militant italien Antonio Gramsci. En magazine d’actualité, il a pour vocation d’informer, d’enquêter et de livrer des analyses sur la marche de notre pays. Un travail fait dans les règles de l’art et l’exigence de la profession. Sauf que ce travail n’est pas réalisé dans l’indifférence et le détachement. Dans une nation en pleine mutation, où les Marocains sont tiraillés entre plusieurs projets de société, où tout reste à construire sur le plan politique et intellectuel, TelQuel ne peut pas être un spectateur silencieux et distant. « Il faut chasser l’écrivain sans opinion », chantait Jacques Brel. On peut en dire autant pour un journal ou un magazine. Nous défendons un certain nombre de valeurs, et nous y tenons.

Au cœur de ces valeurs, il y a la défense de la modernité, dans son sens philosophique, où l’individu, sa liberté et sa dignité sont au-dessus de tout. L’appartenance à une nation ou à une religion ne peut pas être assimilée à une adhésion aveugle, où la singularité de l’individu est broyée par les diktats de la communauté et du groupe. Dans notre magazine, on croit aux vertus de la différence, de la diversité et même à la nécessité des dissonances. Une symphonie est l’ensemble des différentes notes qui la composent et non pas le son monocorde d’un seul instrument. C’est ainsi que TelQuel est toujours un espace et un porte-voix des minorités et des iconoclastes, pour y exprimer et partager leurs idées. Au Maroc, c’est le faux consensus et les idées lénifiantes qui nous empêchent d’avancer et non pas les divergences et le débat. Cette modernité que nous défendons signifie aussi une croyance au changement, au progrès et à une évolution nécessaire et inéluctable des mentalités au Maroc. Notre magazine y contribue à travers l’information et l’analyse, mais aussi en prenant une position de principe et de valeur sur certains sujets qui nous tiennent à cœur. C’est notre vocation et notre profession de foi.   @Atourabi