Football : La simulation, le geste expliqué

Par Réda Allali

Feinte. Parmi la large palette de gestes techniques inventés dans le monde par les footballeurs à travers les âges, les nôtres en ont choisi un en particulier pour le porter à des sommets inégalés : l’art de simuler.

Il n’est pas question ici de la simulation de faute, celle qui permet de voler un pénalty, d’arracher une victoire au prix de son visage. Non, celle-ci est mondiale, et Suarez son expert… Non, on parle du joueur qui ne souffre de rien, qui se roule par terre comme s’il avait été percuté par un tramway, celui qui fait intervenir le soigneur, les brancardiers, qui gagne 5 bonnes minutes avant de se relever et de se mettre à galoper comme un cheval en défiant les lois de la logique et de la médecine. C’est un cancer.

La FIFA, dans un rapport sur la Botola, pointait du doigt le faible temps de jeu effectif chez nous. Le ballon est plus souvent à l’arrêt qu’en mouvement. Le geste technique se décompose comme suit : faute inexistante, l’arbitre ne siffle pas forcément, le joueur reste à terre, et l’adversaire, au nom d’on ne sait quel pseudo-fairplay, sort le ballon pour laisser les soigneurs ne pas soigner le joueur qui n’est pas blessé. Au cours d’un match Raja/OCS datant de 2011, pas moins 12 entrées de soigneurs pour aucun blessé sérieux. Si l’équipe adverse ne sort pas le ballon, c’est l’arbitre qui arrête le jeu. Il sait qu’il s’agit d’une simulation, mais il n’est pas médecin, et il a en tête le décès tragique de Belkhouja en 2001 sur l’aire de jeu. Il ne prend donc aucun risque, il ne tue que le jeu… Il pourrait offrir 15 minutes de temps additionnel mais il est, comme tout le monde, pressé de rentrer chez lui.

Les gardiens sont les plus forts à ce jeu

 

S’il est possible de laisser le ballon courir lorsqu’un joueur de champ est à terre, un gardien de but allongé force l’arbitre à siffler. Il enlève ses gants, cinq minutes de plus. Dans le monde entier, un gardien blessé crée un mouvement sur le banc de touche, un échauffement du remplaçant. Chez nous, rien du tout, c’est une comédie et tout le monde le sait. Répétée deux fois par mi-temps, elle peut générer du diabète chez les supporters adverses.

Dans le foot européen, ce genre de comportement a disparu, sous la pression des sponsors et des diffuseurs. Les simulations de fautes sont toujours là : elles fascinent, créent du buzz, constituent une particularité du foot, le seul sport qui peut glorifier les tricheurs. Mais les fausses blessures, elles, détruisent le spectacle, ne créent rien d’autre que de l’exaspération. Elles ne survivent que dans le foot du Tiers-Monde ; nous les traînons comme un symbole de notre sous-développement. Oui, nos joueurs de foot tentent de ne pas jouer au foot.

Il serait injuste de se contenter d’accuser les joueurs et d’oublier les présidents. Eux aussi simulent. Deux ou trois fois par saison, l’un d’entre eux explique qu’il se retire de la Botola. Choisissez la raison : un péno non sifflé, un match non programmé, un chèque qui tarde à arriver. Quelques jours de médiatisation, un coup de pression sur la fédération, puis il reprend benoitement la compétition. Nos présidents, eux aussi, tentent de trouver des stratagèmes pour ne pas jouer au foot.

C’est à se demander si tout ce beau monde l’aime autant que nous, le foot.

La fausse simulation

AU DELA` DE LA RAISON, LA FOLIE KEANE !

Septembre 1997, Manchester United/Leeds, le rugueux irlandais Roy Keane, s’écroule dans la surface adverse suite à un coup d’épaule anodin, il n’y a pas de faute. Le défenseur Haaland de Leeds croit aussitôt à une simulation, il insulte copieusement l’irlandais à terre. Il faut l’intervention de son coéquipier, le gardien de but, pour calmer sa furie. Mais Roy Keane est vraiment blessé : rupture des ligaments, six mois d’arrêt et autant de temps passé à ruminer sa vengeance. Elle aura lieu plus de deux ans plus tard, en avril 2001, alors que Halaand joue pour Manchester City. On est dans un scénario de Tarantino, la vengeance est en route. Alors que Halland contrôle tranquillement le ballon dans son camp, Keane se précipite vers lui, crampons en avant, et lui brise la jambe d’un tackle de forcené. C’est précis, violent. Fin de carrière pour le défenseur, et cinq matchs de suspension à peine pour l’irlandais, qui refusera systématiquement de s’excuser. Dans sa biographie, il en rajoute une couche: « j’avais attendu assez longtemps, j’ai tapé vraiment fort, et je l’ai insulté… » et on va arrêter la  traduction ici, c’est mieux pour tout le monde…. Les images sont disponibles sur Youtube, prenez vos responsabilités, ce n’est pas du cinéma.