Alechinsky, Appel, Corneille... le mouvement Cobra s’expose au Musée Mohammed VI

Le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (MMVI) continue de célébrer son dixième anniversaire avec l’exposition “Cobra : un serpent à multiples têtes”. Du 30 octobre 2024 au 3 mars 2025, le public est invité à découvrir une centaine d’œuvres retraçant les fondements du mouvement Cobra, ses pionniers, ainsi que son influence sur l’art contemporain.

Par

Corneille, L'Été, 1948.

L’exposition “Cobra : un serpent à multiples têtes”, la première du genre au Maroc, organisée par la Fondation nationale des musées et le Cobra Museum avec le soutien de l’ambassade des Pays-Bas au Maroc, met en lumière l’héritage d’un groupe d’artistes, audacieux et révolutionnaires, fondé dans les années 1940, qui a redéfini les frontières de l’art moderne. Peintures, sculptures, gravures, dessins et photographies illustrent la diversité et la profondeur de ce courant et révèlent son âme spontanée et libre.

Le parcours de l’exposition est réparti en sept sections ; des racines danoises et hollandaises aux influences surréalistes, le visiteur est amené à découvrir l’évolution de cette aventure artistique unique.

Karel Appel, Sans titre, 1967.Crédit: Cobra Museum

Au cœur de l’exposition, les figures emblématiques du mouvement prennent vie et dévoilent leurs univers ; Asger Jorn, Christian Dotremont, Constant, Pierre Alechinsky, Karel Appel, Corneille, Eugène Brands, Carl-Henning Pedersen, Jacques Doucet ou encore Lucebert sont autant de précurseurs qui ont ouvert de nouvelles voies créatives et ont contribué à l’émergence de ce courant majeur du XXe siècle.

Le parcours souligne également la pluralité des artistes Cobra et leurs origines, dévoilant un groupe coloré et innovant. Il offre aussi une présentation des différentes perspectives du mouvement depuis ses débuts jusqu’à nos jours, témoignant de sa richesse et de sa complexité. L’influence de l’art africain, notamment celui de l’Afrique du Nord, est particulièrement mise en évidence, montrant comment ces artistes ont puisé dans cette source d’inspiration pour élargir leur champ d’expression. La céramique, explorée avec passion par certains artistes Cobra, trouve également sa place pour montrer un regard diversifié sur leur démarche.

L’exposition révèle ainsi une palette de couleurs et de styles qui reflète une volonté de renouer avec l’aspect instinctif et naturel. Depuis ses origines jusqu’à ses résonances contemporaines, “Cobra : un serpent à multiples têtes” dresse un panorama riche et nuancé de ce mouvement, caractérisé par une effervescence artistique sans précédent.

Copenhague, Bruxelles, Amsterdam

Le 8 novembre 1948, Asger Jorn (Danemark), Joseph Noiret et Christian Dotremont (Belgique), Karel Appel, Corneille et Constant (Pays-Bas) rédigent et signent à Paris un manifeste qui donne naissance à l’Internationale des artistes expérimentaux.

Asger Jorn, The Awakening II (Morgenrøde – opvagnen), 1953.Crédit: Cobra Museum

Le nom, qui fait référence à l’Internationale socialiste, reflète la motivation politique des artistes. Cependant, le mouvement s’est rapidement fait connaître sous le nom de Cobra, en référence au magazine qu’ils ont publié ensemble. Cobra est l’abréviation des premières lettres des mots français COpenhague, BRuxelles et Amsterdam, mais fait également référence au serpent venimeux.

Les membres de Cobra sont des artistes et des poètes de différents pays européens et d’ailleurs. La joie d’une totale liberté spirituelle et artistique et de la spontanéité constitue leur contrepoids au cauchemar de la Seconde Guerre mondiale (1940-1945). Ils ont trouvé l’inspiration dans les dessins d’enfants, les objets préhistoriques, l’art non occidental, les bandes dessinées et les expressions de la culture populaire.

La nouvelle forme d’art prônée par les artistes visait non seulement à libérer les artistes des règles académiques, mais aussi à libérer l’esprit humain de la passivité. Les masses devaient puiser dans leur propre potentiel créatif et se libérer de la classe dirigeante.

Le mouvement Cobra a créé un véritable bouleversement aux Pays-Bas. La presse néerlandaise parle de gribouillage, de radotage et de tâches. Le mouvement Cobra, si révolutionnaire, est actuellement ancré dans l’histoire de l’art européen dont le mouvement était essentiellement associé à un style de peinture colorée, expressive et spontanée qui exerce toujours une influence même après l’effondrement du mouvement en 1951.

Les fondateurs du mouvement avaient des idées très différentes à propos de sa définition. Pour certains d’entre-eux, la signification pourrait se manifester dans la contribution du mouvement dans le développement de l’art. Pour d’autres, dans l’esprit de la liberté absolue du mouvement alors que pour d’autres fondateurs, le mouvement Cobra se manifeste plutôt dans la collaboration entre les membres et le croisement mixte entre les poètes et les peintres.

Par contre, une chose est sûre : il n’y a jamais eu d’unanimité quant à la définition exacte du mouvement Cobra. Ceci est probablement dû, plus précisément, aux désaccords et aux contradictions entre ses membres surtout en ce qui concerne la détermination de ces caractéristiques et qui lui confèrent d’ailleurs, sa vitalité.

Cette exposition met la lumière sur les diverses perspectives, parfois diamétralement opposées, du mouvement. La sélection des travaux, des objets d’art et du matériel d’archives met l’accent sur la période durant laquelle le mouvement a existé d’une manière officielle (1948-1951), malgré des travaux antérieurs et postérieurs, également présentés dans cette exposition.

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