Au Liban, le calvaire des déplacés fuyant les bombes d’Israël

Quand il a décidé de fuir sous les bombes israéliennes avec sa famille, Ali Abdel Hussein Berri ne s’imaginait pas que le court trajet lui prendrait 14 heures en raison de l’exode massif des habitants du sud du Liban.

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Des dizaines de milliers de personnes, selon l’ONU, fuient leurs villages du sud libanais, où l’armée israélienne dit cibler le mouvement islamiste libanais Hezbollah. Crédit: X

Normalement, la route longeant la Méditerranée entre Tyr, ville côtière du sud, et la capitale Beyrouth se parcourt en une heure et demie. Le trajet est devenu un calvaire pour des dizaines de milliers de personnes, selon l’ONU, qui fuient leurs villages du sud, où l’armée israélienne dit cibler le mouvement islamiste libanais Hezbollah, un allié du Hamas palestinien.

Des photographes de l’AFP ont vu lundi et mardi des files interminables de voitures et de minibus défiler par-choc contre par-choc, transportant souvent femmes, enfants et personnes âgées avec leurs affaires empaquetées à la hâte.

Nous souhaitons (…) que la guerre se calme, pour retrouver nos maisons. Ce que j’ai vécu hier avec ma famille, c’est véritablement une guerre totale”, lâche M. Berri, 55 ans. Parti lundi matin à 10 h avec son épouse, son fils et une voisine âgée, il est arrivé à Beyrouth à minuit à cause des “embouteillages étouffants”.

Comme lui, des centaines de familles ont trouvé refuge dans l’école hôtelière du quartier de Bir Hassan, près de la banlieue sud de Beyrouth, hâtivement transformée par les autorités en centre d’accueil. Certains cherchent de quoi calmer leur faim, d’autres s’installent comme ils le peuvent dans les classes spartiates. “Il y a même des gens qui ont passé la nuit dans la rue, comme mes sœurs et mes belles-sœurs”, lâche M. Berri. “C’est une vraie souffrance. J’espère que l’État, les associations, vont s’occuper de nous.”

Plus de 550 morts

Les bombardements israéliens, ciblant principalement le sud du Liban, ont fait 558 morts, dont 94 femmes et 50 enfants, selon les autorités libanaises.

Ce n’est pas la première fois que M. Berri abandonne sa région. “En 2006, je suis parti pendant 20 jours durant la guerre de juillet (entre Israël et le Hezbollah)”, lâche-t-il. “À l’époque, la guerre était courte”, commente-t-il, allusion au conflit de 33 jours. “Aujourd’hui, c’est une guerre longue (…), on ne sait pas quand elle prendra fin”, déplore-t-il.

Depuis octobre 2023, l’armée israélienne et le Hezbollah échangent quotidiennement des tirs transfrontaliers, sur fond de guerre dans la bande de Gaza.

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Dans une salle de l’école d’hôtellerie, une femme nettoie le sol poussiéreux. Dans une autre, des hommes sont assis sur les chaises vermoulues, près des fenêtres donnant sur la cour. Ailleurs, des enfants chahutent, jouant près de leurs mères. Éreintés, nombreux sont ceux qui refusent de parler aux journalistes.

Lundi, les bombardements se sont intensifiés, on est sortis de la maison, tout le monde était en train de partir”, raconte à l’AFP Abbas Mohammed, entraîneur de foot dans la ville de Harouf, à une quinzaine de kilomètres de la frontière. “Alors on a fait pareil quand ils ont bombardé un site tout proche”, ajoute ce père d’une fillette de trois ans. “Avec ma femme et ma fille, notre seul choix c’était la moto”, dit-il. Le trajet a duré sept heures.

Sans interruption arrivent des dizaines de petits-déjeuners et de bouteilles d’eau, distribués aux familles par les scouts et les volontaires d’Amal, parti chiite allié au Hezbollah et dirigé par le chef du Parlement, Nabih Berri.

“Encore plus de barbarie”

Entre lundi soir et mardi matin, le centre d’accueil improvisé a reçu près de 6000 personnes, indique à l’AFP le responsable communication du parti, Rami Najem. Les besoins sont immenses, dit-il. Certains déplacés campent sur des routes et places publiques, des matelas leur ont été distribués.

Je ne sais pas comment on est partis, tout le village pratiquement a été détruit”, raconte Zeinab Diab, 32 ans, assise avec sa cadette d’un an. Vivant à 18 kilomètres de la frontière, elle a fui avec son mari et leurs quatre enfants. “On ne savait même plus d’où venaient les bombardements. C’est comme si cette fois-ci il y avait encore plus de barbarie.”

Même si ma maison devait être rasée, je voudrais pouvoir rentrer immédiatement dans mon village”, plaide-t-elle. “Vivre là-bas dans une tente c’est mieux. Quitter sa maison, c’est comme perdre son âme.”