Violence du corps enseignant : les résultats alarmants d’une enquête du Conseil supérieur de l’éducation

Au sein des établissements scolaires, la violence est souvent associée aux rapports entre élèves, mais un rapport récent du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), réalisé en partenariat avec l'UNICEF, révèle un autre aspect : la violence perpétrée par les enseignants.

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Yassine Toumi / TelQuel

Cette étude approfondie cible les trois cycles de l’enseignement de base, du primaire au secondaire qualifiant, et permet notamment de mieux comprendre la réalité de la violence des enseignants, qui reste peu documentée.

“L’évaluation comprend une enquête quantitative menée dans 260 établissements scolaires, avec la participation de 13.884 élèves, représentant les trois cycles de l’enseignement. Elle est complétée par une enquête qualitative menée dans 27 établissements, dans le but d’identifier et de caractériser les actes de violence”, détaille le rapport.

Une enquête qui vient ébranler les conceptions traditionnelles en démontrant que les enseignants peuvent être des acteurs majeurs de violences verbales et physiques au sein des établissements scolaires.

Violences physiques

“Le châtiment corporel envers les élèves demeure une réalité”, note le rapport du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS). Parmi les constats “a priori inattendus” du rapport, “le recours plus fréquent à plusieurs types de châtiment dans les établissements de l’enseignement privé par rapport à ceux du secteur public, ou encore la persistance du recours au châtiment corporel dans le secondaire qualifiant, même si c’est dans des proportions plus réduites en comparaison avec les autres cycles”.

Selon les résultats de l’enquête, 47,8% des élèves du primaire ayant déclaré avoir été frappés au sein de leur établissement affirment que l’auteur était une maîtresse ou un maître, 11% déclarent avoir subi des sobriquets de la part de leur maître ou maîtresse, 4% des bousculades, 14% des insultes, et 9% des lancers d’objets.

La violence des enseignants est également préoccupante au niveau du secondaire. 38,9% des élèves ont déclaré avoir été humiliés et 33,5% ont dit avoir subi des moqueries de la part d’un ou des enseignant(s). Les châtiments corporels sont encore présents dans certains établissements, avec 30,6% des élèves déclarant avoir été frappés avec un objet et 17,3% ayant déclaré avoir reçu des gifles et/ou des coups. Les garçons seraient plus souvent exposés aux punitions et aux châtiments corporels que les filles.

Malgré les directives émanant du ministère de tutelle interdisant le châtiment corporel envers les élèves, certaines voix parmi les enseignants justifient encore la violence comme un moyen de faire face à l’indiscipline des élèves.

Harcèlement sexuel

Une des formes les plus inquiétantes de violence mentionnées dans le rapport est le harcèlement sexuel. Au primaire, 9,9% déclarent avoir assisté à du harcèlement sexuel de la part des adultes travaillant dans l’établissement, et les maîtres et maîtresses ont été déclarés comme auteurs respectivement par 5,1% et 1,8% des élèves témoins.

Parmi les élèves du primaire ayant affirmé avoir été harcelés, 34% d’entre eux ont indiqué que ce harcèlement avait un caractère sexuel. La proportion des garçons est plus importante que celle des filles : 37,9% contre 30,3% respectivement. 4,9% des élèves ont déclaré que l’auteur était une maîtresse ou un maître.

Pour ce qui est du secondaire, 18,7% et 5,5% des élèves témoins du harcèlement sexuel ont confirmé respectivement que les enseignants et les enseignantes sont les auteurs de ce harcèlement sexuel. Quant aux autres adultes travaillant à l’école, ils sont déclarés par 22,2% des élèves témoins comme étant les auteurs de ces actes.

Le rapport souligne également des disparités géographiques dans la manifestation de cette violence. Les établissements scolaires situés dans des milieux urbains défavorisés semblent être davantage touchés par ce fléau.

Pourtant, malgré la gravité des révélations de ce rapport, une grande partie de ces actes de violence demeure dans l’ombre. La plateforme Marsad, mise en place par le ministère de l’Éducation nationale pour signaler les cas de violence dans les écoles, reste largement méconnue par près de 76% du personnel des établissements.

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