Une première pour un ancien président, Donald Trump inculpé par la justice fédérale

Donald Trump a pris les devants en annonçant lui-même jeudi soir avoir été inculpé par la justice fédérale, une première historique pour un ancien président.

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Le président après une conférence de presse à la Maison blanche le 12 janvier 2021. Donald Trump y a estimé que son discours devant ses partisans avant l'assaut du Capitole était "totalement approprié". Brendan Smialowski/AFP Crédit: Brendan Smialowski/AFP

Le républicain, qui rêve de reconquérir la Maison Blanche en 2024, est poursuivi pour avoir conservé des archives présidentielles en violation des lois américaines.

“L’administration corrompue de Biden a informé mes avocats que j’ai été inculpé, vraisemblablement dans la fausse affaire des boîtes”, a-t-il écrit sur son réseau Truth Social en référence aux cartons de documents emportés avec lui en quittant Washington.

Le ministère de la Justice a refusé de commenter et le dossier judiciaire reste sous scellé.

Le milliardaire, dont le domicile de Floride avait été perquisitionné l’été dernier par des agents du FBI à la recherche de ces dossiers, a fait savoir qu’il était convoqué mardi devant un tribunal fédéral à Miami, la veille de son 77e anniversaire. Son avocat Jim Trusty a précisé sur CNN que Donald Trump faisait l’objet de sept chefs d’inculpation, notamment en vertu d’une loi sur l’espionnage qui interdit de garder des documents classifiés dans des endroits non autorisés et non sécurisés.

“Entrave à la justice et faux témoignage”

Soupçonné d’avoir cherché à conserver subrepticement les documents qu’on lui réclamait, Donald Trump est également poursuivi pour entrave à la justice et faux témoignage, a ajouté Me Trusty.

En mars, il avait déjà été inculpé pour plusieurs fraudes comptables par la justice de l’État de New York en lien avec un paiement réalisé avant la présidentielle de 2016 pour faire taire une actrice de films X qui dit avoir été sa maîtresse.

L’ex-magnat de l’immobilier, qui devance pour l’instant largement les autres candidats à l’investiture républicaine, s’est toujours défendu de toute malversation et se présente comme victime d’une “persécution politique”. “Je suis innocent, je n’ai rien fait de mal”, a-t-il assuré jeudi soir dans une vidéo mise en ligne sur Twitter, dénonçant “de l’ingérence électorale au plus haut niveau”.

Républicains vs Démocrates

Les élus républicains ont immédiatement serré les rangs autour de lui.

“Je me tiens, comme tous les Américains qui croient en l’État de droit, aux côtés du président Trump”, a réagi le président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy. Le compte Twitter de sa commission judiciaire affichait un slogan familier : “CHASSE AUX SORCIÈRES”.

Le gouverneur de Floride Ron DeSantis, un rival pour l’investiture républicaine, a promis lui d’“éliminer les préjugés politiques” s’il était élu.

Le milliardaire Elon Musk, de plus en plus présent dans l’arène politique, a estimé qu’il “semblait y avoir plus d’intérêt à poursuivre Trump que d’autres hommes politiques”.

Les démocrates ont, eux, salué la nouvelle tout en mettant en garde contre le discours de Donald Trump. “Il va essayer d’instrumentaliser cette inculpation pour des gains politiques, parce que gagner la présidence sera peut-être son seul moyen d’éviter la prison”, a déclaré l’élu Adam Schiff. Aux États-Unis, être inculpé et même condamné pour un délit ou un crime n’interdit pas d’être candidat, élu ou d’occuper une fonction officielle.

L’équipe de campagne de Donald Trump n’a pas tardé à adresser un appel aux dons à ses partisans, en leur demandant dans un email de contribuer à la lutte contre les attaques “vicieuses” visant l’ex-président. En janvier 2021, quand il avait quitté la Maison Blanche pour s’installer dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, Donald Trump avait emporté des boîtes entières de dossiers, alors qu’une loi de 1978 oblige pourtant le président à transmettre tous ses emails, lettres et autres documents de travail aux archives nationales.

Ce n’est qu’un an plus tard, après plusieurs relances, que Trump a accepté de restituer 15 cartons avec plus de 200 documents classifiés. Dans un courrier, ses avocats avaient alors assuré qu’il n’y en avait pas d’autres. La police fédérale avait toutefois estimé qu’il n’avait pas tout rendu et en conservait encore beaucoup dans son club à Palm Beach, où des agents du FBI ont saisi, le 8 août, une trentaine d’autres boîtes contenant 11.000 documents dont certains très sensibles sur l’Iran ou la Chine.

Gare aux secrets d’État

Pour dépolitiser le dossier, le ministre de la Justice Merrick Garland avait nommé en novembre un procureur spécial, Jack Smith, chargé de superviser l’enquête, ainsi qu’une autre sur le rôle de Donald Trump dans l’assaut du Capitole.

Un autre procureur spécial enquête en parallèle sur des documents classés confidentiels retrouvés en début d’année dans un ancien bureau et au domicile du président démocrate Joe Biden par ses avocats.

Ces trouvailles embarrassantes, ainsi que d’autres chez l’ex-vice-président Mike Pence, ont permis à Donald Trump de minimiser la gravité de sa conduite, même si Joe Biden a toujours coopéré avec la justice, restituant de son plein gré les documents, en nombre bien moindre.

Ce dossier est plus sérieux, sur le fond, que celui de New York. Et les déboires de Donald Trump ne s’arrêteront sans doute pas là. Une procureure de Géorgie devrait alors annoncer d’ici septembre le résultat de son enquête menée depuis des mois sur les pressions qu’il a exercées pour tenter de changer le résultat de la présidentielle de 2020.