Depuis que l’exécutif a actionné jeudi l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter ce texte sans vote, la colère ne retombe pas chez les opposants à la réforme, qui sont mobilisés depuis mi-janvier contre le passage de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite.
Dénonçant un “déni de démocratie”, des manifestants s’étaient de nouveau réunis samedi dans plusieurs villes de France, notamment à Paris où de brefs heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre pendant la soirée. Des incidents s’étaient déjà produits dans la capitale jeudi et vendredi soir sur l’immense place de la Concorde, près de l’Assemblée nationale, que les autorités ont, depuis, interdite aux manifestants.
Fragilisé par la contestation, le gouvernement mené par la Première ministre Elisabeth Borne a tenté dimanche de faire bloc à la veille d’une journée où il jouera sa survie. Deux motions de censure seront examinées lundi à l’Assemblée nationale, où le parti présidentiel Renaissance détient une majorité relative.
Dans le cas, arithmétiquement peu probable, où une de ces deux motions serait adoptée, le gouvernement serait démis et le projet sur les retraites repoussé.”Ce sera un moment de vérité. La réforme des retraites, vaut-elle oui ou non, la chute du gouvernement et le désordre politique ? La réponse est clairement “non” “, a certifié le ministre de l’Économie et poids lourd du gouvernement, Bruno Le Maire, dans le quotidien Le Parisien.
En première ligne sur le dossier des retraites, le ministre du Travail Olivier Dussopt a, lui, assuré ne pas croire à une union des oppositions de gauche, de droite et d’extrême droite autour d’une motion de censure.
“Il faudrait pour cela qu’elle rassemble une coalition des ‘contre’, des ‘anti’ pour obtenir une majorité très hétéroclite sans ligne politique commune”, a-t-il estimé dans les colonnes du Journal du dimanche, défendant de nouveau une réforme visant, selon lui, à sauver le “système de retraite”.
À gauche, l’opposition cherche, elle, à se projeter au-delà de lundi afin d’éviter une démobilisation en cas de rejet des motions de censure, qui serait synonyme d’adoption de la réforme.
“La lutte va continuer, quel que soit le résultat”, a assuré Jean-Luc Mélenchon, chef de file du parti de gauche radicale La France insoumise (LFI), sur la radio RTL. “Je ne dirai jamais qu’il faut arrêter la mobilisation, tant que la réforme à 64 ans est proposée, il faut continuer”, a-t-il insisté alors qu’un front syndical uni appelle à une neuvième journée d’action jeudi.
Quelle que soit l’issue de la procédure lundi, l’exécutif a déjà laissé des plumes dans cette crise.
Le chef de l’État Emmanuel Macron, qui joue son crédit et son deuxième mandat sur cette réforme, a vu sa cote de popularité s’écrouler en mars à 28 %, au plus bas depuis 2019, selon un sondage réalisé pourtant avant la décision d’actionner le 49-3, dont il est le véritable initiateur.
La patronne des députés du parti présidentiel Aurore Bergé a reconnu dimanche que ce passage en force a pu être mal vécu dans l’opinion et qu’il faudra “retisser le lien” avec les Français.
Signe des tensions, la permanence du chef du parti d’opposition de droite Les Républicains, Eric Ciotti, a été caillassée dans la nuit de samedi à dimanche à Nice (sud) pour le pousser à voter la motion de censure.
D’autres parlementaires pro-réforme ont également été pris pour cible, faisant craindre des actions violentes à leur encontre.
Sur le front social, plusieurs secteurs-clés de l’économie restent perturbés, notamment dans les transports, la collecte de déchets et l’approvisionnement en carburant.
La plus grande raffinerie du pays, située en Normandie (nord-ouest) et exploitée par TotalEnergies, a ainsi commencé à être mise à l’arrêt par des opposants et d’autres sites pourraient suivre ce mouvement inédit depuis le début de la mobilisation.