Depuis décembre dernier, le Parlement européen est ébranlé par le Qatargate, un scandale de corruption visant des députés européens et qui impliquerait le Qatar, mais aussi le Maroc. Une polémique qui s’inscrit en toile de fond de la crise sourde qui secoue les relations entre Rabat et Paris. Une guerre d’influence qui se joue en partie dans les couloirs du Parlement européen et qui devrait atteindre un nouveau palier de tensions avec le vote programmé ce jeudi 16 février par les eurodéputés sur une nouvelle résolution à l’encontre du royaume.
Dans cette nouvelle mesure, “le Parlement européen exprime toutefois à nouveau sa profonde inquiétude face aux allégations de corruption de la part des autorités marocaines. Le Parlement européen demande également la mise en œuvre des mêmes mesures à l’égard des représentants du Maroc”, peut-on lire dans le document de séance que nous avons pu consulter. Le Parlement européen y réaffirme “sa détermination à enquêter pleinement sur les cas de corruption impliquant des pays qui recherchent une prise d’influence au Parlement, et à prendre les mesures qui s’imposent à cet égard”.
En clair, les eurodéputés, sous proposition notamment du groupe Renew, souhaitent appliquer aux représentants du royaume l’alinéa 14 de la résolution 3012 votée le 15 décembre dernier, qui “demande instamment la suspension des titres d’accès des représentants d’intérêts qatariens, conformément à l’article 123 de son règlement intérieur, jusqu’à ce que les enquêtes judiciaires fournissent des informations et des éclaircissements pertinents”.
L’éclatement de cette affaire est intervenu après l’arrestation, le 9 décembre dernier, de l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri. Cette enquête avait été menée par les services de renseignement belges après des soupçons de corruption visant initialement le Maroc. L’enquête a été ensuite élargie au Qatar, soupçonné d’avoir lui aussi financé cet ancien élu européen.
En quelques jours seulement, quatre personnes ont été placées en détention préventive dans le cadre de cette enquête en décembre dernier. Parmi eux, l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, qui était l’une des vice-présidentes du Parlement européen (l’institution en compte 14) avant que l’affaire éclate. Les enquêteurs saisissent lors des perquisitions un million et demi d’euros en petites coupures.
Quelques jours plus tard, réunis à Strasbourg, les eurodéputés assommés retiraient illico sa fonction de vice-présidente à Eva Kaili et réclamaient des changements, notamment la suspension de l’accès du Qatar au Parlement le temps de l’enquête judiciaire et, à son issue, la création d’une commission d’enquête.
Mis en cause, l’émirat “rejette fermement” les accusations de corruption. Le Maroc, dont le nom est également cité, dénonce, lui, des “attaques médiatiques” injustifiées. Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita estime que “le partenariat entre le Maroc et l’UE fait face à des attaques médiatiques répétées et des attaques, notamment au sein du Parlement”.
Dans la foulée, ce même Parlement a adopté le 19 janvier une résolution sur “la situation des journalistes au Maroc, en particulier le cas d’Omar Radi”. En clair, que dit le texte de la résolution P9TA0014 ? Dans ses deux premiers articles, le texte affirme que les journalistes Omar Radi et Taoufik Bouachrine n’ont pas vu leurs droits respectés lors des procès à l’issue desquels ils ont été condamnés à des peines de prison ferme. Le texte accuse également les autorités marocaines d’avoir recours au logiciel Pegasus pour la “surveillance des journalistes” et réclame la libération du leader du Hirak du Rif, Nasser Zafzafi.
Une résolution qui a également été portée par le groupe Renew composée en partie de membres du parti présidentiel français, En Marche, qui a poussé le nouvel ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, à déclarer dans nos colonnes que “la résolution du Parlement européen n’engage aucunement la France”.