Migration irrégulière, aide de l’UE au Maroc, drame de Melilia : ce qu’il faut retenir des déclarations de Khalid Zerouali

En charge de la migration et de la surveillance des frontières au ministère de l’Intérieur, Khalid Zerouali Khalid est revenu sur les questions migratoires entre le Maroc et l’UE. Dans une longue interview avec l’agence espagnole EFE, le responsable sécuritaire parle de l’aide européenne, du drame de Melilia et la migration irrégulière. Voici les points marquants.

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Khalid Zerouali (à droite), avec le directeur de l'agence Frontex Fabrice Leggeri (à gauche). Crédit: Twitter

Une interview sans langue de bois, ou presque. L’aide de 500 millions d’euros sur sept ans accordée par l’UE au Maroc pour lutter contre la migration irrégulière “est en deçà” de ce que souhaite le pays royaume et ne couvre pas ses dépenses estimées à 427 millions par an.

Dans une interview accordée à l’agence de presse espagnole EFE, le wali directeur de la migration et de la surveillance des frontières au ministère de l’Intérieur, Khalid Zerouali, a eu l’occasion de revenir sur l’aide accordée par l’Union européenne afin de soutenir la lutte contre la migration irrégulière.

“Dans le cadre d’une bonne coopération, d’un bon voisinage et d’une responsabilité partagée, nous considérons que ce qui a été alloué est en deçà de ce que nous souhaitons”, a déclaré le wali.

En effet, les 300 millions d’euros d’appui financier et 200 millions d’euros supplémentaires d’appui technique accordés au Maroc pour la période 2021-2027 sont, insiste le gouverneur, “très en deçà de ce que nous dépensons, que l’on estime à 427 millions d’euros par an”.

“Nous ne monétisons pas la question de la migration”

Le gouverneur affirme que le Royaume ne fait pas de l’aide financière une condition au maintien de ses efforts en matière de migration : “L’Europe est un partenaire stratégique, nous ne monétisons pas la question de la migration. Nous sommes un État responsable, qu’il y ait de l’aide ou non, le Maroc continuera à faire ce qu’il a à faire”.

Interrogé sur l’épisode de Sebta en mai 2021, lorsque des milliers de personnes ont traversé la frontière avec l’enclave espagnole et sur la critique selon laquelle le Maroc utiliserait la migration comme une arme politique, Zerouali, qui est en charge de la gestion de la migration depuis 2003, nie que ce soit le cas.

“Le Maroc est un État responsable, il a toujours démontré sa disponibilité dans toutes les sphères régionales et internationales pour partager son expérience avec les pays amis”. Le Maroc “n’exploite rien pour des raisons politiques” et l’accuser de cela “est sans fondement”.

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Depuis la pandémie, la route migratoire en provenance des îles Canaries “a pris de l’ampleur” et une pression moindre s’est exercée sur les routes méditerranéennes, affirme Zerouali, qui confirme avec des chiffres opérationnels la baisse des arrivées en Espagne cette année.

Jusqu’en juillet, résume-t-il, les troupes marocaines ont avorté 40.600 tentatives d’émigration vers l’Europe — soit 11 % de plus qu’en 2021 —, secouru près de 7000 migrants qui tentaient de traverser par la mer et démantelé 124 réseaux de trafic de migrants.

“Cela montre des résultats concluants. Et le fait qu’il y ait eu une baisse des arrivées sur les côtes espagnoles ne signifie pas que la pression a baissé ici”, affirme-t-il.

Drame de Melilla : un “phénomène nouveau”. Qu’en pense le gouverneur ?

Face à la critique de l’action de la police le 24 juin lors du saut de près de 2000 migrants de la barrière frontalière de la ville espagnole de Melilla, au cours duquel au moins 23 personnes ont trouvé la mort, Zerouali défend les troupes marocaines ont selon lui agi conformément aux règles.

“Chaque fois qu’il y a un événement, il y a des leçons à tirer et parfois des choses à améliorer. Mais ce jour-là, les forces de l’ordre ont agi selon la doctrine du maintien de l’ordre, malgré le fait qu’elles étaient confrontées à des personnes endurcies ayant un passé militaire et à des personnes ayant participé et évolué dans des foyers de tension. Ce n’étaient pas des migrants comme ceux que nous avions l’habitude de voir”.

De ce fait, le responsable explique que ce saut était un “phénomène nouveau” d’une part par son volume, mais aussi par le “niveau de violence” des migrants, qui sont entrés sur le territoire marocain après avoir traversé la Libye et l’Algérie, avec qui les relations diplomatiques sont rompues depuis août 2021.

“Ce qui s’est passé à Melilla montre que les flux migratoires de l’Algérie vers le Maroc sont là. S’il n’y a pas de coopération sincère et de bonne foi entre les voisins, nous ne pourrons pas arrêter ces flux”, a-t-il déclaré.

Certains des migrants qui ont pris part au saut vivaient dans les forêts entourant Melilla, où les autorités marocaines ont effectué des descentes avant et après la tentative et ont envoyé les personnes arrêtées dans des villes éloignées, dans le cadre de la politique habituelle du pays consistant à les tenir éloignés des frontières européennes.

“Nous avons beaucoup de migrants irréguliers dans le pays qui vivent dans différents quartiers et qui travaillent. S’ils sont respectueux de la loi, nous ne sommes pas inquiets, mais quelqu’un qui regroupe des migrants dans la forêt, nous ne le permettrons pas”, déclare le wali, avant de rappeler que le Maroc n’autorisera pas les migrants dans les forêts, notamment “car ils sont exposés à toutes sortes de dangers” liés aux réseaux de trafic de migrants.

Rapatriement des mineurs non accompagnés : “Le Maroc réitère sa volonté d’accueillir ses enfants”

Enfin, interrogé sur le rapatriement des mineurs marocains non accompagnés en Europe, Zerouali a assuré que le pays “dispose de services de protection de l’enfance et de centres d’accueil” et peut garantir la réintégration de ces enfants dans leur famille.

“Nous avons traité cette question avec beaucoup de courage et de transparence, nous avons envoyé des équipes en France, en Espagne et dans d’autres pays pour identifier les mineurs. Je peux vous assurer que le Maroc réitère sa volonté d’accueillir ses enfants, mais le problème se situe dans les pays européens, où les lois et règlements rendent ces rapatriements un peu compliqués”, conclut le gouverneur.

(avec EFE)