Le Maroc va (enfin) appliquer la convention visant à lutter contre la prolifération des chiens errants

Le Conseil national de l’Ordre national des vétérinaires au Maroc a annoncé, le 26 août, sa coopération effective avec les ministères de l’Intérieur et de la Santé afin de réguler la population canine.

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Des chiens errants à Dar Bouazza. Crédit: DR

Après le drame de Dakhla, où une touriste française est décédée le 16 août des suites de blessures causées par une meute de chiens errants, l’Ordre national des vétérinaires au Maroc (OVM) annonce le lancement de l’opération de stérilisation des chiens errants. Celle-ci a débuté le jeudi 26 août à Oujda et s’étendra par la suite à Rabat, Agadir et Marrakech, apprend-on du directeur de l’OVM, Badre Tnacheri Ouazzani, interrogé par TelQuel.

Dans un communiqué publié le 25 août, le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires au Maroc (OVM) salue les efforts fournis par le ministère de l’Intérieur en vue de lutter contre le phénomène des chiens errants dans toutes les régions du royaume, et annonce sa contribution.

L’OVM va augmenter son effectif à plus de 2000 vétérinaires provenant du secteur privé, et y associe des professeurs chercheurs de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Des professionnels qui seront mis à la disposition des autorités pour bénéficier de leur expérience et de leurs connaissances scientifiques du sujet afin de lutter efficacement contre la prolifération de chiens errants.

Une volonté de coopérer avec les autorités locales et tout acteur de la société civile intéressé par la lutte contre ce phénomène, qui s’inscrit dans le cadre du concept “One Health” qui lie écologie, médecine humaine et vétérinaire.

La fin des abattages ?

Le communiqué rappelle, dans ce sens, la signature en 2019 d’une convention quadripartite entre le ministère de la Santé et de la Protection sociale, le ministère de l’Intérieur, le Conseil national des médecins vétérinaires et l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) pour l’application du TNVR.

Le TNVR, acronyme de Trap, Neuter, Vaccinate, Return (capturer, stériliser, vacciner, relâcher) est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), et a fait ses preuves dans différents pays. En 2020, dans un article sur l’inutilité des abattages dans la régulation de la population canine, le vétérinaire Yassine Jamali assurait à TelQuel que “le TNVR avait parfaitement fonctionné dans des villes indiennes par exemple : réduction du nombre de morsures et réduction voire éradication de la rage. Toutes les autres approches ont échoué, sans exception.”

Les associations militent depuis des années pour mettre fin à l’abattage des chiens errants, une pratique aussi cruelle qu’inefficace pour réguler la population canine.Crédit: Association Espoir des 4'pattes

L’entrée en vigueur du TNVR a été retardée par “la pandémie qui a mobilisé les ressources humaines et surtout financières pendant deux ans, ce qui a retardé la construction des refuges par les collectivités territoriales selon les normes qui respectent le bien-être animal”, explique Badre Tnacheri Ouazzani.

Avant la signature du TNVR, le traitement des chiens errants “se faisait à travers des actions individuelles au quotidien dans les cabinets vétérinaires en corrélation avec des citoyens bénévoles”, indique le directeur de l’OVM à TelQuel.D’autres méthodes empiriques ont été utilisées dans ce sens par l’autorité locale, à savoir l’utilisation d’appâts empoisonnés, ou l’abattage à l’arme”, ajoute-t-il.

Ces méthodes ont rapidement montré leurs limites, d’où le recours à des méthodes plus efficientes et respectueuses à l’égard de l’animal et l’environnement, telles que le TNVR.

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La toute première expérience de TNVR de grande ampleur, au Maroc, avait été menée à Agadir par l’association Le cœur sur la patte, dès 2016 en coordination avec la ville. La mission avait duré deux ans et avait permis d’appliquer le TNVR à plus de 1500 chiens.

Les chiens traités sont distingués des autres par une boucle à l’oreille, et peuvent regagner leur territoire. Une manière efficace de lutter contre la reproduction des chiens errants, et d’écarter tout danger sanitaire pour les citoyens et les autres animaux.


Les recommandations de l’Ordre national des vétérinaires

  • La limitation des naissances par la stérilisation. Celle-ci, en plus d’impacter les naissances, va aussi empêcher l’agressivité des animaux (défense du territoire, hiérarchie…) ;
  • La restitution, après la stérilisation, des chiens à leur place initiale pour éviter que le vide laissé ne fasse appel à de nouveaux occupants et ne donne l’alerte “biologique” de se reproduire encore plus à ceux non encore stérilisés ainsi que pour conserver une bonne entente entre les individus du groupe déjà constitué ;
  • La prise en charge des décharges publiques qui fournissent la nourriture aux chiens errants, l’assainissement des villes et villages par une bonne gestion des déchets ménagers, ainsi que la propreté des alentours d’abattoirs qui constitue un élément tout aussi crucial dans la lutte contre les animaux errants, car une abondance de nourriture donne également un signal qui stimule la reproduction ;
  • L’adoption de mesures législatives telles que la loi du bien-être animal (identification et vaccination des animaux à propriétaires) permettrait la responsabilisation des propriétaires en limitant les abandons et l’errance. La réglementation des élevages d’animaux de compagnie par l’octroi de licences d’éleveurs devrait aussi être envisagée.