Capital-risque en Afrique : le Maroc, nouvelle frontière de l'innovation ?

Le capital-risque africain poursuit son expansion, avec un marché multiplié par dix en une décennie. Alors que le Nigeria, l'Afrique du Sud, le Kenya et l'Égypte dominent encore le paysage, le Maroc émerge comme un acteur incontournable. Quels sont les atouts et les défis du royaume pour s'imposer dans cet écosystème en mutation ?

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Le dernier rapport de Partech Africa met en lumière une croissance structurelle du capital-risque sur le continent, au-delà des fluctuations conjoncturelles. Entre 2014 et 2024, la valeur du marché a décuplé, atteignant 2,2 milliards de dollars investis en 2024, un montant stable par rapport à l’année précédente.

Malgré cette expansion, certaines tendances interrogent. Si les transactions Seed dominent (70 % des opérations), seules 5 % des startups accèdent à la série A, un taux bien inférieur à celui observé en Europe ou aux États-Unis. Par ailleurs, les exigences des institutions de financement du développement (DFI) semblent parfois déconnectées des besoins réels du marché, rendant nécessaire une adaptation des modèles de financement.

Côté secteurs, la fintech reste le moteur principal du capital-risque africain, captant plus de 60 % des investissements en 2024. Bien que des segments comme la clean mobility ou les technologies climatiques émergent, les grandes opérations restent concentrées sur la fintech car une infrastructure financière solide débloque d’autres secteurs.

Le Maroc : un écosystème en plein essor

Longtemps resté en retrait, le Maroc affiche une montée en puissance impressionnante. De 7 millions de dollars levés en 2019, les investissements en capital-risque ont bondi à 82 millions en 2024, propulsant le pays parmi les écosystèmes à fort potentiel, aux côtés du Ghana et de la Tanzanie.

Avec 36 % du financement total en Afrique francophone et 75 % des fonds levés en Afrique du Nord, le royaume attire un nombre croissant d’investisseurs, passés de 27 à 42 en un an. L’accroissement du nombre de fonds locaux, aujourd’hui plus d’une dizaine contre seulement 2 ou 3 il y a moins d’une décennie, témoigne également d’une dynamique soutenue, portée par les initiatives publiques comme celles de Tamwilcom.

Des obstacles à lever pour confirmer l’essor

Malgré ces avancées, le marché marocain reste confronté à plusieurs freins. La taille relativement réduite du marché domestique et une intégration régionale limitée constituent des contraintes majeures. Le secteur de la fintech, en particulier, doit faire face à des obstacles réglementaires, dans un contexte où le taux de bancarisation oscille entre 50 et 60 %.

Un autre enjeu clé est l’absence d’opportunités de sortie pour les fonds de capital-risque. Contrairement à d’autres écosystèmes où les banques et les entreprises jouent un rôle actif dans l’absorption des startups, le Maroc manque encore de relais solides pour accompagner la maturité de ces jeunes pousses.

Vers une consolidation en 2025 ?

L’année 2025 pourrait marquer une nouvelle étape pour le capital-risque marocain, avec une internationalisation croissante et l’essor de nouveaux fonds, notamment via l’initiative du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement.

Pour s’imposer durablement, le Maroc devra renforcer son cadre réglementaire, favoriser l’innovation et encourager l’intégration régionale. En levant ces obstacles, le royaume pourrait s’affirmer comme une véritable plaque tournante du capital-risque en Afrique et jouer un rôle clé dans le financement de l’innovation sur le continent.

Fatima Zahra Bennani experte de l’investissement en Afrique du Nord

Bio Express

Fatima Zahra Bennani est une experte de l’investissement en Afrique du Nord, actuellement Principal en Investissement chez Sawari Ventures à Casablanca. Avant de rejoindre ce fonds basé en Égypte, qui soutient des startups innovantes dans plusieurs secteurs (fintech, edtech, deeptech, biotech), elle a contribué au lancement de 212Founders au Maroc en 2019, où elle a géré chez CDGinvest plus de 15 investissements seed et facilité la progression de plusieurs startups vers des financements de Série A. Elle a également participé à l’exit de Kifal vers la société nigériane Autocheck en 2022.