Le Boualem, feu son pouvoir d'achat, et le silence du Chef du gouvernement

Par Réda Allali

Le Boualem est formel, nous vivons une période pleine d’angoisse. Commençons par la planète : l’impression générale est que tout peut très mal tourner, très vite. Inutile d’insister sur les conflits en cours, on les connaît. La nouveauté, c’est qu’il est devenu évident que seule compte désormais la loi du plus fort, exprimée dans sa plus brutale nudité. Certes, les plus lucides d’entre nous expliqueront que c’est ainsi depuis toujours, et que seuls les benêts comme l’auteur de ces pages ont un jour pensé le contraire. Ils ont sans doute raison.

Mais le Guercifi ne peut se retenir de penser que le niveau de cynisme ambiant a explosé. Les puissants ne se sentent plus obligés de mettre les formes pour imposer leur volonté, voilà le progrès, et merci. Un peu partout, les démagogues nationalistes prennent le pouvoir, et tout le monde est très énervé. L’idée commune, sans doute naïve elle aussi, qui voudrait que l’histoire soit une sorte de courbe croissante, tendant naturellement vers le progrès humain, est désormais ridicule. Au contraire, le progrès technique, incontestable lui, rend la stagnation morale de l’humain encore plus dangereuse.

Face à cette sinistrose, il fut un temps où les réseaux sociaux semblaient capables de proposer un espace d’expression, peut-être même un contre-pouvoir. Mais, aujourd’hui, l’ambiance y est toxique. La plupart des comptes, et des robots qui s’y expriment, le font pour empêcher ceux qui leur déplaisent de le faire, tel est le sinistre paradoxe. Cet outil puissant est devenu le terrain de chasse des meutes fascistes, on ne sait trop pourquoi.

“On a beau nous annoncer des Coupes du Monde, d’Afrique, et quatre stades pour la seule ville de Rabat, le Guercifi a du mal à festoyer. La faute, sans doute, à la disparition de feu son pouvoir d’achat”

Réda Allali

Chez nous aussi, l’ambiance est lourde. On a beau nous annoncer des Coupes du Monde, d’Afrique, et quatre stades de football pour la seule ville de Rabat, le Guercifi a du mal à festoyer. Il se demande même s’il va pouvoir tenir jusqu’à ces glorieuses échéances. La faute, sans doute, à la disparition de feu son pouvoir d’achat. Le regretté a mis les voiles progressivement, tel un coyote, puisque personne ne l’a retenu, et voilà que le Boualem se retrouve, malgré son grand âge et son statut de banquier, à calculer ses moindres dépenses.

Ne comptez pas sur lui pour vous expliquer comment on en est arrivés là, il est nul en économie le pauvre. Il paraît que sont impliqués dans ce drame le Covid, la sécheresse, la guerre en Ukraine et d’autres facteurs surnaturels. C’est très possible, même si le nombre absurde de véhicules qui traînent dans nos rues et qui coûtent le prix d’un appartement ou deux semble mettre un peu de nuance dans cette analyse primaire.

Le silence de notre Chef de gouvernement est abyssal. C’est simple : on ne sait rien de ce qu’il pense, on se demande même s’il vit avec nous, le pauvre. Et le Boualem ne s’est jamais senti autant livré à lui-même, à ses angoisses et aux marchands

Réda Allali

Le résultat, c’est cette torpeur dans laquelle les Marocains ont plongé, collectivement. Elle est toutefois surpassée, en termes de profondeur, par le silence de notre Chef de gouvernement, qui est abyssal, lui. C’est simple : on ne sait rien de ce qu’il pense, on se demande même s’il vit avec nous, le pauvre.

Le Boualem, pourtant, est plutôt facile à gérer, comme ses compatriotes. Un peu de considération, quelques mots de réconfort, une ou deux promesses, et il se retrouverait regonflé à bloc, au moins pendant quelques semaines. Mais, allez savoir pourquoi, personne n’a estimé qu’il méritait ce type d’égards. Qu’il se débrouille, après tout, ou qu’il fasse comme tout le monde, qu’il décampe et qu’il demande sa nationalité, comme ils disent quand ils parlent d’une nationalité qui, justement, n’est pas la leur. Bref, le Boualem ne s’est jamais senti autant livré à lui-même, défendu par personne, livré aux marchands et à ses angoisses. Hamdoullah, le ramadan arrive, et avec lui un authentique espoir mystique, et merci !

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