CAN 2025 : Rabat d’abord, le Maroc ensuite

Par Yassine Majdi

Le Maroc est un pays plein de surprises. C’est ce qu’ont dû se dire les dirigeants de la Confédération africaine de football en débarquant à Rabat pour le tirage au sort de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, qui se tiendra dans notre pays en fin d’année. Ou plutôt, dans une partie de celui-ci. Car la surprise du chef nous est venue des organisateurs eux-mêmes : la capitale accueillera des matchs dans pas moins de quatre stades ainsi que l’essentiel des rencontres. Une décision annoncée le jour du tirage au sort et qui, sur le papier, semble pragmatique. Tout en soulevant des questions de fond sur la vision du football marocain et son rapport à l’Afrique.

“Rabat accueillera l’essentiel des rencontres de la CAN 2025, quand Casablanca, la plus grande ville du royaume et le cœur battant de la culture footballistique marocaine, se voit reléguée en seconde division”

Yassine Majdi

Cette CAN interroge quant à son côté inclusif. Il ne s’agit plus d’une compétition organisée au Maroc, mais à Rabat. On peut comprendre la démarche. Les enceintes en question sont de petite taille et donc adaptées à une CAN qui peine à remplir les gradins (en dehors des matchs de l’équipe hôte). Mais qu’en est-il de Casablanca, la plus grande ville du royaume et le cœur battant de la culture footballistique marocaine, qui se voit reléguée en seconde division ? Elle n’accueillera que des rencontres de faible intensité du premier tour et le match symbolique pour la troisième place.

On frise l’aberration pour une ville qui abrite les deux clubs les plus populaires du pays et dont les supporters ont contribué au rayonnement du football marocain à l’étranger. Le football marocain c’est aussi Tanger, Marrakech ou Agadir, qui auraient mérité une place plus importante dans les plans de la FRMF. Dommage aussi pour les fans de l’équipe nationale qui seront contraints de se rendre à Rabat pour voir jouer les Lions de l’Atlas. Nos dirigeants ont raté une belle occasion de fédérer tout un pays.

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Sur le plan financier, les interrogations sont tout aussi légitimes. Le Maroc va débloquer un budget important, et imprévu, pour mettre à niveau trois nouveaux stades à Rabat, sans compter les frais supplémentaires liés à ces nouvelles charges. À un moment où le pays enchaîne les projets structurants et se prépare à accueillir un événement d’ampleur planétaire avec le Mondial 2030, de telles dépenses ont des allures de lubies. On peut légitimement se demander si ces investissements sont prioritaires, et ce, même s’ils contribuent au soft power marocain en Afrique.

Justement, parlons du soft power. La communication autour de cette CAN laisse perplexe. La cérémonie de tirage au sort a donné l’impression d’un événement monté à la hâte et lors duquel le Maroc a été honoré et non pas l’Afrique. Pourtant, notre diplomatie et notre communication ont tout fait ces dernières années pour démontrer que le royaume était pleinement africain. Cette CAN était l’occasion de renforcer ce message, mais force est de constater que l’esprit continental de la compétition semble déjà biaisé.

“Cette CAN 2025 risque de se transformer en une compétition centrée sur Rabat au détriment du reste du pays”

Yassine Majdi

La cérémonie d’ouverture est encore loin. L’heure est à la préparation pour faire de cette CAN une expérience mémorable pour les visiteurs venus du continent (ainsi que leur diaspora européenne). Il s’agira notamment de recruter les bénévoles (qui font le sel et l’expérience d’une compétition) tout en leur offrant les meilleures motivations possibles pour faire ce travail difficile, mais essentiel, pour l’organisation de cette grand-messe du football. Il s’agira aussi d’améliorer la signalétique (dans toutes les langues officielles du continent) pour justement ne pas faire de cette compétition une affaire folklorique.

Mais les faits sont là. Cette CAN 2025, qui devait être la vitrine d’un Maroc moderne et inclusif, risque de se transformer en une compétition centrée sur Rabat, au détriment du reste du pays. Une compétition où la générosité envers les autres équipes pourrait se retourner contre nous. Une compétition où les dépenses semblent disproportionnées par rapport aux enjeux réels. En somme, une CAN qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

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