Contre vents et marées

Par Yassine Majdi

C’est un homme compétent, intègre et ayant l’intérêt public chevillé au corps qui a été remercié sans ménagement par Aziz Akhannouch, en fin de semaine dernière. Après 19 ans de bons et loyaux services, Abdelaziz Adnane n’est plus directeur général de la CNOPS. Nommé à la tête de l’organisme en 2005 par le gouvernement de Driss Jettou, il avait pour mission de faire de la Caisse un organe fonctionnel , aux services de ses assurés. Il devait aussi en préserver les équilibres financiers pour assurer sa pérennité. Une mission qu’il a accomplie quitte à rentrer en confrontation avec des intérêts et des lobbies bien établis.

“Abdelaziz Adnane a accompli sa mission quitte à rentrer en confrontation avec des intérêts et des lobbies bien établis”

Yassine Majdi

Abdelaziz Adnane a mené une longue bataille contre la cherté des médicaments et des dispositifs médicaux. Le rapport parlementaire sur les prix du médicament de 2009, qui continue de faire référence, doit beaucoup à sa contribution ainsi qu’à celle de ses équipes. Il n’a depuis cessé de dénoncer, chiffres à l’appui, les marges indécentes et les aberrations constatées dans la gestion du prix du médicament. L’équilibre de la CNOPS, et plus généralement de l’AMO, en dépendait. Sans surprise, cette attitude lui a valu la rancœur de nombreux fabricants et importateurs de médicaments et de leurs relais au sein des différents gouvernements qui se sont succédé depuis.

La position de la CNOPS sur la révision de la tarification nationale de référence (ou TNR, index qui fixe le tarif de remboursement des prestations médicales au Maroc) a été un autre jalon dans son souci de préserver les équilibres de l’AMO. L’homme a pesé de tout son poids pour bloquer des révisions qu’il jugeait déséquilibrées et contraire à l’intérêt à moyen terme des citoyens. Quitte à subir les foudres de certains professionnels de la santé et de membres du gouvernement.

Pas de pérennité de l’AMO sans rationalisation des dépenses et préservation des équilibres à moyen et long termes. Cette conviction qu’il défendait sur tous les fronts s’est heurtée à une politique court-termiste de gouvernements qui voulaient se targuer de résultats immédiats, quitte à rejeter la faute sur leurs successeurs. Ces derniers ayant la tâche de résoudre les problèmes qui ne manqueraient pas de surgir.

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Un autre de ses combats, et pas des moindres, a été d’éviter que les syndicats, présents dans son conseil d’administration, ne mettent la main sur la gestion de la caisse. Les enjeux financiers étaient trop importants et l’expérience d’autres organismes lui donnait raison. Sa position lui vaudra l’inimitié de certains d’entre eux. L’homme n’a jamais cherché à faire la Une des médias. Ses messages, il tentait de les faire passer aux responsables gouvernementaux par les canaux normaux, dans la plus grande discrétion. Devant la passivité de certains d’entre eux, il lui est arrivé de tirer la sonnette d’alarme auprès d’institutions constitutionnelles comme le Conseil de la concurrence, Le CESE ou la Cour des comptes.

Tous ces combats avaient un point commun: l’intérêt public. Abdelaziz Adnane a dépassé l’âge de la retraite depuis plusieurs années, son départ est donc logique aux yeux de la loi. Mais la manière dont il a été évincé est un message négatif envoyé aux hauts fonctionnaires : même en étant compétent, intègre et en ayant consacré une bonne partie de votre vie aux intérêts des citoyens, vous pouvez être débarqué du jour au lendemain, sans aucune considération. Sans un mot de remerciement. Une triste réalité. À TelQuel, au fil des années, pour nos articles et dossiers, nous avons eu la chance d’échanger avec un homme ouvert à la discussion et au débat, un responsable au service de l’intérêt du citoyen. Une rareté de nos jours.

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