La pastèque n’est d’ailleurs pas une culture gourmande en eau au sens strict. Pour donner des rendements suffisants, un cycle de culture aura besoin de 3500 mètres cubes par hectare, à comparer avec les 5000 m3 pour la pomme de terre ou l’oignon. Dans certaines régions comme le Gharb, elle peut même être cultivée sans irrigation.
Ceci étant dit, cultiver de la pastèque à Zagora, sur du sable (donc un sol qui retient mal l’eau) et sous 40 degrés, n’est pas un moyen de protéger la ressource en eau, loin de là. Pire, lorsque la pastèque est irriguée sur des milliers d’hectares, cela met une pression insoutenable sur les nappes phréatiques.
Mais interdire la pastèque ne permettra pas d’atteindre l’économie d’eau dans ces régions désertiques. Pourquoi ? Tout simplement parce que les surfaces destinées à la pastèque sont souvent reconverties après interdiction vers d’autres cultures, comme la pomme de terre qui a des besoins plus élevés en eau.
“Le problème n’est pas la culture de la pastèque en soi mais l’extension de l’irrigation en zones désertiques grâce à de généreuses subventions publiques”
Le problème n’est donc pas la culture de la pastèque en soi mais l’extension de l’irrigation en zones désertiques grâce à de généreuses subventions publiques pour exploiter les eaux souterraines.
Le palmier dattier par exemple, plus problématique que la pastèque en zones arides, a progressé de 12.000 hectares sur les 10 dernières années. Il faut préciser que le palmier dattier a des besoins en eau de l’ordre de 15.000 mètres cubes, autant que l’avocatier.
Les projets de monocultures de dattiers, parfois sur des milliers d’hectares, sont en général portés par des fonds d’investissement internationaux, et incarnent l’extractivisme : des eaux fossiles pour une valeur ajoutée qui finit sur des comptes émiratis ou allemands.
Vous l’avez compris, plutôt qu’une interdiction limitée à la pastèque, nous devons réguler et tarifer les prélèvements d’eau, à commencer par ceux des grandes plantations industrielles.
Nous devons aussi abandonner ce vieux mythe de « verdir le désert », impossible sans destruction environnementale, et nous occuper plutôt à maintenir vert ce qui l’était déjà : nos oasis désormais en piteux état. Les oasis représentent une forme d’aboutissement de l’agroécologie avec plusieurs strates végétales optimisant l’eau : palmiers, oliviers, amandiers, céréales, légumineuses…
Leur réhabilitation peut créer des opportunités économiques durables pour sortir de la dépendance aux eaux fossiles et souterraines. Bien que techniquement complexe, le Maroc a les ressources humaines et financières pour y parvenir. Reste la volonté politique ?
Mohamed Ali Hatimy est ingénieur agronome, co-fondateur du média marocain Nechfate, plateforme qui rassemble et partage les principales informations sur le changement climatique au Maroc.