Le Boualem, depuis un an, suit avec la plus grande rigueur l’actualité du Proche-Orient, car le bougre est convaincu que c’est l’avenir de la planète qui s’y joue. Cette attitude, vous vous en doutez, l’a mis en contact avec une masse d’images affreuses et de propos infâmes, dans un long voyage au bout de la nuit…
Mais c’est justement quand on croit avoir tout vu que cette ère sinistre vous prend par surprise et vous propose une nouvelle ignominie. Elle s’est donc présentée, cette semaine, sous la forme d’une vidéo authentifiée qui montre un jeune Palestinien, perfusé, brûlé vif dans une tente qui servait d’hôpital de fortune. Le Guercifi pensait, dans un élan de naïveté incompréhensible, que le monde libre allait pleurer cette catastrophe, tancer les responsables, au moins pour la forme. Rien du tout, walou, nada, le grand tam. Eux qui ont versé des larmes abondantes sur la fable des bébés fantômes et des fours imaginaires sont incapables de faire semblant de s’inquiéter du sort d’un jeune homme qui grille devant leurs yeux.
Le Guercifi pensait, dans un élan de naïveté incompréhensible, que le monde libre allait pleurer cette catastrophe, ou du moins faire semblant de s’inquiéter du sort d’un jeune homme qui grille devant leurs yeux
Ce n’est pas surprenant, en fait, car l’État fasciste s’est déjà tout permis sans que les héros de l’Empire ne s’en émeuvent. Oui, nous avons vu le porte-parole de l’armée la plus morale du monde nous faire passer un calendrier pour une liste de terroristes, puis sortir les yeux devant les journalistes apeurés, nous avons vu ses soldats piller les maisons palestiniennes en toute décontraction, violer l’intimité des familles et danser de joie devant cette désolation. Nous avons aussi appris qu’il était parfaitement possible, pour cet État, de rafler qui il voulait sans motif, sans procès, sans avocat et sans limite, et ce sans que les grands juristes qui se succèdent sur les plateaux du monde libre ne trouvent cette pratique barbare.
Au contraire, nous avons vu un improbable attelage d’acteurs, de chanteurs, de cinéastes et de comiques se succéder sur les chaînes françaises pour frapper, tels des inquisiteurs, tous les esprits clairs de l’accusation d’antisémitisme dans leur grande inversion victimaire classique. Nous avons entendu leur grand leader menacer tout le monde, en vertu de son statut de digne représentant du peuple des lumières, en lutte contre les enfants des ténèbres, sans que cette dialectique ne soit jugée extrémiste par les grands chroniqueurs officiels de Babylone.
Car il faut bien comprendre que les extrémistes, les barbares, c’est nous, toujours. Ceux qui en doutent peuvent se plonger un instant dans la littérature coloniale, elle est abondante hamdoullah. Les militaires français qui arpentaient notre paisible contrée il y a un siècle décrivaient les Marocains qui leur résistaient comme des “fanatiques” ou des “xénophobes”, incapables qu’ils étaient de comprendre qu’à la base de ce courroux légitime, il y avait leur présence insupportable. Après tout cela, il ne faut pas s’étonner qu’un massacre d’enfants, lorsqu’il est organisé par une démocratie, soit jugé acceptable par ses pairs.
Et, puisqu’on en est là, le Boualem voudrait bien qu’on s’arrête un instant sur ce concept de démocratie qu’ils aiment bien invoquer. Certes, il y a le vote, les droits des minorités, l’obligation de rendre des comptes, tout cela est très important. Mais pour mériter cette étiquette démocratique, ce qu’il faudrait, c’est placer en tête des critères celui de ne bombarder personne, par exemple. C’est juste une proposition, hein… Oui, étrangement, avec cette simple condition, certaines grandes nations pourraient bien perdre leur statut, et merci.