Répondre aux besoins du marché : un impératif pour les établissements de l’enseignement supérieur

Face aux mutations rapides du marché du travail, les établissements d’enseignement supérieur se réinventent en diversifiant leurs formations et en renforçant les partenariats avec les entreprises pour garantir l’adéquation entre l’offre éducative et les besoins des stratégiques.

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Afin de répondre aux besoins évolutifs du marché du travail, les établissements d’enseignement supérieur ont considérablement diversifié leur offre de formation. Crédit: MARSSAD

Le Maroc se trouve confronté à un paradoxe : malgré la mise en place de plusieurs stratégies industrielles ces dernières années, le taux de chômage continue de croître. Cette situation soulève des interrogations quant à la capacité des établissements d’enseignement supérieur à former des profils véritablement adaptés aux exigences du marché de l’emploi, en particulier dans des secteurs de pointe comme l’automobile, l’aéronautique, les énergies renouvelables et les nouvelles technologies.

Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation se doit ainsi de promouvoir des formations en adéquation avec les besoins réels du marché, tandis que les établissements privés d’enseignement supérieur doivent, eux aussi, s’adapter et répondre à ces attentes.

L’indispensable PPP

Cette prise de conscience est partagée par de nombreux acteurs. Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, l’a d’ailleurs souligné en affirmant que “le renforcement du partenariat entre les établissements de l’enseignement supérieur et les opérateurs privés n’est plus une option, mais une nécessité incontournable”.

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C’est dans ce cadre que son département a mis en œuvre une politique “volontariste” qui “favorise l’émergence d’un écosystème d’innovation dynamique et renforce les compétences et les connaissances dans les secteurs de pointe”.

Selon le ministre, plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour soutenir cette démarche, notamment en établissant un cadre réglementaire attractif pour encourager les partenariats public-privé (PPP) dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Ce cadre est complété par le développement de programmes de formation conçus pour répondre aux besoins spécifiques du marché, à travers “la co-construction des filières de formation et l’institutionnalisation de la formation par alternance, érigée en pilier essentiel pour améliorer l’employabilité du capital humain et faciliter son insertion professionnelle”.

Ces actions sont également soutenues par “la promotion à grande échelle de la collaboration université-entreprise dans le domaine de la recherche scientifique et de l’innovation”. Cela inclut “le cofinancement de projets communs, la création de chaires universitaires en partenariat avec des entreprises, ainsi que la mise en place d’incubateurs et d’accélérateurs pour favoriser l’émergence de start-ups innovantes à fort potentiel de croissance”, précise Abdellatif Miraoui.

Des formations adaptées au marché

“Le ministère, en collaboration avec le secteur de l’emploi, développe une plateforme digitale d’informations sur le marché du travail, basée sur le big data et l’intelligence artificielle (MARSSAD), pour suivre les évolutions du marché”

Abdellatif Miraoui

L’une des priorités des établissements d’enseignement supérieur, qu’ils soient publics ou privés, est donc d’assurer que leurs formations répondent aux exigences du marché du travail. Abdellatif Miraoui met en avant l’importance d’anticiper ces besoins : “Le ministère, en collaboration avec le secteur de l’emploi, développe une plateforme digitale d’informations sur le marché du travail, basée sur le big data et l’intelligence artificielle (MARSSAD), pour suivre les évolutions du marché”.

Ce système permet de prévoir les mutations du marché de l’emploi et d’adapter les formations en conséquence. L’objectif de ces initiatives est double : garantir que les étudiants soient immédiatement opérationnels à leur entrée dans le monde professionnel, tout en offrant aux entreprises un vivier de talents formés selon leurs besoins spécifiques.

Ces efforts sont particulièrement visibles dans des secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique et les énergies renouvelables, où la demande en compétences techniques spécialisées est élevée, souligne le ministre.

Les écoles et universités ont également mis en place des collaborations étroites avec les entreprises pour tailler leurs programmes de formation sur mesure. Cela passe notamment par la co-construction des filières de formation, avec une participation active des entreprises dans l’élaboration des programmes.

À l’Université Internationale de Rabat (UIR), par exemple, les cursus d’ingénierie sont développés en étroite concertation avec des partenaires industriels nationaux et internationaux. Ces entreprises participent à la formation des étudiants à travers des stages et des projets, assurant ainsi une meilleure adéquation entre les compétences acquises et les besoins réels du marché, explique Abdelaziz Benjouad, vice-président à la Recherche et développement de l’UIR.

Rabat Business School (RBS) adopte une approche similaire dans la conception de ces programmes, en formation initiale comme continue, avec des spécialisations en finance. “Nos programmes sont conçus en étroite collaboration avec des entreprises marocaines et internationales de premier plan dans le domaine de la finance, comme Capgemini, CDG Capital et l’Association Marocaine des Consolideurs Financiers (AMCF)”, explique Nicolas Arnaud, directeur général de RBS.

Diversification des programmes

“Les écoles d’ingénierie de l’UIR forment chaque année des ingénieurs prêts à intégrer les secteurs du pays en plein essor comme l’aéronautique et l’automobile”, souligne Abdelaziz Benjouad

Afin de répondre aux besoins évolutifs du marché du travail, les établissements d’enseignement supérieur ont considérablement diversifié leur offre de formation, touchant ainsi des secteurs stratégiques en constante mutation.

L’UIR s’est, par exemple, engagée à accompagner les grands projets structurants du Maroc en proposant des programmes de formation et de recherche adaptés aux nouveaux secteurs industriels. “Les écoles d’ingénierie de l’UIR, telles que l’École supérieure de l’ingénierie de l’énergie (ECINE), l’École d’Aéronautique et d’Automobile (SAAE) et l’École supérieure d’informatique et du numérique, proposent des cursus diversifiés et forment chaque année des ingénieurs prêts à intégrer les secteurs en plein essor du pays, comme l’aéronautique et l’automobile”, souligne Abdelaziz Benjouad.

L’identification des besoins en formation se base, selon notre interlocuteur, sur les priorités des départements ministériels, mais aussi sur des études prospectives des tendances mondiales.

De son côté, RBS a compris la nécessité de diversifier ses cursus pour répondre aux attentes et aux besoins évolutifs des opérateurs financiers.

Aspirant à devenir la référence des Business schools en Afrique, RBS propose des programmes généralistes, tels que l’IPM (International Program in Management), l’ITB (International Triple Bachelor) et le PGE (Programme Grande École), dispensés principalement en anglais, et incluant des spécialisations pointues en finance, secteur transversal clé.

“Notre mission est de former des leaders responsables et multiculturels, capables d’évoluer dans un environnement global”, explique Nicolas Arnaud, directeur général de RBS, ajoutant que l’école est classée 54e par le Financial Times, ce qui en fait la seule business school de la région MENA dans ce classement.

Focus sur des secteurs stratégiques

“Grâce à l’implication de ses écoles et laboratoires, l’UM6P s’est affirmée comme un acteur majeur dans les énergies renouvelables et la Green Tech”, affirme Adeline Carton, responsable des Affaires académiques de l’UM6P

D’autres établissements ont choisi de se spécialiser dans des domaines de pointe en adéquation avec les priorités stratégiques du royaume. L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) est un exemple significatif dans ce domaine. “Grâce à l’implication de ses écoles et laboratoires, l’UM6P s’est affirmée comme un acteur majeur dans les énergies renouvelables et la Green Tech”, affirme Adeline Carton, responsable des Affaires académiques de l’UM6P.

L’université propose un large éventail de formations spécialisées, comme le Master en ingénierie électrique pour les énergies renouvelables et les réseaux intelligents (RESMA), ainsi que le Master Green BEEE (ingénierie des bâtiments verts et efficacité énergétique). Elle offre également des formations continues dans des domaines tels que l’hydrogène vert, la décarbonation industrielle, l’économie circulaire, l’agriculture durable, et les techniques de dessalement.

Dans la même optique, l’Université Mohammed VI des Sciences et de la Santé (UM6SS) a été créée pour accompagner la réforme du secteur de la santé et répondre à la demande croissante en cadres qualifiés. “L’UM6SS ajuste régulièrement son offre de formation pour répondre aux besoins du marché”, explique Mohamed Adnaoui, président de l’université.

Pour l’année en cours, l’UM6SS a inauguré l’École Mohammed VI de médecine vétérinaire, venant compléter son large éventail de formations en médecine, pharmacie, dentisterie, sciences infirmières, santé publique et biosciences.

L’université suit un parcours structuré selon le modèle Licence-Master-Doctorat, permettant aux étudiants de “suivre un parcours académique cohérent et de développer des projets de recherche dans le cadre de leurs études doctorales”, poursuit Pr Adnaoui.

L’UM6SS axe également son approche pédagogique sur “l’apprentissage innovant”, incluant la simulation au Centre International Mohammed VI et des formations pratiques au sein de ses deux hôpitaux universitaires : l’Hôpital Universitaire International Mohammed VI de Bouskoura et l’Hôpital Universitaire International Cheikh Khalifa.

RBS est classée 54e par le Financial Times, ce qui en fait la seule business school de la région MENA dans ce classement, souligne Nicolas Arnaud

Aussi, l’université propose une large gamme de masters spécialisés dans des domaines variés, tels que l’immunologie, les soins infirmiers en oncologie et soins palliatifs, la nutrition clinique, la bio-informatique et la santé publique. “Nous avons également introduit de nouvelles spécialités comme la psychologie clinique (en cours d’accréditation), l’audiologie et les thérapies auditives, ainsi que la biologie médicale”, contribuant ainsi à “former des professionnels hautement qualifiés et adaptés aux réalités du marché”, fait-il savoir.

L’importance des soft skills

Si les compétences techniques sont primordiales pour répondre aux besoins des industries de pointe, elles ne suffisent plus à elles seules à former des cadres complets capables de s’adapter à un environnement globalisé et en constante évolution.

Les entreprises attendent de leurs futurs collaborateurs qu’ils soient également dotés de compétences comportementales et sociales, comme le leadership, la gestion de projet, ou encore la capacité à travailler en équipe dans des environnements multiculturels. Conscients de ce défi, les établissements marocains ont systématiquement intégré le développement des soft skills dans leurs programmes.

L’UIR accorde une importance particulière aux softs skills lors de la conception de ses cursus, en concertation avec ses partenaires industriels et académiques : le modèle est payant, avec un taux d’employabilité de l’UIR qui dépasse les 90% une année après l’obtention du diplôme

L’UIR, par exemple, accorde une importance particulière à ce volet lors de la conception de ses cursus, en concertation avec ses partenaires industriels et académiques. Abdelaziz Benjouad explique que cet effort a permis de créer un “environnement d’apprentissage propice à la créativité, à l’inventivité et à l’acquisition des Power skills (soft et hard skills) nécessaires à l’intégration directe des lauréats dans le marché du travail”. Ce modèle s’avère payant, avec un taux d’employabilité de l’UIR qui dépasse les 90% une année après l’obtention du diplôme.

Pour sa part, RBS assure le développement de ces compétences comportementales en partie grâce à la mobilité internationale offerte à ses étudiants. Ceux-ci peuvent obtenir un double, voire un triple diplôme grâce aux partenariats de l’école avec 180 institutions dans plus de 50 pays, en plus de l’apprentissage des soft skills. “Cela permet à nos étudiants de devenir des citoyens du monde, capables de comprendre les différences culturelles et les complexités du monde globalisé dans lequel ils évolueront”, explique Nicolas Arnaud.

Évaluation des cursus de formation

En complément de la formation technique et du développement des soft skills, l’évaluation continue des programmes de formation s’impose comme un pilier essentiel pour garantir leur efficacité et leur adéquation avec les exigences du marché du travail.

Le ministère de l’Enseignement supérieur a mis en place plusieurs dispositifs d’évaluation visant à suivre l’insertion professionnelle des lauréats et à ajuster les cursus en fonction des retours d’expérience.

Dans ce sens, Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, souligne que “les Career Centres, implantés dans les universités marocaines, jouent un rôle crucial dans le suivi de l’insertion socioprofessionnelle des diplômés et l’évaluation de la pertinence des formations”.

Ces centres permettent aux établissements d’enseignement d’évaluer et de réajuster rapidement leurs offres de formation en fonction des évolutions du marché. “Ces dispositifs viennent enrichir les analyses globales menées par des instances comme le Haut-Commissariat au Plan, en fournissant aux universités des retours détaillés sur l’adéquation entre les compétences acquises par les lauréats et celles demandées par le marché”, précise le ministre.

En plus de ces Career Centres, le système d’assurance qualité de l’enseignement supérieur repose sur trois niveaux d’évaluation : l’évaluation institutionnelle des établissements, l’évaluation des programmes pour leur accréditation, et une évaluation globale du système éducatif, rappelle le ministre.

L’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité de l’enseignement supérieur (ANEAQ) joue un rôle central dans ce processus en garantissant que les programmes respectent les standards internationaux. “L’ensemble de ces évaluations assure que les formations répondent aux attentes du marché de l’emploi tout en respectant les standards internationaux”, conclut Abdellatif Miraoui.

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Le témoignage de Mohamed Belkora, lauréat du cycle ingénieur en aéronautique à l’UIR

“Dans le cadre de ma formation à l’UIR, au sein de la School of Aerospace and Automobile Engineering, j’ai eu l’opportunité de suivre un parcours de grande qualité.

L’UIR propose un programme d’ingénieur avec des classes préparatoires intégrées, offrant dès les deux premières années une solide base scientifique, appliquée directement au secteur de l’aéronautique. Ce programme se distingue par un cycle d’ingénieur approfondissant les compétences techniques tout en incluant des stages pratiques au sein du Tech-center de l’UIR et dans des entreprises partenaires, s’appuyant sur la méthodologie du “Learning by doing”.

Par ailleurs, l’UIR offre la possibilité de se perfectionner à l’international dans des institutions de renom telles que la Mississippi State University et le Georgia Institute of Technology à Atlanta.

Issu d’une famille d’entrepreneurs dans le secteur agricole, la formation reçue à l’UIR m’a permis de combiner mes connaissances en agriculture avec celles acquises en aéronautique, aboutissant à la création d’une entreprise innovante dans le domaine des drones agricoles.

L’accompagnement de l’UIR ne s’est pas limité à la période de formation. Grâce à son incubateur et à sa plateforme technologique, j’ai pu bénéficier d’un soutien continu en matière d’innovation et d’entrepreneuriat, me permettant ainsi de développer un produit fiable et compétitif sur le plan économique”.

Le témoignage de Ismaïl Djedidi, lauréat du Master Finance et économie appliquée à RBS

“La formation que j’ai reçue à Rabat Business School (RBS) a joué un rôle déterminant dans mon parcours professionnel. Elle m’a permis d’acquérir des compétences solides en gestion, en finance et en stratégie, tout en renforçant ma capacité à analyser et résoudre des problèmes complexes.

Les interactions avec des professeurs et des étudiants internationaux ont élargi ma vision du monde des affaires et m’ont aidé à mieux comprendre les enjeux globaux.

L’environnement multiculturel de RBS a été un véritable atout pour évoluer dans des contextes internationaux. J’ai appris à m’adapter à des modes de communication variés et à apprécier les différences culturelles dans les relations professionnelles. Cette ouverture d’esprit m’a été précieuse dans ma carrière.

L’un des moments les plus marquants de mon passage à RBS a été un projet collaboratif avec des étudiants de diverses disciplines. Ce travail d’équipe m’a permis de développer mes compétences en communication interdisciplinaire, un atout majeur dans mon quotidien professionnel”.

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