Un diplomate français a justement fait remarquer que les mandats des présidents français “commencent toujours à Alger et se terminent à Rabat”. Une remarque particulièrement pertinente dans le cas du président Emmanuel Macron. Ce dernier a multiplié, pendant sept ans, les gestes de rapprochement et de proximité avec l’État algérien. En vain ! Au-delà des calculs économiques et politiques, Macron était imprégné des idées de son ancien maître, le philosophe Paul Ricoeur, sur la mémoire, le pardon et l’oubli.
Il pensait qu’il réussirait là où tous les dirigeants français avaient échoué avant lui : réconcilier les mémoires et écrire une nouvelle page entre la France et son ancienne colonie. Mais les déceptions se sont enchaînées et il a appris, à ses dépens, que cette tentation métaphysique était impossible avec un régime sans cap ni horizon, qui fonctionne avec des schémas désuets et une classe dirigeante médiocre à tous les niveaux. Cette médiocrité a été le meilleur diplomate au service du Maroc, expliquant l’évolution de la position française sur le dossier du Sahara.
Profitant de vents favorables, notamment de la multiplication des gestes positifs de grandes puissances sur la question du Sahara, le royaume a réussi à obtenir un soutien inespéré. La plupart des analystes et commentateurs, y compris l’auteur de ces lignes, pensaient que la France maintiendrait le statu quo pour ne pas s’aliéner l’un des deux pays. Nous avons tous pensé que, selon un calcul rationnel, Paris n’aurait aucun intérêt à sortir de sa position, en raison de la complexité de ses relations historiques avec Alger et de la susceptibilité épidermique de ses dirigeants.
Ni les États-Unis, ni l’Espagne, et encore moins l’Allemagne, ne partagent les mêmes liens qu’entretient la France avec l’Algérie et pouvaient donc se permettre de s’aligner ouvertement sur la solution proposée par le Maroc pour régler le dossier du Sahara. Mais pour la France, c’était inimaginable !
“Macron a fait le choix de la dynamique marocaine au lieu de la paralysie algérienne et des intérêts économiques partagés et concrets à la place d’une chimère”
La persévérance et l’opiniâtreté du Maroc, ainsi que la fixation d’une ligne claire et directrice, ont finalement eu raison du statu quo français. L’avantage de la monarchie est d’avoir le temps long pour elle : depuis l’indépendance du Maroc, trois rois ont vu défiler huit présidents et une kyrielle de gouvernements. Le roi a désigné la question nationale du Sahara comme le prisme principal à travers lequel le Maroc évalue ses relations étrangères, et la pierre de touche qui permet de distinguer les pays amis des partenaires tièdes.
Un cap clair pour la diplomatie marocaine, auquel se sont tenus tous les acteurs politiques et économiques du pays, quitte à faire l’impasse sur la présidence Macron. Finalement, ce dernier a fait le choix de la dynamique marocaine au lieu de la paralysie algérienne et des intérêts économiques partagés et concrets à la place d’une chimère. Le changement à la tête de la représentation diplomatique française au Maroc aurait également contribué à mettre l’Élysée sur la voie du pragmatisme. La récente position française est un choix de raison, qui prend en considération l’évolution du monde et du continent africain, privilégiant les promesses positives et réalisables aux menaces lugubres et stériles. Tant mieux pour Rabat et Paris, et souhaitons davantage de raison et de sagesse à Alger !