Il fait chaud. Hyper chaud. Tout le monde en parle. Tout le monde s’en plaint. Même les journaux en font leurs gros titres. Alors, bien sûr, c’est normal, c’est de saison. C’est aussi le réchauffement climatique. Et c’est partout pareil. Mais tu as tout de même un peu l’impression que la chaleur ici est un peu plus rude.
Est-ce parce qu’elle est plus “terroir” ? Moins douce, ou plus rugueuse par essence ? Est-ce un trait de caractère géographico-climatique ? Est-ce une part de son identité de chaleur ? Est-ce que c’est un truc factuel et purement météorologique ? Tu n’en sais rien. Tu ne vas pas aller jusqu’à donner du crédit aux théories capilotractées selon lesquelles le ressenti climatique souffrirait d’un quelconque déterminisme.
“on est en 2024, qu’on a marché sur la lune, qu’on sait faire des crèmes qui activent le renouvellement cellulaire, alors on devrait pouvoir trouver des solutions pour ne pas crever de chaud. Et non, tu ne parles pas de la clim !”
En revanche, tu as bien plus chaud ici qu’ailleurs, et ça, tu le sais. Et ce n’est pas qu’un vague truc vaguement psychosomatique. Non tu le sais, tu le sens, et tu le transpires même. Ici, il fait chaud et rien n’est fait pour qu’il fasse moins chaud. Au contraire. En fait, il est là le problème. Alors bien sûr, tu ne dis pas qu’il faudrait trouver des solutions pour changer le cours de la météo. Tu n’es pas complètement absurde. Tu dis juste qu’on est en 2024, qu’on a marché sur la lune, qu’on sait faire des crèmes qui activent le renouvellement cellulaire, alors on devrait pouvoir trouver des solutions pour ne pas crever de chaud. Et non, tu ne parles pas de la clim ! Tu parles de ce que tu as pu voir ailleurs justement.
Et le premier truc, c’est avant tout de créer plus d’ombre. Ça a l’air absolument évident. Il fait chaud. La chaleur vient principalement du soleil. Il faut s’en préserver avec de l’ombre. Parce que les zones d’ombre permettent de réduire le ressenti de chaleur. Simple. Basique. Et puis, au-delà du bon sens, tu te souviens avoir lu une étude dans la très sérieuse revue scientifique The Lancet qui expliquait de manière très claire que si l’on doublait la couverture végétale des villes, cela ferait baisser la température de 0,4° pendant les épisodes de canicule estivale. Hyper clair. Hyper logique. Et pourtant ! Tu as un peu l’impression que dans le plus beau pays du monde, il y a un certain talent mis en œuvre pour ne surtout pas faire d’ombre.
“Ailleurs, la tendance est à la végétalisation du bâti. Ici on est dans l’exact inverse. On bâtit le moindre mètre carré potentiellement constructible. Il y a des arbres ? Déracinons-les !”
Tu ne fais pas du tout partie de ceux qui pensent systématiquement que l’herbe est plus verte ailleurs. Mais sur ce sujet, force est de constater que si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, elle est plus existante. Et le vert, ça fait partie des choses qui rafraîchissent. Ailleurs, la tendance est à la végétalisation du bâti. Ici on est dans l’exact inverse. On bâtit le moindre mètre carré d’espace potentiellement constructible. Il y a des arbres ? Déracinons-les ! C’est une zone non ædificandi ? Et alors ? Un zoning ça se change, et puis, au pire, ça s’achète. Et ça, ça te met hors de toi. Toi, tu n’es pas juste une espèce de militante faussement écolo et même faussement militante. Tu te dis juste qu’il fait beaucoup trop chaud. Et vu que l’on ne prend pas du tout soin, collectivement, de cette planète, ça ne va pas aller en s’arrangeant.
Du coup, tu te dis qu’il faut faire quelque chose. Ça te paraît urgent et fondamental. C’est même une responsable onusienne qui le dit : “Le refroidissement est fondamental (pour le) développement durable. Nous devons assurer un accès équitable au refroidissement pour protéger les personnes de la chaleur extrême, maintenir les aliments au frais, conserver les vaccins, et bien plus encore. Nous devons réfléchir aux différents moyens de nous rafraîchir”. Tu ne dis pas que tu es en accord avec tout ce qui émane de l’ONU, mais là tu ne peux que reconnaître que cette déclaration est frappée au coin du bon sens. Et du coup, ça te met encore plus hors de toi. Ça te fait encore plus crever de chaud. Et puis, ça te rend un peu triste de te dire que, finalement, rien n’est fait pour que justement on ne finisse pas par mourir de chaud.