La tension monte entre l’Union européenne et la Russie. Dans sa guerre multidimensionnelle avec Moscou, Bruxelles envisage désormais de saisir les 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés sur le reste du Vieux continent pour financer l’armement mais aussi la reconstruction de l’Ukraine. Sur ce sujet, le Maroc a adopté une position claire en choisissant de ne pas s’aligner sur un camp ou sur l’autre.
“du côté de Kiev, on semble croire que le Maroc serait la clé pour mobiliser un soutien à la cause ukrainienne sur le reste du continent, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest”
Mais du côté européen, on en demande davantage au Maroc. Il se dit ainsi que certains pays de l’UE voudraient troquer un soutien marocain à l’Ukraine en contrepartie d’une reconnaissance formelle – ou informelle – de la marocanité du Sahara. La méthode européenne semble inspirée tout droit du “playbook” américain qui avait obtenu une reprise des relations entre le Maroc et Israël en contrepartie d’une reconnaissance de nos provinces du Sud. Surtout que, du côté de Kiev, on semble croire que le Maroc serait la clé pour mobiliser un soutien à la cause ukrainienne sur le reste du continent, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest. Dans la logique européenne, le Maroc ferait ainsi d’une pierre deux coups : sécuriser des reconnaissances de la marocanité du Sahara et réduire l’influence russe dans son voisinage immédiat au Sahel.
“La relation Rabat-Moscou est ancienne et, surtout, la Russie est devenue un partenaire économique fiable pour le Maroc”
Cependant, ce scénario semble ignorer plusieurs réalités. La relation Rabat-Moscou est ancienne et, surtout, la Russie est devenue un partenaire économique fiable pour le Maroc. Cette relation s’est maintenue malgré le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne. Bon nombre d’industriels russes ont ainsi contourné les sanctions européennes en faisant passer leurs cargos par le port de Tanger Med. Certes, la Russie n’est pas le soutien le plus vocal de la marocanité du Sahara. Mais la position de Moscou est connue et le pays de Vladimir Poutine sait faire office de contrepoids lorsque les puissances occidentales tentent de faire pression sur le Maroc.
Surtout, le Maroc veille à l’équilibre de ses relations diplomatiques avec les grandes puissances. Notre pays peut renforcer ses relations avec les puissances occidentales tout en maintenant de bonnes relations avec la Russie et en développant les initiatives avec Pékin. L’arrivée récente d’entreprises chinoises en est d’ailleurs un témoignage évident. On peut certes comprendre que les 27 soient inquiétés par un conflit qui se déroule sur leur continent, soit “au pas de leur porte”.
Mais il est également bon de rappeler que le Maroc vit déjà une guerre larvée sur son propre territoire. Un réchauffement des relations entre notre pays et les différents acteurs européens ne signifie pas pour autant un retour à un ancien modus operandi dans lequel l’Europe dicterait au Maroc la marche à suivre. Le monde a changé. Le Maroc aussi. Et dans un monde multipolaire, l’Union européenne reste une puissance parmi d’autres.