Gitex Africa : en attendant “Maroc digital 2030”

En attendant Godot, le titre de la célèbre pièce de théâtre de Samuel Beckett, s’applique au sort incertain de la stratégie digitale du Maroc promise par Ghita Mezzour, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration depuis qu’elle est aux commandes de ce département névralgique, donc depuis 2021.

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Ghita Mezzour, ministre déléguée auprès du chef du gouvernement chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Baptisée “Maroc digital 2030”, cette feuille de route préparée par le cabinet Boston Consulting Group est toujours en cogitation et concertation alors que le Maroc s’apprête à accueillir la deuxième édition de la grand-messe technologique du continent Gitex Africa fin mai à Marrakech.

Au-delà des chiffres et des ambitions de la stratégie 2030 de Mezzour, publiés en exclusivité par TelQuel en octobre 2023, l’écosystème du digital a reproché à cette vision, concoctée en solitaire, un manque de concertation et une gouvernance qui marginalise délibérément les instances et les agences déjà existantes telles que la CNDP, l’ANRT, l’ADD, et la DGSSI.

En effet, cet écosystème déboussolé s’attendait à ce que l’arrivée de Mezzour au sein du gouvernement Akhannouch insuffle une nouvelle dynamique sectorielle adossée à une vision volontariste à l’horizon 2030.

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Or, à date d’aujourd’hui, et après 32 mois aux commandes du département de la Transition numérique, le Maroc navigue à vue et sans stratégie claire capable de mobiliser les organismes publics et le secteur privé sur des thématiques déterminantes de l’avenir du digital, telles que le cloud, l’IA, l’egov, le financement de l’innovation et les startups, le capital humain et la cybersécurité…

Une “errance digitale” aggravée par l’intervention du chef du gouvernement et la création, en novembre 2023, d’une Commission nationale du développement du numérique destinée à garantir une concertation élargie sur le montage d’une nouvelle version de la stratégie 2030 rejetée dans sa première mouture par la Primature.

À cette complexité de montage pour l’accouchement d’une stratégie sectorielle, le mandat de Mezzour a été marqué à ses débuts par le déclenchement d’une perturbation majeure suite à sa manœuvre d’appropriation d’une large partie des prérogatives de l’Agence de développement du digital (ADD) et de l’autorité de régulation (ANRT). Une manœuvre jugée “aventurière” par les professionnels et qui s’est soldée par la création d’une direction de transition numérique qui peine à démarrer malgré la publication de son décret d’application en mai 2023, grâce à l’appui indéfectible du chef de gouvernement.

Entre-temps, l’agenda de Mezzour se limite à la participation active dans les différents colloques et séminaires sur l’IA, le cloud et l’e-gov au Maroc et l’international. Son dynamisme est manifeste, également, sur le plan médiatique, dans l’aide à couper les rubans de cérémonie d’inauguration des sièges des entreprises nationales et internationales qui décident de s’installer au Maroc ou de développer leur présence dans l’offshoring.

En tout cas, au lieu d’attendre cette hypothétique stratégie tant promise, l’écosystème du digital, surtout le secteur privé, n’a d’autre choix que de continuer à frayer son chemin, en solo, avec assurance et persévérance, en attendant des lendemains qui chantent.

TelQuel publie un spécial Gitex Africa le 24 mai : lire les détails ici