Exclusif : les détails de la stratégie Maroc digital 2030

TelQuel publie, en exclusivité, la stratégie de la transition numérique “Maroc digital 2030” préparée par Boston Consulting Group pour le compte de Ghita Mezzour, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration. Les détails sur une stratégie dont le mode opératoire et la gouvernance sont critiqués par l’écosystème du digital.

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Ghita Mezzour, ministre déléguée auprès du chef du gouvernement chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'administration. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Des services publics digitalisés et une économie numérique souveraine boostée par une connectivité haut débit et le cloud. Tels sont les leitmotivs de la stratégie Maroc digital 2030 préparée par le cabinet international Boston Consulting Group (BGC) pour le compte de Ghita Mezzour, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration.

Les ambitions de cette stratégie s’articulent autour de deux axes. Le premier se focalise sur la digitalisation des services publics pour mieux servir les citoyens et les entreprises à travers un accès de qualité, des démarches simplifiées et des services transparents.

Le second axe a trait à la dynamisation de l’économie numérique via la création de 300.000 emplois et la contribution au PIB national à hauteur de 170 milliards de dirhams tout en consolidant la souveraineté numérique du Maroc.

Concrètement, la feuille de route du ministère de la transition numérique et de la réforme de l’administration ambitionne de placer le pays dans le top 50 mondial à l’horizon 2030 dans le classement onusien E-government et développement Index (EDGI) de services publics en ligne, contre la 113e place actuellement.

Cet objectif sera concrétisé à travers la mise en place d’un portail unique regroupant l’ensemble des services publics avec une simplification et une digitalisation accélérée des parcours à fort impact usager notamment en relation avec la santé, l’investissement, l’éducation et les services aux MRE.

L’outsourcing et le soutien des startups pour dynamiser l’économie numérique

Outre l’axe e-gov, la stratégie 2030 de Mme Mezzour parie sur la dynamisation de l’économie numérique à travers deux axes thématiques. Le premier se focalise sur la montée en gamme et le développement du hub outsourcing pour passer d’un chiffre d’affaires de 13 milliards de DH en 2022 à 42 milliards de DH en 2030.

Cette croissance soutenue du chiffre d’affaires sera accompagnée par une dynamique d’employabilité sectorielle qui va permettre de créer 300.000 emplois dans l’outsourcing en 2030 contre 130.000 emplois en 2022.

Le second axe lié à la dynamisation de l’économie numérique concerne le développement de l’écosystème de startup pour atteindre 3000 startups labellisées en 2030 contre 380 en 2022. Le financement de cette croissance passe par le renforcement des dispositifs de la levée de fonds pour mobiliser 7 milliards de DH en 2030 contre 330 millions de DH.

Plus ambitieux, la stratégie préparée par BCG table sur l’émergence de deux licornes marocaines à l’horizon 2030, et ce via l’établissement d’une réglementation favorable, un financement d’amorçage et de croissance, un accompagnement de qualité et un accès à la commande publique et privée.

Au-delà des ambitions chiffrées de la stratégie 2030, quid des ressources humaines ? Mme Mezzour compte un dispositif de trois catalyseurs : la formation initiale, la conversion et l’attraction de talents internationaux.

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Trois chiffres à retenir sur ce volet à l’horizon 2030 : la formation par an de 45.000 talents dans le numérique, la conversion de 50.000 jeunes vers les métiers du numérique ainsi que l’accueil de 6000 nouveaux talents étrangers par an dans le numérique.

Parallèlement à la dynamique e-gov et l’économie numérique, cette stratégie projette de s’appuyer sur deux catalyseurs : le cloud et la connectivité.

En effet, la stratégie Maroc digitale table sur une croissance de la capacité de data center pour passer de 7 MW en 2022 à 40 MW en 2030. Cette évolution de capacité sera accompagnée par la mise en place d’une politique de “Cloud first” en vue de l’accélération du recours à l’externalisation dont le taux cible à 2030 est de 70 % contre 14 % actuellement.

Le second catalyseur a trait à la connectivité. La feuille de route préparée par BCG trace trois objectifs ambitieux à l’horizon 2026. Il s’agit de l’équipement de 5 millions de ménages en fibre optique, la connectivité de services publics avec 12000 points connectés au très haut débit tout en garantissant une couverture mobile en 4G avec un débit minimum de 2 Mb/s.

La gouvernance du plan ambitieux de la déléguée chargée de la transition numérique s’appuie sur la commission nationale de la simplification des procédures et formalités administratives et une commission nationale de la transition numérique en mesure d’assurer le suivi rapproché et l’exécution agile de la stratégie Maroc digital 2030.

Au-delà des chiffres et des ambitions de la stratégie de Mme Mezzour, l’enjeu est de pouvoir mobiliser l’écosystème du digital autour de cette vision volontariste dont plusieurs professionnels du secteur lui reprochent le manque de concertation et une gouvernance qui marginalise délibérément les instances et les agences déjà existantes telles que la CNDP, l’ANRT, l’ADD et la DGSSI.

Une contestation de la gouvernance à laquelle s’ajoute l’absence de visibilité pour le chantier de l’intelligence artificielle et l’opérationnalisation du plan cloud ainsi que le risque de redondance par rapport à ce qui a été déjà recommandé par les différentes études précédentes relatives au digital.