Data centers : l’américain Oracle s’allie à N+One pour lancer son cloud au Maroc

Un tournant dans le marché des data centers au Maroc. L’américain Oracle a décidé de s’allier à N+One pour déployer son centre cloud régional africain au Maroc. Les détails en exclusivité avec le PDG de N+One, Amine Kandil, sur ce deal majeur qui va booster le processus de digitalisation du pays tout en se conformant aux exigences de la souveraineté numérique.

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Amine Kandil, PDG de N+One. Crédit: DR

TelQuel : L’américain Oracle a décidé le 11 mars de déployer son offre Cloud Infrastructure (OCI) au Maroc en partenariat avec N+One. De quoi s’agit-il concrètement ?

Amine Kandil : L’annonce le lundi 11 mars de l’hyperscale Oracle, en marge de l’annonce de ses résultats financiers, de sa décision de s’installer au Maroc en partenariat avec N+One marque un tournant dans la stratégie de développement de data centers et du cloud dans notre pays.

Notre alliance avec Oracle va permettre de développer une offre cloud qui répond aux exigences des organismes publics et privés en matière de “territorialité des données”.

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La décision d’Oracle de choisir le Maroc est aussi et surtout une reconnaissance du potentiel du marché marocain et africain et un levier d’accélération de nos chantiers de digitalisation. Cette alliance avec ce partenaire international est pour nous une reconnaissance de notre engagement historique sur la niche data center et cloud depuis 2008.

Concrètement, dans quelle mesure l’arrivée de l’hyperscale Oracle au Maroc va contribuer à l’accélération de la digitalisation du pays ?

Historiquement, le débat sur le digital était marqué par les enjeux de la souveraineté numérique. À travers ce partenariat entre Oracle et N+One, deux défis majeurs liés à ce débat vont être résolus.

Le premier concerne “la territorialité des données”. Dorénavant, nos data centers en partenariat avec Oracle vont permettre d’être conformes à la réglementation au Maroc puisque les clients vont bénéficier des avantages et de l’agilité du cloud tout en gardant leurs données sur le territoire national.

Le second défi, lié à la “sécurité des données et la conformité”, va être résolu à travers le déploiement de solutions permettant de sécuriser les données en conformité avec la loi n° 05-20 relative à la cybersécurité, et particulièrement son article 12 qui stipule que “toute externalisation d’un système d’information sensible doit faire l’objet d’un contrat de droit marocain qui doit comprendre des engagements de protection de l’information, d’auditabilité et de réversibilité, ainsi que les exigences de sécurité et les niveaux de service voulus”.

D’ailleurs, c’est l’essence même de notre accord de partenariat avec l’hyperscale Oracle Cloud Infrastructure, qui va nous permettre de travailler en étroite collaboration avec lui pour proposer des solutions cloud adaptées au marché marocain et africain conformément à la stratégie du Maroc à l’horizon 2030.

Votre réussite dans la levée de fonds auprès de fonds de private equity AIIF4 vous a-t-elle aidé à réussir cette alliance avec Oracle au Maroc et en Afrique ?

Évidemment, l’arrivée d’investisseurs internationaux dans le tour de table de notre entreprise est un gage de confiance et un levier de croissance. Nous avons accueilli, en effet, en 2023, un nouvel actionnaire minoritaire, à savoir le fond de private equity international dédié à l’investissement en infrastructures en Afrique “AIIF4” qui est géré par l’asset manager AIIM et rassemble plus de 20 investisseurs institutionnels internationaux dont des fonds souverains, des fonds de pension et certains DFIs.

L’alliance avec AIIF4 et sa société de gestion AIIM va nous permettre de bénéficier d’un réseau considérable et d’une expertise unique en Afrique. Il s’agit d’un fonds de plus de 22 ans d’expérience d’investissement en infrastructures dans plus de 20 pays à travers le continent. Nous comptons accélérer notre expansion africaine en nous appuyant sur ce know-how et ce réseau pour bâtir un champion marocain du digital en Afrique.

D’ailleurs, les fonds levés auprès de “AIIF4” vont nous permettre de financer l’expansion de nos data centers au Maroc et en Afrique de l’Ouest, le développement de solutions de cloud souveraines, ainsi que d’autres projets de croissance dans le reste de l’Afrique.

Je tiens à préciser que malgré cette ouverture du capital à l’international, l’actionnariat au niveau de N+One demeure majoritairement marocain avec la conservation du contrôle sur les activités de nos différentes filiales marocaines et à l’international. D’ailleurs, pour la gouvernance de N+One, nous sommes en cours de finalisation de notre transformation en SA avec un board, en cours de cooptation, composé de dirigeants et d’administrateurs indépendants.

Avec votre ambition de devenir un champion marocain de l’Afrique du digital, quelle est votre feuille de route de croissance sur le continent, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire ?

Notre ambition est continentale. Nous prévoyons d’élargir notre présence sur le continent en ouvrant de nouveaux data centers.

Au Maroc, nous avons lancé la construction d’une extension de nos campus à Nouaceur et Settat avec plus de 2 MW de capacité de calcul. Ces deux sites seront opérationnels d’ici fin 2024, ce qui va porter la capacité de nos data centers au Maroc à plus de 8 MW.

Au Sénégal, nous venons de finaliser l’acquisition d’un lot de terrain à Dakar, qui sera destiné à la construction d’un site prochainement, d’une capacité initiale de 1 MW. Nous allons continuer, parallèlement, notre développement régional dans plusieurs pays du continent, avec un focus sur le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par Rachid Jankari