La violence économique concernerait à ce jour 1,9 million de Marocaines. Un fléau contre lequel les pouvoirs publics entendent lutter en œuvrant pour l’autonomisation socio-économique des femmes, à travers un ensemble de programmes lancés ces dernières années.
Conformément aux instructions du roi Mohammed VI, le chantier d’autonomisation socio-économique des femmes est, depuis plusieurs années, un axe stratégique du développement du royaume. Une vision qui s’appuie sur l’article 19 de la Constitution, qui dispose que “l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, sociale, culturel et environnemental”.
Cette lutte pour l’égalité, longtemps portée par la société civile, est de plus en plus investie par les pouvoirs publics. “L’autonomisation et le leadership des femmes sont au cœur du programme gouvernemental”, assurait Aawatif Hayar, ministre de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille, en novembre 2023 lors d’une conférence à l’Université Al Akhawayn.
Si les chiffres demeurent inquiétants, notamment ceux de l’inclusivité des femmes dans le marché du travail formel, plusieurs programmes œuvrant à leur autonomisation ont été amorcés.
“Urgence nationale”
Début décembre 2021, le ministère de la Solidarité et de la Famille entame une approche participative, en collaboration avec les régions du royaume. Ces consultations, qui se déroulent pendant trois mois, débouchent sur la mise en place de la stratégie GISSR, qui vise le développement socio-économique des couches les plus vulnérables de la société, dont les femmes en situation précaire.
Elle est actuellement en cours de déploiement à l’échelle nationale, dans une démarche d’inclusivité qui vise à mettre en place “un écosystème territorial d’incubateurs sociaux pour l’autonomisation économique comme levier principal pour accompagner les femmes et les aider à sortir du cycle de violence”, explique le ministère au sujet de ce programme à 386 millions de dirhams dont devraient bénéficier 36 000 femmes dans les 12 régions du royaume.
A l’instar de celles-ci, les politiques publiques dédiées au développement socio-économique des femmes se multiplient depuis plusieurs années. Un épanouissement qui demeure entravé par la violence économique que de nombreuses femmes continuent de subir. Elle se traduit notamment par une faible insertion des femmes dans le marché du travail, ainsi qu’une forte présence féminine dans l’économie informelle, et toucherait 1,9 million de femmes à travers le royaume.
Dans un avis rendu en 2020, le Conseil Économique, Social et Environnemental qualifiait “d’urgence nationale” l’élimination des violences faites aux femmes, et proposait six orientations stratégiques et 36 mesures opérationnelles en ce sens. Parmi celles-ci, “l’intégration de la question des violences à l’égard des femmes dans les plans de soutien et de relance économique et sociale”.
Selon l’UNICEF, en 2021, 76% des jeunes NEET au Maroc (ni en éducation, ni en formation, ni au travail) sont des filles
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’UNICEF, en 2021, 76% des jeunes NEET au Maroc (ni en éducation, ni en formation, ni au travail) sont des filles. Le rapport du Nouveau Modèle de Développement avait reconnu les efforts menés par les pouvoirs publics pour l’autonomisation économique des femmes et des filles, tout en fixant un objectif ambitieux à l’horizon 2030 : atteindre un taux d’activité des femmes de 45%.
Une prouesse qui passe par l’exécution du Plan Gouvernemental pour l’Egalité (PGE), dont le cadre stratégique a été adopté par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en mars 2023.
Violence sur violence
Dans une société, les violences et discriminations s’imbriquent rapidement les unes dans les autres. L’économiste Rajaa Mejjati Alami en faisait le constat pour TelQuel : “Le HCP avait rappelé il y a quelques années que 77% des femmes ne pouvaient pas accéder au marché du travail en raison de pressions socio-culturelles exercées par le conjoint ou la famille”.
Des pressions qui sont elles-mêmes basées sur d’autres types de discriminations, qu’elles soient d’ordre juridique ou social. Dans cette continuité, l’aboutissement de l’autonomisation socio-économique passera également par une réduction significative des autres types de violences à l’encontre des femmes. Y compris la violence physique et sexuelle, qui continue de sévir. Selon le HCP, le coût économique de ce type de violences s’élève à plus de 2,86 milliards de dirhams.
Lors de la dernière campagne de sensibilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes, la ministre Aawatif Hayar soulignait que “la dimension territoriale doit être prise en compte dans la lutte”. Son département a annoncé s’être engagé dans la création de 100 espaces multifonctionnels pour les femmes victimes de violences (EMF), qui devraient être implantés sur l’ensemble du territoire national.
A ce jour, de nombreux partenariats ont été conclus avec la société civile afin de garantir des services de prise en charge, d’hébergement d’urgence et d’autonomisation aux femmes ayant été contraintes de fuir leurs foyers en raison de ces violences.
En décembre dernier, 78 centres d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences ont par ailleurs été sélectionnés pour bénéficier d’un soutien financier à hauteur de 12 millions de dirhams. Plusieurs de ces actions s’inscrivent notamment dans la mise en œuvre de “La déclaration de Marrakech”, signée le 8 mars de 2020, sous l’égide de la princesse Lalla Meryem, présidente de l’Union Nationale des femmes du Maroc.