Gaza : le Maroc attend son heure

Par Réda Dalil

Question : qui peut arrêter Israël dans ses embardées génocidaires à Gaza ? Réponse : personne. Fermement soutenu par l’allié américain qui use de son droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer toute résolution appelant à un cessez-le-feu, le gouvernement suprémaciste de Benyamin Netanyahu peut tuer en toute impunité. Déjà, plus de 29.000 Gazaouis ont été fauchés par les bombardements sauvages et indistincts de l’occupant israélien, dont les objectifs de guerre demeurent flous. Faut-il en finir avec les 2 millions d’âmes qui peuplent Gaza avant que l’extrême droite israélienne ne juge sa victoire complète ?

À l’instar de la communauté arabe, le Maroc est impuissant mais il ne se tait pas pour autant

Réda Dalil

En dépit d’un changement graduel de ligne en Occident, notamment en Europe où l’on est passé du soutien inconditionnel à Israël à des appels de plus en plus francs à un cessez-le feu immédiat, rien n’y fait, les massacres perdurent. Et ce n’est pas le discours toujours aussi va-t-en-guerre du Premier ministre Netanyahu et de ses acolytes qui laisse présager une fin imminente du conflit. À l’instar de la communauté arabe dans son ensemble, le Maroc est impuissant devant l’énorme injustice infligée aux frères palestiniens. Mais il ne se tait pas pour autant.

Lors du 37e sommet de l’Union africaine, tenu à Addis-Abeba les 17 et 18 février, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a réitéré le soutien du Maroc à une solution à deux États, rappelant que “le Royaume, sous la conduite de SM le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al-Qods, partage avec les pays africains frères les sentiments d’une grande tristesse et d’une profonde douleur face aux événements violents et aux affrontements militaires que connaît la région du Moyen-Orient, en particulier dans la bande de Gaza, avec ce qu’ils ont malheureusement laissé et continuent de faire, des milliers de morts, de blessés, de disparus, des déplacements forcés et la destruction de nombreux bâtiments résidentiels, hôpitaux et lieux de culte, en violation flagrante des lois internationales et des valeurs humaines”.

Assurant la présidence du Conseil des droits de l’homme à Genève, le Maroc ne peut guère engager un débat sur les pratiques génocidaires d’Israël sous peine de détruire six décennies d’efforts dans le dossier du Sahara

Réda Dalil

Mais le Maroc ne peut faire davantage que de dénoncer avec force les agissements illégaux d’Israël. Sa position est délicate. Fort d’un demi-siècle d’acquis dans le dossier du Sahara, il ne peut se risquer à utiliser des éléments de langage tels ceux formulés par le président du Brésil Lula Da Silva, qui parle de génocide pour caractériser la tuerie en cours à Gaza. Assurant la présidence du Conseil des droits de l’homme à Genève, le Maroc ne peut guère engager un débat sur les pratiques génocidaires d’Israël sous peine de détruire six décennies d’efforts dans le dossier du Sahara.

Braqué depuis le 7 octobre, l’Occident collectif, malgré certaines fissures dans l’armure, se tient solidaire d’Israël et ne pardonnerait pas au royaume une attaque frontale et décomplexée des méthodes barbares et contraires au droit international de l’État hébreu. Le Maroc ne le sait que trop. En attendant, il laisse la population exprimer sa colère vis-à-vis d’Israël dans des manifestations populaires monstres et régulières couvrant la totalité du pays. Des manifestations où est ouvertement dénoncée la normalisation du royaume avec Israël.

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Avant l’éclatement des hostilités au Moyen-Orient, le Maroc surfait sur une vague quasi miraculeuse. Il venait d’obtenir la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Israël, suite à une série d’alignements sur son plan d’autonomie (Espagne, Belgique, Allemagne). Surtout, en 2020, il décrochait le sésame avec la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté pleine et entière du royaume sur ses provinces du Sud.

Ces acquis ne sont pas advenus aisément. Ils sont forgés par des sacrifices étalés sur plusieurs décennies et trempés par le sang de nos soldats depuis la Guerre des sables jusqu’au face-à-face de Guerguerat, en passant par la bataille d’Amgala. Ces sacrifices n’ont pas de prix. Les hypothéquer sur l’autel de la situation actuelle n’est pas envisageable.

Le Maroc guette son heure. Elle viendra lorsque le cessez-le feu sera proclamé et que le vacarme des obus laissera place à la subtilité des négociations

Réda Dalil

C’est ainsi que cette phase où résonnent les canons n’est pas celle du Maroc. Ce dernier guette son heure. Elle viendra lorsque le cessez-le feu sera proclamé et que le vacarme des obus laissera place à la subtilité des négociations. C’est là que le Maroc, fort de son récent rapprochement avec Israël et de l’aura qu’il possède grâce à sa diaspora d’Israéliens d’origine marocaine, pourra s’imposer comme un intermédiaire de choix entre les Occidentaux, les pays arabes et l’État hébreu. Avec, pour objectif, la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. Le royaume ronge donc ses freins en attendant la séquence diplomatique à venir. À ce stade, c’est tout ce qu’il peut faire…

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