Depuis déjà plusieurs semaines, une question taraude le Boualem. Il tente de parler d’autre chose, le bougre, car il faut bien se changer les idées, mais en vérité, il n’arrive pas à oublier la lancinante interrogation que voilà : à quel moment est-ce que le monde va se réveiller et décider que “la seule démocratie de la région” doit être stoppée dans son œuvre diabolique ?
Combien de morts encore avant que les puissants estiment que c’en est assez ? Combien de mensonges, combien de provocations ? Ce n’est pas une question rhétorique, loin de là, le Boualem attend une réponse, car de cette réponse dépend désormais la marche du monde.
Au début des massacres, les héros de l’armée la plus morale du monde avaient bombardé un hôpital, et ensuite expliqué avec leur aplomb légendaire que ce n’était pas eux. Il y a un an environ, ils avaient canardé une pauvre journaliste et annoncé qu’ils n’y étaient pour rien. Dans les deux cas, leur responsabilité a fini par être démontrée, mais on s’en fout un peu, parce qu’ils étaient déjà passés à autre chose.
Depuis, ils ont bombardé avec enthousiasme des dizaines d’hôpitaux et envoyé vers l’au-delà une quantité absurde de journalistes sans même se donner la peine de nier leur forfaiture. Voilà à quelle vitesse les choses évoluent : ce qui choquait il y a quelques semaines est considéré comme parfaitement acceptable aujourd’hui.
Ce pays, à lui seul, a changé les standards, voilà la triste vérité. Le Tsar de toutes les Russie, d’ailleurs, ressemble à un bon père de famille depuis que Benjamin le sioniste est entré en scène. En imposant sa volonté brutale sans se soucier ni du droit ni de l’humanité, il a fait basculer notre planète dans une nouvelle ère. La chose affreuse, c’est que tout se fait aujourd’hui sous l’œil des téléphones.
“Les porte-parole du premier monde se succèdent sur les écrans télé pour justifier les massacres. Ils font des efforts, les pauvres, mais on sent bien qu’en fait, on ne peut pas vraiment comparer la vie d’un blond et celle d’un barbare”
Il y a bien sûr des victimes qui documentent leur drame. Mais il faut y ajouter les images des bourreaux eux-mêmes qui se mettent en scène, plutôt fiers de leurs exploits. Et voilà une autre nouveauté, sinistre. En général, les monstres se cachent, ils nient, ceux-là se filment en rigolant et diffusent tout sur les réseaux sociaux, car pour eux la justice n’existe pas. S’ils canardaient des chiens, ils auraient plus de scrupules.
Car ce qui se joue aujourd’hui dans ce génocide, c’est le statut d’humain de certaines personnes, rien de moins. On peut tourner le problème dans tous les sens, en fin de compte, il se résume à ce point. Est-ce que, aux yeux de l’empire, les barbares sont vraiment doués d’une âme ? Zakaria Boualem écoute attentivement les porte-parole du premier monde, lorsqu’ils se succèdent sur les écrans télé pour justifier les massacres. Ils font des efforts, les pauvres, mais on sent bien qu’en fait, tout ce qu’ils ont envie de nous dire, c’est que la réponse à la question posée quelques lignes plus haut est non, et qu’on ne peut pas vraiment comparer la vie d’un blond et celle d’un barbare.
“Si les colons d’Amérique du Nord, au hasard, avaient eu les mêmes bombes que les sionistes d’aujourd’hui, l’affaire des indiens aurait été réglée avec une telle vitesse qu’on n’aurait même pas pu en faire de western”
Voilà d’ailleurs pourquoi les massacres nazis sont considérés comme uniques, malgré les autres génocides de l’histoire : parce que celui-là a frappé des blonds, ou assimilés. Nous vivons un conflit colonial anachronique, amplifié par des moyens modernes dont ne disposaient pas les blonds du 19e siècle. On imagine que si les colons d’Amérique du Nord, au hasard, avaient eu les mêmes bombes que les sionistes d’aujourd’hui, l’affaire des indiens aurait été réglée avec une telle vitesse qu’on n’aurait même pas pu en faire de western.
Voilà les sombres pensées qui habitent le Boualem, qui se demande encore une fois quand est-ce qu’on va se réveiller et sortir de ce somnambulisme dangereux, et merci.